Une vielle affaire, c’était mon premier combat politique: limiter le droit de recours des associations écologistes. On s’était pris une rouste, le peuple ne nous avait pas du tout suivi. Dont acte.
Si je reparle de cet épisode traumatisant mais formateur, c’est qu’à l’époque, en 2006, lors de la récolte de signatures, on parlait déjà du rehaussement du Grimsel, un barrage du canton de Berne empêtré dans des procédures. Vingt ans plus tard, le projet passe toujours d’un tribunal à un service, puis d’un service à un tribunal, pour ne jamais être tranché.
En avril dernier, le Tribunal fédéral a dégainé et renvoyé au canton du Valais un projet de turbinage des eaux de Färdabach et du Krummbach (un point de géographie cantonale à gagner ici). Cette fois, c’est la présence de plusieurs biotopes d’insectes qui motive sa décision, principalement la mouche Leuctra schmidi (un point biologie à gagner ici).
La protection du paysage, des biotopes, du patrimoine, des voisins et de tous les autres intérêts publics justifiera encore longtemps les multiples recours, les équivalents-plein-temps de nos tribunaux, et, surtout, de intéressants revenus pour les bureaux d’ingénieurs et les cabinets d’avocats.
Multiplier la capacité de production d'électricité
C’est évidemment insupportable. Notre pays a besoin de multiplier sa capacité de production d’électricité. A cause de la guerre en Ukraine. Pour répondre à l’augmentation du parc de véhicules électriques et de pompes à chaleur. Pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Pour remplacer (ou renouveler, l’avenir le dira), nos centrales nucléaires.
Si nous voulons atteindre ces objectifs, il faudra réaliser des projets solaires hors zone, augmenter la capacité d’installation hydroélectrique, planter des tuyaux et des éoliennes. Or, comme on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs, on ne construit pas de barrages sans couler du béton. Et arrivera le moment où il faudra choisir entre la maison de la Leuctra schmidli et la Stratégie énergétique 2050. Les deux, ce n’est pas toujours possible.
Dans «Hercule et les écuries d’Augias», Dürrenmatt avait caricaturé notre incapacité crasse à prendre des décisions. Hercule, invité pour nettoyer une ville recouverte de purin, finit par s’en aller, engagé par un cirque, découragé par une communauté qui passe son temps à débattre, former des commissions et des sous-commissions pour se convaincre de ce qu’ils ont déjà décidé. Au pays de la lenteur et de la recourite aigüe, peut-être est-il temps d’adopter pour ces projets importants une procédure unique et centralisée pour confronter toutes les opinions en une fois, décider, puis faire. Et pas seulement parler.