Un commentaire de Richard Werly
Macron n'a qu'une seule sortie: diaboliser toujours plus Le Pen et Mélenchon

Le président français vient d'obtenir sa première victoire post-dissolution avec l'élection au «perchoir» de Yaël Braun-Pivet. Il va donc poursuivre sa stratégie du tout sauf le RN et LFI. Au risque des fractures républicaines, craint notre journaliste.
Publié: 18.07.2024 à 22:40 heures
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Dernière mise à jour: 19.07.2024 à 03:52 heures
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La présidente sortante de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet est réélue de justesse.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Une victoire démocratique, aussi courte soit-elle, doit être respectée. Celle que vient d’obtenir Emmanuel Macron, avec la réélection de Yaël Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée nationale avec treize voix d’avance seulement sur le candidat de gauche André Chassaigne, apporte enfin un peu de lumière dans le tunnel de la dissolution décidée par le président. L’espoir d’une majorité relative possible entre le centre et la droite se matérialise. L’étau tendu par la gauche française sur l’Élysée depuis le second tour des législatives s’est, ce jeudi 18 juillet, un peu desserré.

Pour la France, pays politiquement fracturé, divisé en trois blocs et prise au piège d’un endettement public croissant qui la place dans le collimateur des marchés financiers, cela peut ressembler à un répit salutaire. Sauf que derrière ce scénario pas encore bouclé, alors que le flou le plus total règne toujours sur le nom d’un possible Premier ministre pour succéder à Gabriel Attal, une stratégie redoutable de rejet démocratique vient de se confirmer dans l’hémicycle de l’Assemblée.

Le Rassemblement national, premier parti du pays, se retrouve tenu à l’écart, boycotté même, puisqu’il pourrait être privé de tout poste parlementaire à responsabilité. La France Insoumise (LFI, gauche radicale) est également montrée du doigt, comme justificatif du vote solidaire de la droite et du centre. Impossible, disent les députés de ces camps-là, d’accepter un gouvernement de gauche à la merci de Jean-Luc Mélenchon, le patron septuagénaire et vociférant de LFI.

Double diabolisation

Cette double diabolisation s’accompagne d’un rejet mutuel de ces extrêmes, qui s’alimentent toutes deux de leur mise à l’index. Plusieurs députés Insoumis ont refusé de serrer la main à leurs collègues du RN. Le RN, de son côté, continue de rejeter la faute de la situation actuelle sur le «front républicain» qui a vu toutes les forces politiques se liguer contre ses candidats au second tour des législatives.

Tant pis pour les électeurs de ces deux blocs, soit environ 14 millions de Français. Tant pis aussi pour ceux qui ont vu dans le barrage anti-RN l’amorce d’une union nationale très large, bien au-delà du centre et de la droite. La France est en train, sauf surprise, de revenir à la situation d’avant la dissolution. Avec une différence: obtenir une majorité parlementaire, entre autre pour le vote du budget, sera encore plus difficile. Ce qui alimente naturellement le «Tout ça pour ça». Et le découragement politique qui va avec, en plein été et à la veille des JO de Paris avec leur redoutable défi sécuritaire illustré par une nouvelle attaque contre un policier ce jeudi soir.

Le pire est que cette stratégie de diabolisation de la droite et de la gauche radicale est la seule sortie à la disposition d’Emmanuel Macron s’il veut sauver sa fin de second mandat, jusqu’à 2027. Rejeter le RN, parti national-populiste hostile à l’Union européenne lui vaut la satisfaction de la plupart de ses pairs à Bruxelles ou à Londres, où le président français se trouvait jeudi pour un sommet des 46 pas de la Communauté politique européenne, dont la Suisse fait partie. Rejeter LFI lui sert de garantie vis-à-vis des marchés financiers et de sa clientèle politique des milieux d’affaires, qui redoutent (à juste titre) une flambée fiscale si la gauche reprend les rênes. Alors que le pays demande de l’inclusion, du social, de la remise en ordre «ensemble», son président se retrouve, sept ans après avoir été élu sur la promesse d’un élan collectif, contraint d’alimenter la machine à exclure.

Électeurs instrumentalisés

Et maintenant? La constitution donne au chef de l'État français le choix de décider de celui qui, comme Premier ministre, devra, loi après loi, chercher une majorité introuvable. Bonne chance! L’absence de marge de manœuvre financière, soulignée par la Cour des comptes, restera de toute façon la toile de fond. Pousser ses adversaires les plus radicaux par-dessus bord n’empêchera ni la mer sociale d’être agitée, ni la tempête politique de continuer à gronder dans un pays où beaucoup d’électeurs se sentent aujourd'hui, à juste titre, instrumentalisés.

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