Ce week-end encore, des centaines de personnes ont manifesté à Jérusalem devant l'une des maisons de Benjamin Netanyahu. Des rassemblements similaires ont également eu lieu à Tel Aviv. De nombreux Israéliens reprochent au Premier ministre allié à l'extrême-droite religieuse de ne pas avoir empêché l'attaque du Hamas. Et son refus d'assumer une part de responsabilité suscite une grande colère, notamment parmi les juifs libéraux de l'Etat hébreu.
Parmi eux, Zev Perlmutter, un activiste libéral et coorganisateur des grandes manifestations contre la réforme judiciaire de Netanyahu. L'entrepreneur en logiciels et père de trois enfants voit les actions de Netanyahu d'un œil critique, comme il l'explique dans une interview accordée à Blick.
Monsieur Zev Perlmutter, comment avez-vous personnellement vécu l'attaque du Hamas contre des civils israéliens?
Je venais d'atterrir à Cologne lorsque les premiers messages via Whatsapp sont tombés. Ils étaient parsemés d'icônes de roquettes. C'était le chaos en Israël. Notre maison se trouve à environ 35 kilomètres de Gaza. J'ai donc écrit à ma femme: fais tes bagages et quitte la maison!
Quand avez-vous pris conscience de l'ampleur de l'attaque?
Peu à peu, des nouvelles sont arrivées, des vidéos terribles sont apparues sur Internet. Des flux en direct des bodycams des terroristes du Hamas. Ils ont tué tout le monde, des festivaliers à Supernova, des familles entières, des femmes enceintes et des enfants, des touristes, même des Bédouins et des Arabes israéliens. Et ils en étaient fiers. Nous vivons dans un monde numérique. Les images horribles font partie de la guerre psychologique menée par les combattants. Comme tout le monde en Israël, j'étais sous le choc. Nous nous sommes tous sentis abandonnés, sans défense.
Abandonné par votre gouvernement?
Bien sûr. Normalement, les frontières sont très bien gardées en Israël. Mais le 7 octobre, tout a échoué: la technologie de surveillance, les services secrets, l'armée. C'était un jour de fête juive. Quelque 600 soldats avaient été retirés de Gaza quelques jours auparavant pour protéger les colons en Cisjordanie. Les avertissements ont été ignorés. Le fait que nous ayons été envahis le 7 octobre est lié à la politique du gouvernement. Netanyahu a mis en place un réseau de népotisme pour saper l'Etat de droit afin de se tirer d'affaire dans ses propres histoires de corruption. Il a destitué des personnes compétentes et s'est entouré de béni-oui-oui. L'argent a été versé à des groupes religieux et non à des institutions publiques. Cela a affaibli tous les systèmes. Le Hamas a compris la situation et en a profité. C'était le bon moment pour eux.
Les responsables devront-ils rendre des comptes?
Avant la guerre, un climat de protestation dominait en Israël. La coalition populiste de droite divisait la société. Puis est arrivé le 7 octobre. Aujourd'hui, la nation se serre les coudes. L'heure n'est pas à la critique. Nous devons combattre le Hamas et libérer les otages. Nous sommes tous d'accord sur ce point.
Et après la guerre?
Après la guerre, une enquête indépendante doit déterminer ce qui a conduit à ce terrible massacre, qui a échoué et où. C'est ce que le pays exigera. Une enquête qui doit être menée avec calme et professionnalisme. J'espère sincèrement que cela conduira à la fin du gouvernement Netanyahu et que de nouvelles forces jeunes, peut-être issues du mouvement de protestation, prendront les commandes. Y compris, je l'espère, des femmes, car elles sont les héroïnes de notre époque.
Comment les Israéliens se sentent-ils aujourd'hui?
Nous oscillons entre plusieurs émotions. Au choc ont succédé la tristesse, l'impuissance, la colère. Après quelques jours seulement, l'espoir est apparu. Une vague d'entraide s'est très vite développée. Israël est un petit pays. La détresse a soudé le peuple. Alors que le gouvernement a échoué dans les premières semaines, les initiatives privées ont fonctionné de façon très professionnelle. Même l'armée a été organisée de manière privée dans les premiers jours.
Pouvez-vous nous expliquer cela plus en détail?
Pour le mouvement de protestation contre la réforme de la justice, qui a parfois réuni jusqu'à 700'000 manifestants dans les rues, de grands réseaux avaient été mis en place au cours des mois précédents. Des personnes de tous horizons s'étaient alors organisées. Qu'il s'agisse de la «Fraternité militaire», de militants féministes, de médecins, de juristes, d'assistants sociaux, d'informaticiens... Tous allaient dans le même sens pour sauver l'État de droit et la démocratie. Ces structures et celles des ONG aident actuellement à l'évacuation de dizaines de milliers d'Israéliens, à leur hébergement, à la collecte de fonds et à l'approvisionnement des soldats.
La lutte contre le Hamas fait plusieurs milliers de victimes à Gaza. Cela vous touche-t-il personnellement?
Croyez-moi, nous ne voulons pas la guerre. Nous ne voulons pas nous venger. Mais nous devons nous protéger, et aussi protéger la démocratie. Nous devons faire en sorte qu'un massacre comme celui du 7 octobre ne se reproduise plus jamais. Il ne faut pas oublier que nous sommes menacés par les pays arabes. Le Hamas veut notre mort, pas le bien-être de son peuple. Il utilise ses citoyens comme boucliers humains et se sert de leur souffrance à des fins de propagande.
Comment imaginez-vous une paix avec Gaza?
Je n'ai aucune idée de ce qui va se passer. Nous sommes au milieu de la tempête. Il faut écraser le Hamas. Je suis libéral et je crois en une solution pragmatique. Il faut un gouvernement à Gaza qui veuille la paix. Nous allons permettre aux Palestiniens de commercer, nous allons les aider à accéder à la technologie. Car les gens de Gaza, comme beaucoup d'autres, sont intelligents, créatifs et très travailleurs. Il faut tout simplement leur permettre de mener une vie heureuse.