L’armée israélienne peut-elle en finir une fois pour toutes avec le Hamas, à l’issue de l’intervention militaire terrestre qu’elle mène actuellement dans la bande de Gaza? La plupart des experts répondent non. Sauf si l’État hébreu aplatit le territoire, abandonne les otages et assume des pertes civiles palestiniennes énormes. Voici les 5 questions auxquelles Benyamin Netanyahu doit maintenant répondre.
Netanyahu peut-il assumer une guerre «totale»?
Guerre «totale» veut dire que le Premier ministre israélien va poursuivre coûte que coûte l’offensive terrestre à Gaza, dans le but d’en finir avec la logistique militaire souterraine du Hamas, et avec pour objectif de liquider ses principaux chefs. Netanyahu peut décider cela. L’armée israélienne a les moyens d’aplatir le territoire sous les bombes, les missiles et les tirs des chars d’assaut. Mais attention: cette guerre-là, même si elle lui permet d’exhiber les cadavres des chefs du Hamas, deviendra dans tous les pays arabes un conflit «martyr». On peut faire le parallèle avec Marioupol, la ville ukrainienne conquise par la Russie, où les combattants ont fini par sortir des tunnels. Marioupol reste encore aujourd’hui, pour les Ukrainiens, le symbole de la résistance. Transformer Gaza en champs de ruines ne sera jamais une victoire pour Israël.
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Netanyahu peut-il sacrifier otages et soldats israéliens?
L’armée israélienne a déjà communiqué ses premières pertes. Environ 350 soldats ont perdu la vie depuis l’assaut terroriste du Hamas le 7 octobre. Benyamin Netanyahu est maintenant confronté à un défi aussi politique que militaire: plus l’étreinte de Tsahal se referme sur le Hamas, plus les risques d’attentats kamikazes sont grands de la part des Palestiniens, et plus la vie des 230 otages (les chiffres varient selon les jours et les sources) est en danger. Sacrifier ces otages vaudra de toute façon au Premier ministre une réprobation généralisée. Et de lourdes pertes dans les rangs des militaires feront de lui une cible désignée pour les chefs de Tsahal, lorsque les combats cesseront. La meilleure option pour Netanyahu serait une reddition du Hamas. Mais personne n’y croit.
Netanyahu peut-il tuer politiquement le Hamas?
On peut déjà répondre non. Les chefs militaires du Hamas à Gaza ne sont qu’une partie de l’équation, et la relégitimation internationale de la cause palestinienne place l’aile politique du mouvement – dont les dirigeants se trouvent au Qatar – au centre du jeu. Le fait que le Hamas prenne en otage la population palestinienne de Gaza, et qu’il s’en serve comme bouclier humain, n’empêche par la milice d’apparaître comme la seule à avoir infligé une défaite à Israël, aussi courte soit-elle. Le Hamas peut être tué. Mais il ne mourra pas. Surtout si aucune alternative palestinienne crédible ne réussit à émerger.
Netanyahu peut-il encore parler à la communauté arabe?
La réponse, là aussi, est négative. C’est sans doute la plus grande faiblesse de l’actuel Premier ministre israélien: même s’il sort victorieux de ce conflit, il restera un paria pour les pays musulmans, y compris ceux qui avaient entamé avec lui des pourparlers en vue d’une normalisation, comme l’Arabie saoudite ou la Turquie. Son dernier atout est la situation politique en Israël, où personne n’imagine de nouvelles élections dans ce contexte de guerre. On tombe donc dans l’ironie la plus cruelle: tant qu’il pourchasse le Hamas et noie Gaza sous les bombes, Netanyahu peut tenir. D’où peut-être, la tentation de faire durer ce conflit…
Netanyahu peut-il tenir tête à Washington?
Les États-Unis sont les garants de la sécurité d’Israël face aux pays de la région. La menace de leurs porte-avions dépêchés en Méditerranée est dissuasive pour le Hezbollah chiite libanais, qui limite jusque-là ses actions militaires, et aussi pour l’Iran, qui a besoin encore de quelques années pour obtenir l’arme nucléaire. On voit mal pourquoi Joe Biden et son secrétaire d’État Antony Blinken accepteraient les diktats de «Bibi», le surnom de Netanyahu! Ce dernier, en revanche, peut résister aux demandes de trêve, et laisser les violences des colons en Cisjordanie se poursuivre. Il dispose d’un argument massue en comparant le 7 octobre 2023 au 11 septembre 2001, et le Hamas à Al Qaïda d’Oussama Ben Laden.