Nous sommes en avril 2024. Cela fait donc plus d'une année que Pierre Maudet a fait son retour officiel, et en fanfare, dans la politique genevoise. En une petite année de règne, le petit prince de la République genevoise a régulièrement offert à ses adversaires et aux médias des Genferei en solitaire.
Acharnement politico-médiatique ou reproches justifiés? Reste que la créature politique Pierre Maudet semble attirer à elle toutes sortes d'embrouilles. Dernière en date, sa manière d'intervenir dans la nomination d'un nouveau directeur des Hôpitaux universitaires genevois (HUG), narrée ce lundi 15 avril par «Le Temps». Retour sur les «affaires Maudet» les plus récentes.
Retour surprise au pouvoir
Le 30 avril 2023, Pierre Maudet faisait un retour aussi surprenant que triomphal au Conseil d'État. L'arrivée au gouvernement genevois du politicien et de son nouveau parti Liberté et justice sociale (LJS) a fait basculer l'exécutif à droite. L'ancien libéral-radical n'avait pas laissé que des bons souvenirs, mais le peuple a parlé.
Démissionnaire du gouvernement en 2021 à la suite de l'«affaire Abu Dhabi», puis définitivement condamné à 300 jours-amende avec sursis au Tribunal fédéral pour «acceptation d'un avantage», Pierre Maudet était donc officiellement réhabilité. Et ce, malgré l'Alliance qui s'était constituée à droite, sans lui.
Interviewé par Blick, le principal intéressé se disait alors «perfectible» sur les accusations de management autoritaire portées à son encontre. «Si je reste quelqu'un de volontariste, je ne reproduirai pas les approches que j'ai pu adopter par le passé, car j'ai bien vu leurs limites», assurait le «revenant», désormais à la tête du Département de la Santé et des Mobilités (DSM).
En mai dernier, pourtant tout juste élu ministre, Pierre Maudet avait encore siégé au Grand Conseil genevois jusqu'à la passation de pouvoir au Conseil d'État. Une pratique légale, mais qui avait soulevé des interrogations de la part de ses camarades députés.
Auto-sondage de satisfaction
Le style de management de Pierre Maudet a rapidement ressurgi sur le devant de la scène. Fin novembre, une enquête parue dans «Le Temps» relatait des accusations anonymes pointant le ministre et sa gestion des troupes. Des témoins à l'interne accusent alors le politicien de faire exister un «climat délétère» et exécrable, ainsi que le «chaos» au sein de son Département, en particulier à la Santé.
Le comportement managérial de Pierre Maudet serait «humiliant» pour ses équipes. Réaction du principal intéressé: Nier les accusations sur Léman Bleu, début décembre. Puis lancer une enquête de satisfaction au sein de son propre Département. Le mercredi 6 mars, la «Tribune de Genève» dévoilait les résultats de ce sondage.
C'est «plutôt positif» pour le conseiller d'État: 55% des collaborateurs du Département de la santé et des mobilités auraient une «perception modérément positive des conditions de travail» au sein du dicastère dirigé par Pierre Maudet. De leur côté, plusieurs fonctionnaires du Département avaient saisi le Groupe de confiance interne de l’État pour faire le point. Ce lundi 15 avril, «Le Temps» informe que cette structure interne a rendu au Conseil d'État son rapport, qui reste pour l'heure confidentiel. La délégation RH du gouvernement — Nathalie Fontanet (PLR), Anne Hiltpold (PLR) et Carole-Anne Kast (PS) — devra donc se prononcer au sujet du management de leur camarade de législature.
Démissions en série
Sous l'égide de Pierre Maudet, plusieurs hauts-fonctionnaire ont quitté leurs fonctions. En plus de la médecin cantonale Aglaé Tardin, en arrêt maladie prolongé depuis décembre 2023, le secrétaire général du DSM Jean-Christophe Bretton a demandé début janvier sa mutation au Département des finances, qu'il a obtenue.
Raison de ce départ, selon les sources du «Temps»? Sa volonté de ne pas cautionner la «machine à broyer» Pierre Maudet. Le conseiller d'Etat nie «tout contentieux» entre les deux hommes. C'est en ce sens que le démissionnaire s'est ensuite exprimé, relayé par la «Tribune de Genève».
Mais ce n'est pas tout. Nicolas Fournier, secrétaire général adjoint chargé des Mobilités, a démissionné début février. Le directeur général de la Santé Adrien Bron lui a emboîté le pas en mars pour prendre la direction d'un EMS, suivi de Nicolas Müller, directeur de la santé numérique et du réseau de soins.
Les cadres s'en vont. Certains y voient la conséquence du style de management de l'ancien maire de Genève. Pierre Maudet avance plutôt dans les colonnes du «Temps» une «constellation de cas individuels».
Nomination d'un proche
S'il y a des départs, il faut des arrivées… mais Pierre Maudet ne nomme pas n'importe qui. Le 9 avril, «Le Temps» apprenait la nomination ad interim du professeur Panteleimon Giannakopoulos à la tête de la santé, en remplacement d'Adrien Bron.
Le psychiatre, «fidèle» du politicien et ancien chef de service aux HUG, traine lui aussi une réputation et des critiques sur sa gestion du climat de travail. Il avait également rédigé la préface du livre de Pierre Maudet au sujet de l'«affaire Abu Dhabi».
Intervention aux HUG?
Enfin, le cas le plus récent est paru dans «Le Temps» ce lundi 15 avril et concerne, là encore, les hôpitaux universitaires placés sous la tutelle du ministre de la Santé. Pour remplacer son directeur général, le conseil d'administration des HUG avait désigné le 25 mars l'ancien directeur général du CICR Robert Mardini, révélait samedi 13 avril la «Tribune de Genève».
Mais Pierre Maudet ne l'entend pas de cette oreille et son Département de la Santé tarde à valider cette candidature. Le politicien demande personnellement des «éléments complémentaires», ainsi qu'un assessment, c'est-à-dire une démarche supplémentaire pour confirmer que Robert Mardini est l'homme de la situation pour ce poste à grande responsabilité.
De quoi énerver le président du Conseil d'État Antonio Hodgers (Vert-e-s), qui selon «Le Temps» aurait fait part de son incompréhension dans un courriel adressé à Alain-Dominique Mauris, président ad interim des HUG et fidèle de Pierre Maudet. Notamment car le mandat de l'actuel directeur général des HUG Bertrand Levrat prend fin au 31 mai, et que le temps presse. Toujours selon le quotidien romand, Bertrand Levrat aurait évoqué un «risque institutionnel» en cas de non-respect du processus de recrutement.