Puisque l’heure est aux superlatifs à propos de ces JO 2024, profitons-en. Voici donc, réinventés par la magie des Jeux installés en partie dans les plus beaux sites de Paris, le citoyen français réinventé par l’olympisme. Il n’est plus arrogant et mal embouché. Il est cordial. Il parle les langues, en tout cas au minimum l’anglais. Il travaille bénévolement pour l’image de son pays. Il passe son temps à répondre aux questions du public. Il vit au camping ou chez des amis lorsqu’il n’est ni parisien, ni banlieusard. Je m’arrête là, car il suffit de mettre les pieds à Paris, ces jours-ci, pour le rencontrer. Il est le plus souvent volontaire. Ou il est fan, installé en solo ou en famille sur les gradins ou dans les transats des fans zones.
J’écris ces lignes après avoir visité, lundi et mardi, deux des plus grandes fans zones de Paris. D’abord le Club France, au Parc de la Villette, QG de la fierté tricolore où tous les médaillés viennent saluer leurs fans. Et vice versa. Puis j’ai enchaîné avec le Parc des Champions, au Trocadéro, face à la Tour Eiffel, dans la fan zone constituée par l’ex-tribune officielle de la cérémonie d’ouverture des JO, le 26 juillet. Bienvenue, dans les deux cas, aux JO version festival estival. Il ne manque que les concerts, et encore, puisque la musique ponctue en permanence les retransmissions de compétition. Une sorte de France des bals populaires réinventée à la sauce olympique. Où l’on vient applaudir, chanter, s’amuser et se dire qu’après tout, la vie est belle quand on gagne et que le monde vous aime.
Potion magique
Je me suis donc demandé s’il s’agit d’un miracle. Si, comme je l’ai écrit à propos de la vasque aérienne dans laquelle brûle la flamme, ces JO sont la potion magique dont la République a tant besoin. J’ai donc interrogé les volontaires que j’avais sous la main. Tous heureux d’être là sans salaire, dans un pays où le pouvoir d’achat et la hausse du salaire minimum occupe le devant de la scène politique. Avec, parmi eux, beaucoup de retraités actifs, alors que le report à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite a mis des centaines de milliers de personnes dans la rue.
Et j’ai compris une évidence: les Français jouent le jeu lorsqu’il leur profite à tous de manière à peu près égale, lorsque les infrastructures sont de bonne qualité, lorsque l’État (sous une forme ou une autre) prend à peu près tout en charge, lorsque la sécurité est au rendez-vous, et lorsque l’occasion leur est donnée de séduire la planète. Faites-le compte et vous verrez que ces JO cochent à peu près toutes les cases.
Paris est un motif de fierté mondiale. Les fans zones sont bien gardées, et bien organisées. Les succès sportifs sont au rendez-vous, et le drapeau bleu-blanc-rouge n’est plus symbole de déclin inéluctable. Tout est gratuit ou presque - dans les fans zones - sauf les consommations. Comme si, enfin, la puissance publique récompensait (un peu) ceux qui la financent et qui continuent d’en attendre tout. Ou presque.
J’ai aussi réfléchi à la générosité des dizaines de milliers de volontaires. Étonnante, non, dans une France réputée fracturée, égoïste, et minée par sa diversité mal vécue? Pas du tout. Savez-vous que le pays compte 1,5 million d’associations, et que celles-ci représentent 3% du produit intérieur brut? C’est cette France-là qui nourrit cet élan civique. La France des stades le dimanche, surtout provinciale. La France des familles. La France des foires à la brocante, devenues l’une des principales attractions du week-end. La France des conseils municipaux. La France des actions culturelles dans les intercommunalités, comme j’avais pu le voir lors d’un reportage dans la Sarthe, au pays des 24 heures du Mans. La France qui se bouge lorsqu’elle perçoit le résultat de son action.
Autogestion olympique
Les volontaires des JO, avec leurs uniformes (qu’ils pourront garder) et les énormes gants en formes de mains avec un doigt tendu pour indiquer la direction à prendre près des stades, dans les transports en commun, ou dans les fans zones, sont la France qui aime l’efficacité lorsque celle-ci est conviviale, et qu’elle ne leur est pas imposée comme une doctrine par un patron, un cabinet de consultants ou un supérieur hiérarchique.
C’est la France de l’autogestion olympique. Celle qui se prend en main, à condition que l’État fasse aussi son devoir en assurant fluidité et sécurité. Celle qui se réjouit de constater que, pendant ces Jeux, les «élites» parisiennes ont disparu et ne lui passent pas devant. Cette parenthèse olympique est au fond très politique: elle apporte la preuve que seul un donnant-donnant tangible, palpable, loin des fausses promesses et des déluges de mots, peut réveiller chez les Français leur culture d’engagement et de responsabilité.
Et vous, vous les trouvez comment ces Français? richard.werly@ringier.ch