C’est un président Français rassuré qui a reçu lundi 8 juillet le Premier ministre Gabriel Attal, venu lui remettre sa démission. Emmanuel Macron sait que son poulain, qu’il avait nommé à la tête du gouvernement le 9 janvier, est aujourd’hui en train de s’éloigner de lui. Il a conscience que l’avenir de son camp centriste est dans les mains d’Attal, plus que dans les siennes.
Mais comment ne pas être soulagé, après la nette défaite du Rassemblement national aux élections législatives? Le pire pour Macron aurait été d’entrer dans une cohabitation compliquée avec Jordan Bardella, 28 ans. Sur l’Europe, sur l’Otan (Macron part dès mardi au sommet des 75 ans de l’alliance à Washington), sur la politique économique, tout aurait été conflictuel avec le RN.
Le scénario issu du second tour est bien meilleur, même si le chef de l’État a perdu son pari et subi une défaite électorale. Attal pourrait rester durant les Jeux Olympiques pour expédier les «affaires courantes». Les Français pourront partir en vacances. «Ouf» a titré Libération. «Ouf» peut dire aussi Emmanuel Macron.
Cordes à son arc
Le locataire de l’Élysée garde toutefois plusieurs cordes à son arc présidentiel. Il peut encore réserver des surprises aux Français qui ont tout de même renvoyé à l’Assemblée nationale 160 députés de la coalition Ensemble (centriste). Laquelle comptait 250 élus dans la législature sortante.
La première surprise est celle que tous les observateurs politiques attendent: Macron-Jupiter peut décider de se réinventer en arbitre et en garant de l’unité de la nation. Enfin! À 46 ans, ce président au tempérament si vertical, souvent jugé arrogant, pourrait donner le pouvoir à un Premier ministre chargé de former une coalition, avec lequel il partagerait de facto la conduite de la France. À Macron les affaires étrangères et la défense. Au chef du gouvernement tout le reste.
Ce serait un peu une répétition de ce qui se passa, entre 1991 et 1993, entre François Mitterrand et son Premier ministre Michel Rocard. De la part de Macron, ce serait une grande surprise. Avec une inconnue: comment se comportera vis-à-vis de lui, son Premier ministre, puisque le président ne peut pas se représenter en 2027 pour un troisième mandat?
Avec Hollande, la réconciliation?
La seconde surprise serait celle de la grande réconciliation avec l’homme que Macron a trahi: son prédécesseur socialiste François Hollande! Ce dernier est redevenu dimanche député de la Corrèze, sous l’étiquette du Nouveau Front Populaire. Hollande a de l’expérience politique à revendre. Il est un excellent négociateur. Il serait, dit-on déjà, un parfait président de l’Assemblée nationale, qui ouvrira sa nouvelle législature le 18 juillet prochain. Il faut pour cela, bien sûr, qu’il soit élu au «perchoir».
Mais dans tous les cas de figure, Macron aura besoin de cet ancien chef de l’État dont il fut l’un des plus proches collaborateurs à l’Élysée, avant de devenir son ministre de l’Economie entre 2014 et 2016. Jusqu’à ce que François Hollande, lâché par une partie de sa majorité, ne puisse pas se représenter!
Troisième surprise possible: le grand retour au premier plan d’un autre homme auquel Macron doit tout, François Bayrou. Le leader centriste avait renoncé à se présenter à la présidentielle de 2017, apportant son soutien à l’actuel chef de l’État. Il avait été ensuite brièvement ministre de la Justice, avant d’être rattrapé par une affaire de détournement de fonds publics dans laquelle il a été relaxé en février dernier.
Bayrou adorera le rôle de recours. Il peut encore parler à une partie de la droite, son camp d’origine. Comme François Hollande, il est un manœuvrier. Il peut aussi comprendre que son intérêt est de laisser le meilleur espoir du camp centriste, Gabriel Attal, se lancer dans la course à l’Élysée pour 2027. Hollande, Bayrou: le retour des «tontons flingueurs» de la politique pour contrer Jean-Luc Mélenchon?
Et Mélenchon?
Mélenchon justement: c’est peut-être de lui que peut venir la quatrième surprise. Emmanuel Macron a toujours considéré que ce tribun de la gauche radicale est un vrai républicain. Il a dénoncé les dérives de plusieurs ténors de son parti, La France Insoumise. Il a accusé LFI de fomenter une «guerre civile». Mais Macron croit que Mélenchon veut avant tout jouer un rôle.
Pourquoi ne pas lui confier une mission sur mesure, par exemple celle d’explorer les possibilités élargies de recours au référendum? Tout cela devra être discuté, décidé par le Premier ministre. Mais Mélenchon n’est pas député. Il peut être directement nommé par Macron. S’il acceptait, tous les «tontons flingueurs» se retrouveraient autour de l’exercice du pouvoir.
Il reste trois ans à Emmanuel Macron pour écrire, tourner et réussir la fin de son film présidentiel. Il doit impérativement trouver les meilleurs acteurs. La gauche, comme la droite traditionnelle, devront répondre présent. Et si, pour une fois, ces surprises macronistes surprenaient le pays en bien?