«J'ai parié, comme tout le monde, et j'ai gagné au moins un repas!» lance un éminent membre du PLR, au milieu de la foule attroupée devant l'Hôtel-de-Ville de Genève, en ce dimanche de second tour des élections cantonales. Pierre Maudet sera-t-il ou ne sera-t-il pas élu? C'est la question qui était sur toutes les lèvres, pendant l'entre-deux-tours.
Le «revenant» a bel et bien passé la rampe, en se plaçant en sixième position dans la course pour le Conseil d'État, avec 42,5% des suffrages — selon les résultats préliminaires tombés à midi. Cela après avoir réussi à faire élire dix députés de son nouveau mouvement, Liberté et justice sociale (LJS), au parlement le 2 avril dernier déjà.
Le peuple a parlé: celui qui a été débouté du gouvernement en 2021 à la suite de l'«affaire» Abu Dhabi, dans le cadre de laquelle il a été condamné par la justice pour «acceptation d'un avantage», est donc officiellement réhabilité. À son arrivée devant l'Hôtel-de-Ville, il est assailli par les journalistes. Nous l'avons attrapé après la cohue pour une interview à chaud.
Aujourd'hui, vous signez un retour en politique tout à fait inédit. Vous êtes vous-même surpris d'avoir été réélu?
Ce qui m'a davantage surpris, c'est l'élection de dix députés de Liberté et Justice sociale (LJS) au parlement genevois le 2 avril dernier. À partir de là, mon élection au Conseil d'État était assez logique.
Comment expliquez-vous que les Genevois vous donnent une deuxième chance, après tout ce que vous avez traversé?
Nous avons tout donné et fait une très bonne campagne, ces derniers mois, avec les candidates et candidats de Liberté et justice sociale. Nous avons cherché à identifier précisément les préoccupations des gens, et à y apporter des réponses. Et nous n'étions pas nombreux, comme politiciens, à procéder ainsi à Genève. C'était vraiment une action collective. Nous avons pu convaincre que nous étions différents.
Cette victoire, vous l’avez obtenue parce que les gens vous aiment, ou parce qu’ils détestent le gouvernement actuel?
(Rires) Je ne peux pas sonder assez profondément l'âme des Genevoises et des Genevois pour vous répondre. Ce que je peux dire, c'est que passer d'environ 30'000 voix au premier tour à 45'000 voix, selon les résultats provisoires du second tour aujourd'hui, témoigne d'autre chose que du simple rejet du gouvernement actuel par la population. Gouvernement qui, au final, n'a pas démérité. Mais qui manquait peut-être un peu de vision pour l'avenir.
Le PLR voulait à tout prix vous barrer la route (et c’est un échec). Vous allez quand même pouvoir travailler avec les libéraux-radicaux, après ça?
Ils seront bien obligés de travailler avec moi, en tout cas. Mon élection aujourd'hui, ainsi que l'élection des dix députés de Liberté et justice sociale (LJS) au parlement, c'est la démonstration même qu'une politique d'opposition, de barrage (ndlr: en référence à la constitution de l'Alliance de la droite au second tour) est une politique vouée à l'échec.
Cette Alliance de droite (PLR, UDC, le Centre et le MCG), qui s'est constituée contre vous, au final, elle vous a plutôt renforcé ou affaibli?
Il est vrai que j'ai vu apparaître une nouvelle catégorie de politiciens, ces derniers mois: les «barragistes», qui veulent faire barrage... que ce soit à la droite, à la gauche, ou à moi. Il faudrait étudier les bulletins de vote, pour répondre précisément à votre question. Mais, instinctivement, je dirais qu'elle m'a en tout cas obligé à faire une campagne très profilée et très indépendante. Ce qui m'a mis dans une posture que j'apprécie, au final.
Trois élues de droite, trois élus de gauche... vous allez être l’arbitre du Conseil d’État?
Avec mes racines radicales, je me situe en effet au milieu de ces deux pôles. Donc, je vais probablement me retrouver en situation d'arbitre, oui.
Mais alors, il va pencher plutôt à droite ou à gauche, ce gouvernement?
À compter que cette question soit intéressante — à mon avis, elle ne l'est pas tellement — il faudra attendre un peu pour le dire. Cela va dépendre des priorités que ce nouveau Conseil d'État va se fixer, ces prochaines semaines. Personnellement, je ne souhaite pas que ce soit un gouvernement de droite et de gauche, mais un gouvernement qui fasse avancer les dossiers, surtout.
Certains fonctionnaires genevois craignent votre retour au gouvernement, en raison de votre style de management autoritaire. Pouvez-vous les rassurer?
Il suffit de lire l'actualité genevoise de ces dernières semaines pour constater que les difficultés de management qu'on m'attribuait se sont largement répercutées dans d'autres Départements, sur des magistrats qui ont été réélus. Au-delà de cela, je peux rassurer les fonctionnaires en affirmant que — comme tout être humain — je suis perfectible. J'ai admis, lors de cette campagne, que l'approche parfois 'bulldozer' que j'ai pu adopter ne m'a pas laissé indemne, moi non plus. Donc, si je reste quelqu'un de volontariste, je ne reproduirai pas les approches que j'ai pu adopter par le passé, car j'ai bien vu leurs limites.
La répartition des Départements commence demain déjà. Vous voulez lequel, dans l'idéal?
(Rires) À chaque jour suffit sa peine, no comment.
Si vous deviez accomplir une seule chose en cinq ans, ce serait laquelle?
Ce serait l'élément que nous avons le plus mis en avant pendant la campagne: une caisse-maladie publique. Il a un enjeu de transparence, par rapport à l'actuelle opacité des assurances. Il y a aussi un enjeu de maîtrise de coûts — aujourd'hui, avec les loyers, c'est ce qui pèse le plus sur la classe moyenne.