Tout le monde l’a compris après cette première semaine olympique parisienne marquée par une incontestable liesse populaire: les Français préfèrent gagner avec leurs sportifs que perdre avec leurs politiques.
La recette est simple. Une bonne dose de ténacité. Un volontarisme à toute épreuve. Du courage et l’envie de l’emporter. Le respect de son adversaire. Une mise en scène unique avec Paris pour décor. Et «La Marseillaise» en fond sonore à chaque fois qu’une médaille est dans le collimateur, puis rejoint le palmarès tricolore.
Vous y êtes: cette France-là, celle de Teddy Riner (judo), de Léon Marchand (natation), d’Antoine Dupond (rugby) ou de Félix Lebrun (tennis de table) est en train de montrer qu’elle peut être le pont qui manque tant à l’archipel français décrit par le sociologue Jérôme Fourquet. Preuve que le délitement social inexorable pronostiqué par les uns et les autres, avec chacun son bouc émissaire, est plus un fantasme qu’une réalité.
Du baume au cœur de la nation
Le problème est que cet engouement ne règle rien. Il met du baume au cœur à la nation. Il offre au monde de la joie bleu-blanc-rouge XXL. À moins que, dans le secret de sa résidence d’été du Fort de Brégançon, Emmanuel Macron se mette à réfléchir après avoir congratulé comme il se doit les médaillés tricolores.
Prenez Teddy Riner, le géant du Judo mondial, fana parait-il, du refrain les «Sardines» de Patrick Sébastien. De l’envie à gogo. De l’empathie à revendre pour son public. Une capacité d'’écoute qui décuple le panache. Un modèle de maturité, rentré au Panthéon olympique dès l’allumage de la flamme le 26 juillet, aux côtés de Marie-José Pérec. L’emblème, à eux deux – originaires de Guadeloupe – d’une diversité gagnante. Franchement, cela ressemble presque au casting politique idéal.
Macron dos au mur
J’écris cela parce que, pendant ce temps, Emmanuel Macron est toujours le dos au mur. Dirigée par un gouvernement démissionnaire en «affaires courantes» depuis que Gabriel Attal a donné son sac le 16 juillet, la France est, en gros, dans les mains de sa haute administration. Ce que l’Assemblée nationale élue les 30 juin et 7 juillet n’a, in fine, aucune raison d’accepter très longtemps.
Le système français prévoit en effet que le Premier ministre, responsable devant les députés qui peuvent le renverser par une motion de défiance, est choisi puis nommé par le président. Or, plus le gouvernement reste aux abonnés absents, avec 17 ministres élus députés aux dernières élections, plus le mélange des genres s’aggrave entre pouvoir exécutif et législatif. Un «en même temps» assez peu démocratique…
Il faudra donc bien trancher dans le vif un jour. Et refaire de la politique. Mais avec qui à l’Hôtel Matignon pour piloter le gouvernement? Xavier Bertrand, le champion politicolympique du Nord, comestible pour la droite centriste et une partie de la gauche? Philippe Juvin, le médecin urgentiste de droite, aux faits des difficultés sociales et sanitaires d’un pays où les hôpitaux sont souvent accusés de dérailler?
Jean-Louis Borloo, l’ancien avocat de Bernard Tapie et ancien ministre chiraquien qui rêvait d’un grand plan banlieue? Bernard Cazeneuve, l’ancien Premier ministre socialiste reconverti en avocat d’affaires toujours tiré à quatre épingles? On a compris en revanche que la candidate de gauche Lucie Castets, en tournée marathonienne dans le pays réel pour revendiquer le poste de Premier ministre au nom du Nouveau Front Populaire, s’épuise à priori sans aucune chance de qualification. Macron n’en veut pas. Point.
Puiser dans le club France
Reste une option alternative: puiser dans le Club France, dans cette Grande Halle de la Villette transformée, à Paris, en grand spectacle du pays solidaire, heureux et oublieux de ses fractures. Et là, pas besoin d’entretien préalable. Imaginez le judoka Teddy Riner à Matignon. Plus personne ne bougerait une oreille. Chacun redouterait un Ippon. Et les caméras tourneraient en boucle pour diffuser son sourire qui séduit tant les foules.
Ou bien songez à Tony Estanguet, le patron du Comité d’organisation des JO, bien moins charismatique, mais logiquement crédité du succès de la compétition, même si ses qualités de management ont été mises en cause.
Bref, si le sport est une autre manière de faire de la politique, peut-être que ce vivier-là est le plus compatible avec l’envie des Français de prolonger leur «parenthèse enchantée» olympique.
Allo Teddy? L’Élysée a besoin d’un coach. Intéressé?
Et si Macron vous écoutait pour Matignon? richard.werly@ringier.ch