Champagne. Coup sur coup, le Conseil des Etats a adopté des propositions dans tous les sens pour compléter le projet Rail 2050. Après les lignes grande distance, voici que la chambre haute, unanime, invite le Conseil fédéral à parfaire le prochain projet ferroviaire avec la construction du tunnel du Grimsel.
L’idée est sympathique. Alors qu’un tube devra être réalisé pour accueillir une ligne électrique à haute tension, quelques esprits ingénieux ont eu l’idée d’y mettre un train. Pourquoi pas. Relier la vallée du Grimsel et la vallée de Conche, une zone peu peuplée et une zone dépeuplée. Un projet touristique, de carte postale. La Suisse aime les trous dans ses fromages et ses tunnels, vive les clichés.
L'esthétique prime sur le pratique
Romands, on peut toutefois s’inquiéter de la décision parlementaire. Le rôle d’un programme ferroviaire, c’est de trancher. De distinguer le nécessaire, de l’utile, du superflu.
Et alors que les travaux de la gare de Lausanne sont reportés après la fin de ceux de l’autoroute du Haut-Valais, soit à des horizons que les plus de vingt ans ne connaîtront peut-être pas, charger la barque avec un projet plus esthétique que nécessaire me laisse pantois.
Car les vrais problèmes de transport sont légion en Suisse romande. Dans ma région, l’agglomération de Monthey et Collombey et ses 30'000 habitants restent encore déconnectés du chemin de fer, contraint de prendre le tram pour rejoindre les CFF.
Les projets prioritaires au coin
La réouverture de la ligne sud-lémanique n’est pas encore garantie. Je ne parle même pas de la troisième voie Genève-Lausanne. On peut parier que les Chaux-de-fonniers espèrent aussi des progrès de leur côté. Et même dans le Haut-Valais, l’équipement du second tube du Lötschberg se fait de plus pressant, année après année, sans doute plus que le Grimsel.
A force, Rail 2050 ressemblera à une liste de vœux adressée au père Noël, le gouvernement jouant ce rôle. Quiconque croit encore au Conseil fédéral sait que stratégiquement, plus on y met de jouets fantastiques, plus les chances sont élevées de ne pas pouvoir choisir in fine ce qui nous plaît vraiment.
Le parlement, en adoptant pêle-mêle des projets sans fixer de priorité, risque de saborder ceux qui sont les plus attendus par la population. Et à une époque de difficultés financières plombées par les risques causés par l’affaire de Credit Suisse, il vaut mieux faire preuve de modération que de voracité.