Me voilà accusé. Il le fallait. Sans doute que je le méritais. Patricia P.*, lectrice attentive de mes chroniques gauloises depuis le début des JO – merci à elle! – m’a poussé dans les cordes en quelques lignes de courriel. L’objet de sa colère? Le fait que je n’ai pas cité de femmes dans ma liste d’athlètes médaillés qu’Emmanuel Macron ferait peut-être bien de recruter pour diriger le gouvernement. L’éditorial de ma newsletter Républick était tiré de ma seule imagination. Seulement voilà, j’ai fauté. Mon machisme journalistique a prévalu.
Nos chronique sur les Jeux de Paris
Voici ce que me reproche vertement Patricia: «Je lis avec attention votre newsletter et je me permets de vous contacter, car ce matin, je suis assez surprise par ces quelques lignes où vous ne citez que les médaillés d’or français masculins. Il manque, me semble-t-il, à votre liste Cassandre Beauregard, Manon Apithy-Brunet et Pauline Ferrand Prévot dont la victoire a engendré une ferveur incroyable des supporters alors qu’elles étaient aussi peu connues que Léon Marchand et Félix Lebrun! Votre regard porté sur le sport reste encore très masculin… Et c’est bien dommage!»
Patricia m’a touché
Boum. Patricia m’a touché. Et peut-être coulé. Jusqu’à ce que je réalise qu’elle a été la seule, au milieu d’une vingtaine de messages électroniques, à me reprocher cela. Le même éditorial, s’il avait concerné la politique lors d’une autre occasion, m’aurait à coup sûr valu plus de reproches. Mais là, rien.
Comme si ces JO de Paris, comme tous les Jeux olympiques, étaient le dernier lieu où l’égalité hommes-femmes n’a pas besoin d’être réaffirmée ou revendiquée. Comme si les stades et les lieux de compétition, au vu de la diversité d’origines des participants, étaient les derniers sanctuaires où le wokisme n’a pas droit de cité. Jusqu’à ce que je prenne connaissance de la polémique tour de la boxeuse algérienne Imane Khelif, mise en cause pour son «hyperandrogénie». «Si elle avait été suisse…» a commenté le chroniqueur Pierre Ménès.
Nous y voilà. L’olympisme à l’épreuve du monde réel. Comme il le fut dans les années 1920, lorsque Pierre de Coubertin, le fondateur français des Jeux modernes, ne voulait pas voir les femmes «abîmer» le spectacle viril des stades. C’est Alice Milliat, nageuse française, qui mit le pied dans la porte et le força à changer d’avis. L’historien Pascal Ory l’a raconté dans nos colonnes. Je vous suggère de relire sa chronique. Elle vaut son pesant de féminisme. Milliat, pour obliger Coubertin à céder, le menaça d’organiser des Jeux féminins rivaux. Pas étonnant que sa statue soit sortie de la Seine, aux côtés d’autres icônes féministes françaises comme Simone Veil, lors de la cérémonie d’ouverture du 26 juillet.
Litanies de revendications
J’ai aussi regardé du côté des revendications communautaires. Je m’attendais à trouver des communiqués, des plaintes, des litanies de revendications, avec en tête le souvenir du poing levé de Tommie Smith et John Carlos aux JO de Mexico, en 1968. Or rien. La seule initiative citée par les médias – et un peu moquée dans l’euphorie olympique ambiante – est celle du parti de gauche radicale La France Insoumise (LFI) qui persiste à demander une Commission d’enquête «populaire» sur ces JO 2024.
Sauf que là aussi, pas d’injonctions identitaires, antiracistes ou féministes. Du social avant tout, et des réclamations budgétaires: «Derrière les belles images des JO 2024, des tonnes de gamins ne peuvent pas accéder aux sports» peut-on lire dans le manifeste de LFI qui fustige aussi «la dépense absolument colossale avec des piscines gigantesques alors qu’il pleut dans des lycées, et qu’il y a des problèmes d’ascenseurs et d’insalubrité dans des HLM.»
L'Olympisme, vu de l'Académie française
Dans une tribune publiée par le quotidien britannique «The Guardian», Rokhaya Diallo a abordé la question du voile. Une position aussitôt commentée sur les réseaux sociaux avec, en guise d’illustration, les photos des équipes de beach-volley féminine espagnole (en maillot de bain) et égyptienne (voilée et en combinaison intégrale).
Le terrain de jeu du wokisme
Et après? Fin de l’histoire. Je repose donc la question et j’attends vos réponses: le sport et les JO sont-ils voués à devenir le terrain de jeu des refrains wokistes? Ou, au contraire, l’Olympisme est-il la dernière arène où hommes, femmes et athlètes de toutes les origines, peuvent trouver un terrain d’entente?
Pour m’écrire: richard.werly@ringier.ch
*Nom connu de la rédaction