Rien ne pourra être gagné sans elle. Elle? C’est la Seine, le fleuve qui traverse Paris avant de s’écouler jusqu’au Havre. Une Seine que les Jeux olympiques vont, à partir du 26 juillet, transformer en scène mondialisée. La flamme des JO a réussi, ce dimanche et lundi, son examen de passage dans la capitale française. Elle a mis les Parisiens en émoi. Ils ont été des dizaines de milliers à l’applaudir sur son passage. Mais c’est la Seine qui va décider du reste. Si elle se cabre, si elle refuse de jouer le rôle qu’elle doit assumer, la panique s’installera au sommet de l’État…
La Seine. Bien plus qu’un fleuve. Elle est l’artère d’un pays, puisque c’est sur ses rives que tout est décidé, ou presque, dans ce pays si centralisé qu’est la France. Lorsque les péniches chamarrées défileront avec les délégations sur ses eaux le 26 juillet, pour la première cérémonie d’ouverture des Jeux jamais organisée en extérieur, le pouvoir et la République seront aux premières loges.
400’000 spectateurs sont attendus. A l’est, où tout démarrera, les athlètes commenceront par naviguer sous les fenêtres du ministère des Finances, à Bercy. Puis, ils passeront devant l’Assemblée nationale, redevenue le centre politique du pays après les législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet. Pas très loin, à quelques centaines de mètres du fleuve, le palais présidentiel de l’Élysée (rive droite) et l’Hôtel de Matignon du Premier ministre (rive gauche) verront presque passer le cortège olympique. Les diplomates, eux, pourront se mettre au balcon puisque le ministère français des Affaires étrangères, quai d’Orsay, sera aux premières loges.
Anne Hidalgo, le plongeon
La Seine, pour le moment, a cessé de se cabrer. Elle est «nageable», comme promis. La ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera a tenu à montrer en plongeant dedans en combinaison intégrale, ce que la maire de Paris Anne Hidalgo, et le président Emmanuel Macron lui-même ont aussi promis de faire.
Nageable, ça veut dire quoi? Une énorme station d’épuration et de filtrage a été installée en amont à Noisy le Grand. Cette usine de traitement des eaux usées est, selon le site actu.fr, «équipée d’un bassin de stockage, sorte d’antichambre avant de passer à la phase nettoyage. D’une capacité de 5000 m3, il permet de prendre en charge un surplus d’eau usée lorsqu’il pleut. Les eaux sont ensuite traitées, sur le plan des paramètres physico-chimiques.» Deux compétitions olympiques se dérouleront sur le plan d’eau du fleuve: l’épreuve de natation libre et l’épreuve de triathlon. Sauf si des pluies abondantes remettent ce plan en question…
La Seine plaît aussi aux sponsors, ces marques indissociables des Jeux olympiques modernes, compétition autant sportive que marketing. Elle est le spectacle parfait pour les droits télévisés mondiaux qui permettent au CIO d’engranger environ 1,5 milliard d’euros de recettes par édition.
Des drones survoleront le fleuve et filmeront Paris sous tous les angles. Au-dessus du Pont Neuf, l’un des rares ponts de Paris où la circulation ne sera pas interrompue, le géant du luxe LVMH est en train d’aménager la tribune la plus VIP des Jeux, sur le toit de son hôtel Cheval Blanc, au-dessus de son grand magasin emblématique «La Samaritaine». La Seine, c’est l’argument de vente ultime. Le sport n’est qu’un prétexte. Mais il faut dire que ces JO ont bien servi la cause du fleuve: des épreuves phares se tiendront sur ses berges, comme l’escrime au Grand Palais ou plusieurs épreuves d’athlétisme sur l’esplanade du Champ de Mars, au pied de la tour Eiffel et du Trocadéro.
Les Parisiens? Derrière les grilles
La Seine a un seul problème: les Parisiens. Le fait que la compétition mette tant en valeur le fleuve a entraîné la transformation des rives du fleuve en bunker. Un déluge de grille pour tenir les passants à l’écart pour des raisons de sécurité. La Seine s’est hérissée de barrières. Elle a encagé Paris. Tous les cafés dont les terrasses donnent sur la Seine auront, pour seule vue durant ces jeux, des barreaux dignes d’une prison à ciel ouvert. C’est le prix à payer du déploiement sécuritaire sans précédent, avec près de 40’000 policiers et militaires mobilisés.
La Seine sera la reine des Jeux olympiques. Mais une reine capricieuse, toujours susceptible de ruer dans les brancards si la météo déraille. Et une reine menottée, verrouillée, surveillée. Tel est le prix à payer pour la grande fête sportive mondiale dont Paris attend environ deux milliards d’euros de retombées économiques. 8,6 millions de billets ont été vendus, un record, sans que l’on sache encore qui les a achetés (particuliers ou pouvoirs publics français, pour les redistribuer).
Alors, on plonge?