Je les avais quittés énervés, en colère, ulcérés de se retrouver derrière des grilles, empêchés de traverser la Seine et de profiter de leur ville abandonnée par une bonne partie de ses habitants. Les voici transformés et réinventés.
En quatre jours de compétition, après le tsunami de commentaires mondiaux sur la cérémonie d’ouverture des JO, les Parisiens se prennent enfin aux Jeux. Même les Américains n’en reviennent pas. Leurs rires aux éclats (toujours aussi bruyants dans les cafés) ne suscitent plus de commentaires acerbes de leurs voisins tricolores Lesquels les laissent même, sans hausser les épaules, commander des escargots à tour de bras et les découper en tranches pour se les partager. Ce que j’écris est vrai. Je viens d’en être le témoin…
Désolant délabrement
Les JO, bien sûr, n’ont rien changé à cette capitale française qui, depuis des années, s’enfonce dans un désolant délabrement. Les routes n’ont pas été regoudronnées pour les Jeux, et le risque est grand de voir les chaussées encore plus trouées après le démontage des échafaudages, au début septembre. La propreté y laisse toujours à désirer, comme le prouvait ce dimanche l’amoncellement de déchets sur les quais de la Seine, post-cérémonie. Sans parler des rangées de latrines et d’urinoirs installées au pied du Louvre, que personne n’avait encore déménagé en ce début de semaine.
Mais bon, c’est sur les visages que se lisent les révolutions. Or une révolution parisienne est bien en train d’avoir lieu. Et pas seulement parce qu’un milliard d’euros a été investi pour dépolluer la Seine et la rendre nageable. Ce qui pourrait enfin se confirmer ce mercredi, après le report de l’épreuve de natation du triathlon.
Ils parlent même anglais
Ce sont les Parisiens qui ne sont plus les mêmes. Figurez-vous qu’ils parlent même anglais, espagnol, italien… lorsqu’un touriste muni de son fanion national ose leur demander sa route. J’ai aussi vu des serveurs de café souriants, des chauffeurs de taxi galants, des policiers municipaux qui aident les étrangers à traverser, avec poussettes et grands-parents.
On se croirait pour un peu dans un épisode d'«Emily in Paris», la série «Made in USA» responsable, paraît-il, du déferlement d’Américains désireux d’acheter un «pied à terre» dans la ville qui, jadis, était celle du fabuleux destin d’Amélie Poulain. Émily-Amélie: les deux ont d’ailleurs rendez-vous à l’ombre du CIO puisque le film de Jean-Pierre Jeunet vient d’être ressorti en salle pour la durée des Jeux.
Je les avais quittés énervés et cela était normal. Avoir plus de quarante mille policiers et militaires sur le dos, nuit et jour, pour assurer la sécurité d’une cérémonie de quelques heures, a de quoi vous mettre les nerfs à vif. Mais voilà: les Parisiens qui sont restés ont bien compris qu’ils ont en main l’image mondialisée de la France.
Le fait que le cœur politique de la ville dirigée par Anne Hidalgo batte de plus en plus à gauche – quand le pays, lui, bascule de plus en plus à droite – ne les empêche pas d’être patriotes et d’entonner un «cocorico» à chaque nouvelle médaille. Tant mieux. «Sauver Paris, c’est plus que sauver la France, c’est sauver le monde», écrivait Victor Hugo. Bonne nouvelle: stimulés par l’esprit olympique, les Parisiens bienveillants ont enfin décidé de s’y atteler.