Kiev privée d'aide américaine
Mais pourquoi Trump entre (presque) en guerre avec ses alliés?

Dans son discours très attendu sur «l'état de l'Union» ce mardi 4 mars, Donald Trump pourrait confirmer la suspension de l'aide militaire américaine à l'Ukraine. Un choc. Pile le jour où les tarifs sont augmentés de 25% sur les produits canadiens et mexicains.
Publié: 12:13 heures
|
Dernière mise à jour: 12:16 heures
1/5
La Chine est l'adversaire déclaré des Etats-Unis. Le Canada et le Mexique sont des partenaires priés d'accepter les conditions de Trump.
Photo: keystone-sda.ch
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Les Etats-Unis ne sont plus notre allié. Pour les Européens, cette évidence s’impose un peu plus chaque jour, et ce grand basculement stratégique et commercial pourrait se confirmer ce mardi 4 mars lors du discours sur «l’état de la Nation» que Donald Trump va prononcer à Washington devant le Congrès.

Fini donc, l’allié américain, socle de la paix occidentale depuis 1945? Mais pourquoi Trump remet-il en cause, avec ses tarifs douaniers contre le Mexique et le Canada (qui entrent en vigueur ce mardi aussi) et la probable suspension de l’aide militaire à l’Ukraine, des alliances préservées par tous ses prédécesseurs?

Pas des alliés, des concurrents

Donald Trump a une lecture économique du monde. Il l’a dit et répété durant toute sa campagne: son objectif est de mener une politique étrangère et commerciale qui rapporte le plus d’argent et d’investissements possible aux Etats-Unis. Il a d'ailleurs promis un chèque de 5000 dollars par contribuable avec l'argent récupéré.

Son argument clef, pour justifier la très forte augmentation des tarifs douaniers (+25%) sur les produits en provenance du Canada, du Mexique et de la Chine – l’Union européenne vient ensuite sur sa liste – est la dégradation continue de la balance commerciale américaine. Dans le monde de Trump, être allié des Etats-Unis suppose d’abord de bien traiter économiquement la première puissance mondiale. Il n’y a que des concurrents. Lesquels devront, pour calmer cette guerre commerciale, soit accepter davantage d’importations américaines, soit produire dans des usines implantées aux Etats-Unis. Avec, à la clef, des exonérations fiscales.

Pas des alliés, des vassaux

La suspension annoncée (et à confirmer) de l’aide militaire américaine à l’Ukraine a un seul objectif: mettre KO le président Zelensky, et mettre dos au mur les Européens qui viennent de lui réaffirmer leur soutien à Londres, avant de se retrouver jeudi 6 mars à Bruxelles. Pourquoi? Parce que pour Trump, les Etats-Unis sont les patrons du monde occidental, et sont en droit d’imposer leurs règles à leurs vassaux. On peut, là aussi, crier à la trahison.

Après tout, en théorie, l’OTAN, l’Alliance atlantique, est supposée être une coalition militaire entre 32 pays égaux, que tous s’engagent à défendre en cas d’agression. Trump remet les pendules à l’heure avec l’Ukraine. Il veut la fin immédiate de cette guerre, à ses conditions. Pour se réconcilier avec la Russie et organiser la riposte globale contre la Chine. Couper l’aide militaire à Kiev, c’est mettre son plan à exécution sans états d’âme. Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, doit annoncer ce mardi un plan communautaire pour l’industrie de défense. Trump n’empêche pas ses alliés de s’armer davantage. Au contraire…

Pas des alliés, des marchés

Même l’Ukraine en guerre est vue par Donald Trump comme un marché. Et en décidant de suspendre l’aide militaire américaine, le locataire de la Maison-Blanche confirme cette vue. Pour rappel, Volodymyr Zelensky devait signer un accord avec les Etats-Unis sur les terres rares le 28 février à Washington. Trump évoque aussi sans cesse la reconstruction future de l’Ukraine, et les contrats que cela rapportera. Il fait de même, de façon caricaturale et insupportable, pour Gaza qu’il entend transformer en Côte d'Azur après en avoir expulsé les Palestiniens.

La Russie? Un marché riche en ressources naturelles, qu’il faut arracher à la Chine. Le Groenland a de vastes ressources? On va l’accaparer. L’Europe? Un marché indispensable aux géants de la tech, qu’il faut déréguler. Le Moyen-Orient? Un marché où les Etats-Unis doivent capter l’argent du pétrole et du gaz qui coule à flots.

Pas des alliés, des adversaires

On parle là de politique, plus d’économie, même si pour Trump les deux sont toujours liés. Le président des Etats-Unis veut que des gouvernements amis, favorables à sa politique, s’installent dans tous les pays alliés des Etats-Unis. Au Canada, la démission du Premier ministre Justin Trudeau le 7 janvier a été son premier succès. Au Mexique, la présidente de gauche Claudia Sheinbaum lui déplaît.

En Europe, son administration soutient ouvertement les partis nationaux populistes et leurs candidats. On l’a vu en Allemagne avec l’AfD, devenue le 23 février le second parti du pays. Cela va recommencer, à coup sûr, avec les élections présidentielles attendues en mai en Roumanie et en Pologne. Le Premier ministre britannique Keir Starmer est attaqué. Le Hongrois Orban et l’Italienne Meloni sont cajolés. Gare aux adversaires politiques: Trump (et son allié Musk) leur fera la guerre.

Pas des alliés, des chéquiers

Trump veut que les alliés des Etats-Unis rendent, sous une forme ou sous une autre, l’argent qu’ils leur ont selon lui «volé». C’est aussi simple que cela. La paix depuis 1945, ça se paye! Et cela va coûter encore plus cher si certaines entités, comme l’Union européenne – qui a été conçue pour «emmerder» son pays dit-il – entament un bras de fer. Impossible d’arriver au bureau ovale sans carnet de chèques désormais, ce qui conduit pas mal de commentateurs à parler de «grand racket».

Attention là aussi: Trump fait ce qu’il a promis, et il propose à ses alliés de faire de même avec leurs partenaires. Il est affreusement logique. Peu importe que des pays soient des dictateurs s’ils paient et acceptent les conditions du «nouveau Shérif». C’est par exemple le cas du Venezuela, redevenu OK à ses yeux. L'Arabie saoudite l'a compris: le royaume a annoncé, le 26 janvier, 600 milliards de dollars d'investissements aux Etats-Unis.

Découvrez nos contenus sponsorisés
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la