Modeste avocat d’un canton périphérique, je m’étais juré de ne jamais assommer mes lecteurs de considération juridiques. Cette chronique sera donc une exception, qui, je l’espère, confirmera la règle.
Vous me permettrez tout d’abord de rappeler le contenu de l’article 4 de la loi sur la radio et la télévision, soit le texte fondateur qui doit guider l’action de la RTS: «les programmes des concessionnaires doivent refléter équitablement, dans l’ensemble de leurs émissions rédactionnelles, la diversité des événements et des opinions».
Instagram, zone de non-droit
Pourtant il y a une zone de non-droit, soit une zone «dans laquelle la légalité n’est pas respectée» selon Le Robert: il s’agit du réseau social «Instagram».
Client régulier des chaînes publiques, je reconnais dans l’ensemble la qualité des émissions proposées. Les productions correspondent au mandat de service public et aux règles de déontologie journalistique. Dans l’ensemble, les aspects positifs prennent en général le pas sur les négatifs. J’ai bien dit «dans l’ensemble», parce qu’il y a des exceptions sur quelques réseaux sociaux.
Depuis plusieurs années, pour être en phase avec son temps, le service public a le projet d’être présent en ligne. Et rencontre un certain succès: avec 210’000 followers, le compte Instagram de la RTS dépasse la plupart des journaux de Suisse, alémanique comprise. L’effort de modernité est à saluer, même s’il confine parfois à la concurrence déloyale. Mais c’est un autre débat.
Un langage inadapté et un penchant politique prononcé
La rigueur journalistique appliquée sur les canaux traditionnels ne semble plus s’appliquer sur un réseau social comme Instragram. Le langage utilisé sur les réseaux est parfois sujet à caution. On y découvre aussi du langage inclusif, choix militant qui n’a pas lieu d’être sur le service public.
Dernier exemple en date: la couverture des assemblées de parti du week-end dernier. Samedi, UDC, PLR, Verts et Verts-libéraux ont tenu leur assemblée de délégués. Si même les médias privés ont fait l’effort d’évoquer un peu tout le monde, le «content manager» de la RTS n’a jugé utile de couvrir que l’assemblée des Verts, naturellement, seule formation politique à mériter l’attention des militants qui semblent gérer le compte.
Il faut dire que la place manquait pour parler des autres formations politiques, probablement pas assez «dans l’air du temps»… L’espace était déjà occupé par la condamnation d’un zadiste anonyme, le réchauffement climatique en France, la lutte pour la protection des kiwis en Nouvelle-Zélande et la journée passionnante de six militants de Renovate Switzerland qui avaient décidé de gâcher celle du reste de Genève. Plus une dizaine de «sujets de société», si vous voyez ce que je veux dire. En résumé: un menu hebdomadaire à forte saveur rose-verte.
Interpellée, la RTS renvoie à la couverture desdites assemblées par le 19:30 et son site internet. Comme si ce qui se passe sur les réseaux sociaux ne la regardait pas. Comme si elle n’était responsable que du contenu diffusé à la télévision et à la radio.
Rétropédalage de la RTS
De deux choses l’une. Soit le service public estime qu’il est de son devoir d’être présent sur les plateformes. Il respecte les obligations légales (toujours l’article 4 de la LRTV) et s’impose les mêmes règles de neutralité qu’ailleurs. Interdisant le militantisme sur ces canaux. Soit sa présence n’est pas sérieuse et l’argent de la redevance n’a pas à financer cette «zone de non-droit» hors LRTV.
Entre-temps, le content manager du compte Instagram a dû se sentir un peu pris en défaut, les doigts dans la confiture fraise-rhubarbes couleur rouge-verte. Il a rétropédalé en publiant une news sur l’assemblée de l’UDC. Les autres formations restent quant à elles désespérément ignorées de la page Instagram de la RTS.