Ainsi donc, le futur gouvernement français devra faire preuve de «compromis», et se montrer capable de présenter un projet «pragmatique et lisible». Ces mots sont ceux d’Emmanuel Macron, dans sa première déclaration publiée depuis le résultat des élections législatives, ce dimanche soir. L’objectif fixé par le président français est clair: donner le pouvoir exécutif à «l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’Etat de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française, d’engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays».
Sur le papier, cette formule est difficile à contredire. Elle procède de la logique du «Front républicain» qui, dans les urnes, a empêché le Rassemblement national de progresser sur la base des résultats du premier tour, et d’obtenir une majorité absolue sur les 577 députés.
La France insoumise dans le viseur
Emmanuel Macron vise aussi, dans son texte, La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon dont il estime, sans nommer ce mouvement de gauche radicale, qu’il ne correspond pas à ses critères. Soit. Voilà maintenant la nouvelle Assemblée nationale prévenue. Tout candidat au poste de Premier ministre et tout nouveau gouvernement qui ne respecterait pas ce canevas sera a priori écarté. Au «bloc central» de trouver les moyens de se constituer, et de constituer un gouvernement issu d’une coalition la plus stable possible.
Le problème est que, ce faisant, Emmanuel Macron donne l’impression de n’avoir toujours pas compris le résultat principal de ce scrutin qu’il avait initié: le désaveu de sa personne, de ses méthodes, et de la majorité relative sortante dont le Premier ministre Gabriel Attal était le chef depuis sa nomination, le 9 janvier.
Respect de la constitution
Le locataire de l’Élysée, qui nomme le chef du gouvernement conformément à la constitution, veut, en plus, avoir un droit de regard sur la coalition à venir. Il ne se comporte pas en arbitre, mais en acteur. Il estime que ce scrutin lui a redonné des marges de manœuvre. Il attend que le Parlement trouve une solution, mais à la condition expresse que celle-ci respecte son équation.
Cette manière de faire n’est pas parlementaire. Elle peut sembler justifiée à ceux qui, en France, espèrent trouver une voie médiane entre la Ve République si verticale, et la IVe République qui l’a précédée, où les coalitions gouvernementales ne tenaient que quelques mois. La méthode Macron, pour faire simple, consiste à estimer que l’onction du suffrage universel de 2022, obtenue contre Marine Le Pen, lui donne le droit de trier entre les électeurs et les élus de la nation. Si défaite il y a – et son camp a de facto été battu – elle ne peut pas être pas la sienne. La dissolution, aussi démocratique soit-elle, est d’abord pour le chef de l’État un moyen de continuer à présider. Pas un moyen, contrairement à ce qu’il affirmait dans sa conférence de presse le 12 juillet, de donner la parole au «peuple souverain».
Solution et problème
Emmanuel Macron veut changer de République sans se transformer. Il se tait, ce qui est nouveau. Il écrit ses volontés dans un communiqué pour masquer son impulsivité. Mais il donne le cadre, tance les formations politiques, et se place au centre du jeu, sur le terrain, au lieu de rester sur le banc de touche.
Face à cette attitude présidentielle, la gauche unie lors du scrutin ne pourra pas prétendre gouverner, puisque La France Insoumise semble d’emblée hors-jeu. Le Rassemblement national, quel que soit son succès électoral, est mis le dos au mur, banni de ce match «républicain». Dans un contexte électoral français dominé, outre le rejet réel du RN, par la radicalisation et par un évident rejet des élites, cette manière de vouloir décider en prétendant écouter prouve une chose: le refus d’un homme de prendre conscience que, s'il a l'ultime responsabilité d'une solution démocratique, il n'en demeure pas moins une large partie du problème.