Pas de grandes phrases. Aucune envie de manier les concepts comme le fait si bien un certain Emmanuel Macron. Donald Trump parle en boucle. Il répète, peu ou prou, toujours les mêmes mots. Comme on l’a vu le 28 février à la Maison Blanche lors de sa dispute verbale avec Volodymyr Zelensky, Trump assène ses promesses et ses vérités, en n'oubliant jamais de conclure par son fameux «Make America Great Again» (Rendre à l’Amérique sa grandeur).
La volonté est à la fois de marquer, de saturer l'opinion, et d'impressionner ses électeurs convaincus qu'il ne leur a pas menti. Voyage dans le vocabulaire (restreint) du président américain, qui sature son réseau Truth Social d’interventions en lettres majuscules et points d’exclamation.
Fake news
C’est le plus fameux des mots de Donald Trump. La signification de ce terme «Fausses nouvelles» est simple: tout ce qui ne lui convient pas, en termes de faits, de chiffres et d’informations est désigné comme «Fake News». L’objectif est, pour l’ancien promoteur New yorkais, de discréditer l’émetteur de cette info qui contredit sa version trumpiste, et de convaincre encore plus son électorat.
Et s’il avait raison? Trump mêle, dans le grand puits des «fake news», des erreurs statistiques avérées (alors qu’il manie lui-même de faux chiffres en permanence), des prises de position de ses adversaires (qu’il traite d’idéologues), tout en mettant l’accent sur des réalités que les élites dissimulent parfois (par exemple sur l’immigration).
Peace
Donald Trump obtiendra-t-il, à force de répéter son engagement à faire cesser les guerres (au Proche-Orient et en Ukraine) le prix Nobel de la paix? L’intelligence du président américain est en tout cas qu’il s’approprie ce terme «peace», sans jamais reconnaître qu’une paix véritable doit protéger toutes les parties en conflit. A Gaza, sa «paix» consiste à expulser les Palestiniens. En Ukraine, sa «paix» exige que Volodymyr Zelensky plie ou parte.
Et s’il avait raison? Trump pense que la seule paix qui vaille est celle imposée par le plus fort. Point. Or l’histoire montre qu’il n’a pas tort. À commencer par la paix qui dure, en Europe, depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle est d’abord le produit de la défaite de l’Allemagne nazie. Et la justice internationale qui s’ensuivit fut celle des vainqueurs.
«Tariffs»
Donald Trump est un protectionniste qui croit aux tarifs douaniers. Il le double d’incitations fiscales pour attirer les multinationales. L’avantage du mot «Tariff» est qu’il est simple, utilisable à toutes les sauces. Il suffit d’y ajouter un chiffre: 10, 20, 25%…
Et s’il avait raison? L’augmentation des tarifs douaniers peut accoucher, selon les économistes, d’une sévère hausse de l’inflation et d’une guerre commerciale désastreuse pour les Etats-Unis. Mais d’ici là, l’effet est politique: Trump oblige tous ses partenaires et concurrents à s’adapter à sa nouvelle réalité économique. Gagné!
«Occupied country»
En France, on parle de «grand remplacement» ou de «submersion migratoire». Pour Donald Trump, l’affaire est entendue: les Etats-Unis sont un pays occupé par les migrants criminels qu’il a promis de déporter par la force. Cette référence à une occupation étrangère lui permet de justifier l’emploi de l’armée, déployée le long de la frontière mexicaine, et la poursuite de la construction du mur. Trump ajoute aussi, presque toujours, le mot «crime» à migrants. On sait pourquoi.
Et s’il avait raison? Le chiffre en général avancé est celui de onze millions de clandestins aux Etats-Unis pour une population de 340 millions. Pour Trump, le lien entre immigration, criminalité et afflux de drogue (de la cocaïne au fentanyl) est dû à l’afflux de migrants. Alors que le rôle des mafias américaines est, bien sûr, tout aussi déterminant.
«Crooked» et «Stupid»
Ces mots «tordu» et «stupide» désignent en priorité son prédécesseur Joe Biden, ce «stupid president». Là aussi, l’effet est maximal. Alors que lui, Donald Trump, a été poursuivi par la justice, et qu’il a laissé ses partisans donner l’assaut sur le Capitole le 6 janvier 2021, il renverse les rôles. La justice n’en est de toute façon pas une, puisqu’elle est biaisée contre lui. Et tout ce qu’a fait Biden est à jeter, alors qu’en réalité l’économie américaine dont il a hérité est plutôt en bonne santé, même si l’inflation a pesé sur le pouvoir d’achat des ménages.
Et s’il avait raison? Non, Trump n’a pas raison. Il a tort. Joe Biden s’est bien retrouvé empêtré dans les affaires problématiques de son fils Hunter, qu’il a pardonné de façon inconditionnelle le 2 décembre 2024. Son état de santé a causé sa perte électorale. Mais à comparer leurs itinéraires, le plus tordu des deux n’est pas Biden. Le plus stupide? On vous laisse juge.
«Fight», «Battle», «Cards»
Trump parle comme au poker ou sur le champ de bataille. Pour lui, seul compte la victoire. Ceux qui ont vu le film «The Apprentice» savent que cette stratégie lui a été enseignée par son ex-mentor, l’avocat New Yorkais réactionnaire Roy Cohn. On a vu comme Trump a reproché à Zelensky, dans le bureau ovale, de «ne pas avoir les cartes en main», car sa résistance militaire dépend du soutien américain. On sait aussi que plusieurs personnalités de son entourage viennent du monde du catch ou du MMA, comme Dana White, le patron de la franchise de télévision UFC.
Et s’il avait raison? La politique est un sport de combat. Le Trumpisme accentue encore plus ce travers. Mais une image a immortalisé cette attitude de combattant: celle de Trump le poing levé après l’attentat dont il fut victime en Pennsylvanie, le 13 juillet 2024.
«We will rebuild better»
C’est la formule magique: celle du promoteur immobilier qui voit tout en termes de reconstruction, avec la perspective de juteux marché pour les firmes américaines. «On reconstruira en mieux» à Gaza, puisque le territoire palestinien deviendra une nouvelle Côte d’Azur. On reconstruira en mieux les villes ukrainiennes, aplaties par l’artillerie et les bombes de la Russie (jamais dénoncée comme agresseur). La force de ce slogan est qu’il promet un avenir radieux et qui rapporte
Et s’il avait raison? La reconstruction est toujours un énorme chantier qui recèle beaucoup d’opportunités. Celle de l’Europe après 1945 a largement contribué à la prospérité américaine. Mais peut-on le faire sur le cimetière d’un peuple? Qui décide de reconstruire? Et qui attribue les marchés?
«Genius and Savy»
Il est «génial» et très «adroit». De qui parle Trump? De Poutine. Dans la langue du Président des Etats-Unis, les seuls adversaires respectables sont ceux qui l’impressionnent. Or son homologue russe en fait partie au point que beaucoup se demandent si Trump n’est pas «l’homme de Moscou». Zelensky en revanche est un «comédien moyen» et un «dictateur» parce que son mandat s’est officiellement achevé en 2024. Emmanuel Macron en revanche est, aux yeux de Trump «a very special man». Loin du génie du Kremlin.
Et s’il avait raison? La force politique et le talent de Poutine ne sont pas contestables. Tout comme sa brutalité et l’élimination systématique de ses opposants. Est-ce cela, le génie pour Trump?