La chronique de Quentin Mouron
L’honneur démocratique du peuple français

Quentin Mouron était à Paris le jour du deuxième tour des législatives. Il livre ses vues sur l’issue du scrutin, et conteste l’idée que le barrage contre l’extrême-droite serait un déni de démocratie. Au contraire, il est un signe de sa vitalité.
Publié: 19.07.2024 à 12:31 heures
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Dernière mise à jour: 19.07.2024 à 16:15 heures
Refuser de donner le pouvoir à l'extrême droite de Marine Le Pen est déjà un choix démocratique plutôt qu'un vote de fatalité, estime notre chroniqueur Quentin Mouron.
Photo: IMAGO/ABACAPRESS
Quentin Mouron, écrivain

Paris, 7 juillet 2024, 20h: les résultats des élections législatives sont connus. Le Nouveau Front Populaire (gauche) obtient une majorité relative de députés à l’Assemblée Nationale, tandis que le Rassemblement National (extrême-droite), donné longtemps en tête, recule à la troisième place. Dans les rues, les discussions vont bon train. Sur la terrasse d’un bar gentrifié de Belleville, où l’on pratique le marcel déstructuré et la moustache néo-prolétarienne, la bourse en cuir et le vin biodynamique, on se réjouit globalement du scrutin. 

Deux heures plus tard, dans un bar à vins bourgeois du sixième arrondissement, où l’on entend compenser son physique de phtisique par l’absorption frénétique de charcuterie et d’abats, j’entends une autre musique: les désistements et les reports auraient volé l’élection, le scrutin est pipé, le peuple n’a pas pu s’exprimer, etc. 

Élection serait volée et peuple bâillonné?

Cette dernière thèse a été reprise à l’envi par certains médias nationalistes, et bien entendu sur les réseaux sociaux, Facebook en tête, où votre oncle tempête en majuscules contre les demi-fiottes de la droite républicaine qui n’ont pas su porter leurs couilles et se sont retirés au profit des communistes pro-Hamas, etc. Pour peu que l’on daigne traverser les brumes de l’amertume, de la mauvaise foi et du Ricard, il est possible d’identifier une thèse implicite, partagée par les éditorialistes, les candidats déçus et cet oncle dont je viens de parler: les Français auraient essentiellement voté contre un parti, et non pas pour un programme. 

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«Refuser un programme n’est pas moins démocratique que l’accepter»
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De cette thèse, on s’empresse de déduire tout un train de propositions farfelues sur la démocratie en général, et sur la française en particulier: l’élection serait volée, le peuple serait bâillonné, la corruption serait complète, etc. Or, contre cette conception, il importe de rappeler que chaque Français s’est retrouvé seul face à sa conscience au moment de voter, et que c’est en conscience qu’il a refusé de choisir le candidat du Rassemblement National qui, bien souvient, était présent au deuxième tour.

Candidats farfelus jusqu’au vertige

Refuser un programme n’est pas moins démocratique que l’accepter, dire non est aussi le privilège du citoyen – tout comme, les dimanches d’élection, préférer pécher à la mouche ou se tirer sur la tige. En Suisse, pays qui ne passe pas pour particulièrement antidémocratique, nous avons refusé 90% des initiatives populaires présentées depuis bientôt 150 ans! Cela fait-il de nous les citoyens d’un pays corrompu où règne la magouille et le trafic d’intérêts?

Les Français ont dit non et c’est leur honneur. Ils ont refusé un programme incertain, contradictoire, porté par des candidats farfelus jusqu’au vertige, jusqu’à l’hallucination. Ils ont fait un choix que l’on peut éventuellement contester, comme votre oncle que j’entends distinctement éructer, mais qui mérite au moins qu’on le tienne pour ce qu’il est: un authentique choix démocratique, celui de ne pas être dirigé par un gouvernement d’extrême-droite. 

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