Des milliers d'opposants au projet de réforme judiciaire ont manifesté mardi en Israël, bloquant des routes, après le vote en première lecture au Parlement d'une mesure controversée de ce texte accusé de porter atteinte à la démocratie. La police a utilisé des canons à eau pour disperser les manifestants à Tel-Aviv et indiqué avoir arrêté 71 personnes à travers le pays.
Des milliers de manifestants, selon les médias, se sont rassemblés à l'aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv, agitant des drapeaux israéliens blanc et bleu, klaxonnant et criant des slogans hostiles à la réforme. Ce mouvement de contestation réunit chaque semaine depuis janvier des dizaines de milliers de personnes en Israël, contre ce projet de loi porté par le gouvernement de Benjamin Netanyahu, l'un des plus à droite de l'histoire du pays.
La démocratie israélienne en danger
«C'est notre dernière chance de combattre la destruction de la démocratie israélienne», affirmait devant l'un des terminaux de l'aéroport Yair Bortinger, un manifestant de 47 ans qui travaille dans la high-tech. Le gouvernement «nous prive de nos droits et c'est cela que nous combattons», témoignait Sivan Levin, 48 ans, elle aussi employée dans les hautes technologies. «Nous voulons montrer au monde entier que notre démocratie est en danger», poursuivait cette manifestante.
D'autres groupes ont bloqué des routes entre Tel-Aviv et Jérusalem, tandis que les organisateurs avaient annoncé des dizaines de rassemblements. «Je suis venu ici parce que le gouvernement détruit totalement la démocratie en Israël», a affirmé Eitan Galon, un médecin parmi les manifestants sur une autoroute à la sortie de Jérusalem. «Nous continuerons de lutter jusqu'au bout», a-t-il assuré.
Une réforme judiciaire controversée
Cette journée fait suite au vote en première lecture par la Knesset, le Parlement israélien, d'une mesure visant à annuler la possibilité pour le pouvoir judiciaire de se prononcer sur «le caractère raisonnable» des décisions du gouvernement. Cette disposition a été adoptée dans la nuit par 64 voix pour, correspondant aux députés de la coalition gouvernementale. Les 56 députés de l'opposition ont voté contre.
Annoncée peu après l'investiture du gouvernement formé en début d'année par Benjamin Netanyahu avec le soutien de partis d'extrême droite et de formations ultra-orthodoxes juives, la réforme judiciaire vise notamment à diminuer les prérogatives de la Cour suprême, que l'exécutif juge politisée.
Ses détracteurs estiment que la réforme risque d'ouvrir la voie à une dérive anti-libérale ou autoritaire.
Le gouvernement nie le risque
Dans une vidéo mise en ligne sur Facebook dans la nuit, Benjamin Netanyahu a affirmé que le projet de loi n'était «pas la fin de la démocratie» mais qu'il allait «renforcer la démocratie».
«Les droits des tribunaux et des citoyens israéliens ne seront en aucun cas lésés (...) La Cour continuera à contrôler la légalité des décisions et des nominations du gouvernement», a-t-il dit.
La commission parlementaire des lois a repris mardi après-midi les débats autour de la mesure votée en première lecture, afin de la présenter au vote définitif du Parlement à une date non précisée.
Des pourparlers inaboutis
Mardi, le chef de la centrale syndicale Histadrout a appelé le Premier ministre à «arrêter le chaos», laissant entendre que le puissant syndicat pourrait faire pression sur le gouvernement s'il poursuivait le projet de réforme.
«Monsieur le Premier ministre, la balle est dans votre camp», a déclaré Arnon Bar-David lors d'une conférence de presse à Tel-Aviv. «Mettez fin au chaos délirant au sein de la société israélienne, et le plus vite possible», a-t-il ajouté.
De son côté, le chef de l'opposition, le centriste Yaïr Lapid, a reproché au gouvernement de ne pas tenir ses promesses: «Vous aviez promis d'aider les faibles et de protéger la sécurité d'Israël (...), vous ne faites rien d'autre que cette folie», a-t-il déclaré.
Fin mars, M. Netanyahu avait décrété une pause dans le processus législatif pour permettre des discussions avec les partis d'opposition. Mais fin juin, les deux principaux chefs de l'opposition, Yaïr Lapid et Benny Gantz, ont suspendu leur participation aux pourparlers.
Le président israélien, Isaac Herzog, a appelé les parties à revenir à la table des négociations qui se déroulent sous son égide depuis mars.
(ATS)