Une cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques sans précédent, grandiose, aussi étonnante que stupéfiante. Un condensé de récit historique, de provocation, et de démonstration de la diversité de l’actuelle société française.
Voici ce que les médias ont retenu de cette soirée exceptionnelle conclue par l’envol de la flamme olympique dans les airs, dans un ballon captif, au-dessus du jardin des Tuileries. Alors, une réussite exemplaire? Nous y étions. Nous l’avons regardé. Et si on notait ce grand moment français?
La mise en scène: 7,5/10
Le pari était exceptionnel. Il était aussi redoutable pour le metteur en scène Thomas Jolly, dont les mises en scène sont souvent provocantes et désarmantes. Or ce pari a été réussi. Pleinement. Plusieurs trouvailles scéniques, sur la Seine, se sont avérées flamboyantes, malgré la pluie battante. Pensons à trois moments: Lady Gaga sur les rives du fleuve, en train de chanter «Mon truc en plumes», hommage au Paris des cabarets; le cheval mécanique argenté qui remonte la Seine jusqu’à la Tour Eiffel, tel un cavalier de l’apocalypse, et l’idée à la fois simple et si compliquée de faire défiler les 205 délégations d’athlète sur des bateaux de toutes tailles. Cette mise en scène en douze tableaux était unique. Elle restera dans les mémoires. Paris, capitale de la création artistique, mérite bien sa réputation. Los Angeles, en 2028, aura du pain sur la planche pour faire oublier ce moment.
Le récit historique: 7/10
Le moment le plus fort, au regard de l’histoire de France, aura sans doute été le spectacle de la Conciergerie, éclairée, où des personnages sortent des fenêtres avec la tête décapitée de la reine Marie-Antoinette, sur fond de musique métal. Le tableau dévolu à la liberté, avec la reconstitution vivante du tableau d’Eugène Delacroix, a plongé le milliard de téléspectateurs dans la folie de la grande histoire. Un regret et une question toutefois: pourquoi rien sur Napoléon ? Pas d’hommage non plus à proprement parler à la République à travers ses grands personnages (Jean Jaurès, Clemenceau, Charles de Gaulle…) et rien sur la libération de Paris des Nazis survenue en août 1944, voici tout juste 80 ans. Le combat politique a été salué sous l’angle des femmes, avec ces statues de Simone Veil ou Louise Michel qui sortent de la Seine. Un peu Kitsch, mais très efficace.
La musique et les artistes: 7/10
Le metteur en scène a beaucoup puisé dans une «playlist» des années 80. Son spectacle rendait hommage au disco. Beaucoup de paillettes et de strass, mais aussi des moments un peu longuets, comme le défilé de mode à la fois baroque et déconcertant. Tout s’est déroulé sous la pluie, il est vrai. Or cela change tout, car un spectacle est aussi conçu en fonction des jeux de lumière, des ombres, du ciel bleu que l’on peut espérer en été. Coup de chapeau évidemment à la reine de la soirée: Céline Dion, dont la reprise de «l’Hymne à l’amour» nous a tous ému aux larmes. Juliette Armanet avait auparavant chanté «Imagine» de John Lennon. Point faible: il était difficile, devant son écran, d’entendre toutes les musiques. Et pourquoi ne pas avoir davantage puisé dans le registre des grandes chansons populaires?
Le suspense: 8/10
Un individu masqué, tel Arsène Lupin, transporte la flamme sur les toits de Paris, puis la porte à Zinedine Zidane qui entame son dernier périple. La chorégraphie était parfaite. Toutes les vedettes attendues étaient au rendez-vous. Il planait sur cette cérémonie le parfum de mystère qui sied à Paris. Dommage que Quasimodo, le héros de Victor Hugo au sommet de la flèche de Notre-Dame, ne soit apparu que quelques secondes dans la splendide vidéo consacrée à la restauration de la cathédrale. Il fallait un élément de suspense pour nous faire tenir quatre heures durant, sous la pluie. Il était au rendez-vous. Bravo!
La provocation et la modernité: 7/10
La France est un pays moderne, métissé, ouvert à toutes les cultures. Le message devait passer et la cérémonie d’ouverture s’y est employée avec succès, tandis que les athlètes du monde entier saluaient la foule en agitant leurs drapeaux, tellement heureux d’être à Paris. Mais fallait-il accorder autant de temps aux défilé de mannequins et de danseurs LGBT? Et que penser du chanteur Philippe Katerine en Dionysos, avec son ode «Tout nu»? Chacun appréciera.
La rupture des tonalités, au fil des douze tableaux, faisait partie du projet. La force de la France est souvent l'audace, et cela a été le cas vendredi soir. Tout cela s’est fait sous la surveillance austère, mais magnifique, de la Tour Eiffel illuminée. Elle aura été, jusqu’au bout, la garante de la solennité et de la modernité. Elle est aussi la garante de l’Olympisme puisqu’un morceau de son ancienne charpente métallique (les morceaux rouillés et remplacés) figure dans chaque médaille.
Et vous, quelles sont vos notes ? Écrivez-moi sur richard.werly@ringier.ch