Après la crise du Covid, la Confédération s’est endettée de 30 milliards de francs. Pour acheter du matériel médical, pour aider les entreprises, pour payer des allocations chômage. Puis est venue la guerre en Ukraine. Avec le yoyo du prix de l’électricité, le législateur fédéral a débloqué 10 milliards de francs pour soutenir les compagnies électriques, en particulier. Axpo, société en mains de Zurich, Zoug, Argovie et Schaffhouse. Enfin, bien sûr, les milliards se sont mis à pleuvoir pour contourner une tempête du Crédit Suisse.
Difficile de sortir indemne de ce genre de passage à vide. La ministre des Finances Keller-Sutter doit respecter le frein à l’endettement. L’outil constitutionnel ne lui laisse que peu de marge de manœuvre et les mesures d’économie annoncées font mal. Rentes de survivants, transports publics, aide au développement: tout y passera. L’austérité, le prix de comptes publics équilibrés.
En cette époque de noirceur budgétaire, les grands argentiers cantonaux donnent le sentiment d’être devenus des Télétubbies béats de bonheur, bloqués il y a dix ans dans cette époque bénie des comptes où les excédents coulaient à flots.
Les finances cantonales vont bien. Trop bien. Elles atteignent des sommets. Elles rappellent les meilleures étapes du Tour de France par Lance Armstrong. On a pu entendre les Conseillers d’Etat se gargariser de résultats mirobolants. A Genève, 727 millions de bénéfice. A Zurich, un milliard de mieux qu’attendu. En Valais, 40 millions de plus. Les cantons sabrent le champagne. Même le Jura gagne de l’argent!
Et la Confédération coupe, coupe, coupe
Cette situation inédite aboutira inévitablement sur un rééquilibrage des revenus entre la Confédération et ses membres. Contribuables, nous ne payons pas des impôts pour alimenter le trésor des grands écureuils cantonaux, mais pour assurer les prestations publiques. Et de ce côté-là, on peut débattre de la responsabilité des cantons.
Pendant le Covid, les cantons ont assuré le service minimum de chez minimum. A chaque occasion, l’Etat cantonal a mendié l’aide fédérale plus souvent qu’à son tour, pour son propre fonctionnement, pour ses hôpitaux et pour ses organisations parapubliques. Lorsqu’il a fallu aider les entreprises électriques pourtant en mains communales et cantonales, le silence des actionnaires publics n’a d’écho aujourd’hui que celui des dirigeants de Credit Suisse.
Ces cantons fiers d’équilibrer leurs comptes, militent depuis des années contre la réforme du financement hospitalier, bénéficiant d’un report de milliards de francs de la poche des cantons à celle des payeurs de prime maladie. En parallèle, nombreux sont ceux qui ont purement et simplement coupé dans les subsides maladie, réclamant aujourd’hui que Berne prenne le relais.
Cerise sur le gâteau, c’est le parlement fédéral qui a décidé de débloquer 700 millions de francs pour ouvrir des crèches. Non que celles-ci ne soient pas importantes, mais elles sont de compétences exclusivement cantonales. Et vous l’aurez deviné, on ne montre pas dans les régions l’empressement attendu.
Un jour où l’autre, on se rappellera que les élus à Berne représentent les citoyens des cantons, non les administrations publiques. Et que chaque franc d’impôt thésaurisé est un franc qui serait mieux dans la poche de celui qui l’a gagné qui dans celui qui l’a prélevé.