Réunion à Londres ce dimanche
Pourquoi Trump n'est pas près de pardonner à Zelensky

Le clash en direct dans le Bureau ovale entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky était assez prévisible. Pour le locataire de la Maison Blanche, le président ukrainien est un obstacle de longue date.
Publié: 01.03.2025 à 21:30 heures
|
Dernière mise à jour: 02.03.2025 à 07:32 heures
1/5
Volodymyr Zelensky est arrivé samedi 1er mars à Londres pour y rencontrer les dirigeants européens.
Photo: Getty Images
1/5
Volodymyr Zelensky est arrivé samedi 1er mars à Londres pour y rencontrer les dirigeants européens.
Photo: Getty Images
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Ce n’était pas qu’un coup d’éclat télévisuel. Ce qui s’est passé vendredi 28 février dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, entre les présidents américain et ukrainien, en dit long sur les griefs que Donald Trump a contre Volodymyr Zelensky. Le fait de rendre public cette fracture – ce qui met en position de force Vladimir Poutine, agresseur de l’Ukraine – ne peut que correspondre à un calcul. Trump a ses raisons de vouloir, dans les faits, écarter Zelensky d’une future négociation, même s'il a affirmé que la porte demeure ouverte. Voici ces raisons.

La première raison est personnelle. Donald Trump estime que Volodymyr Zelensky lui a manqué de respect lorsqu’il a refusé, après son élection en avril 2019 à la tête de l’Ukraine, de lui prêter main-forte pour monter un dossier contre Hunter Biden, le fils de celui qui était alors son adversaire programmé à la présidentielle.

Méthode Trump

On connaît la méthode Trump. On l’a vu à l’œuvre lors de l’élection de 2020 aux Etats-Unis lorsqu’il a exigé – en vain – des responsables électoraux en Géorgie de lui trouver 12'000 voix pour arracher cet Etat. Trump ne supporte pas que l’on se mette en travers de son chemin. Pour lui, Hunter Biden était le levier idéal pour faire chuter son père Joe Biden. Et ce, d’autant plus que l’intéressé a, il est vrai, fait sans doute des affaires troubles en Ukraine. Comme un parrain de la mafia, Trump estime que Zelensky lui a «manqué». Depuis lors, la guerre est déclarée.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

La seconde raison pour laquelle tout pardon entre les deux hommes sera difficile, voire impossible, est l’énorme pression que Donald Trump s’est lui-même mis sur l’Ukraine. Il a promis durant sa campagne la paix en un jour. Il ne supporte donc pas une quelconque entrave. Plus important encore: Trump pense jouer le «grand jeu» entre les Etats-Unis, la Russie et la Chine. Il est persuadé de pouvoir sortir Moscou de l’orbite de Pékin. 

On résume: la pugnacité de Zelensky est, selon lui, contraire à ses intérêts personnels et à ceux des Etats-Unis. C’est juste intolérable. Inacceptable. Il faut d’ailleurs noter que dès son entrée en fonction, Trump a évité Zelensky. Le 8 décembre à Paris, il était arrivé avec 45 minutes de retard à l’entretien avec Emmanuel Macron et le président Ukrainien à l’Elysée. Rétrospectivement, c’était un très mauvais présage qui aurait dû être mieux décrypté.

Un vassal qui lui doit tout

Troisième motif pour lequel un pardon est peu envisageable: la situation de Zelensky, pour Trump, est celle d’un vassal qui lui doit tout. Il l’a dit clairement dans le Bureau ovale: sans les armes américaines, l’Ukraine perdra la guerre. Or dans le monde de Trump, le rapport de force règne en maître. C'est ce que la diplomatie ukrainienne n'a pas compris. Qu'importe l'ovation qui lui avait été réservée au Congrès, à Washington, en décembre 2022. Qu'importe ses remerciements répétés adressés au peuple américain (au moins 33 fois lors de cérémonies officielles selon l'agence Reuters). La réalité est que Zelensky est faible, donc il doit obéir. C’est comme ça.

Plus grave encore: dans le monde géopolitique de Trump, l’est de l’Ukraine fait partie de la sphère d'influence de la Russie. La preuve: Trump, lui, revendique le Canada, le Groenland et le canal de Panama! Quand Zelensky parle de son peuple, de son identité, de sa fierté nationale, Trump ne veut pas l’entendre. Pour lui, l’Ukraine n’est pas une grande puissance. Fin de partie.

Et enfin, l’élément décisif: celui qui peut-être compte le plus. Donald Trump exige de ses alliés une allégeance totale, qu’ils sont priés de démontrer avec force devant les caméras. C’est, très étonnamment, ce que l’ex-comédien Zelensky n’a pas compris. Trump attendait un «merci» répété devant les caméras dans le Bureau ovale. Il espérait sans doute aussi que Zelensky quitte son sweat-shirt de combattant pour un costume. C'est d'ailleurs un journaliste d'un média pro-Trump qui a interpellé Zelensky sur sa tenue. Plus important: Trump ne pouvait pas accepter que Zelensky accuse, devant lui, Vladimir Poutine et ose affirmer que la Russie menace aussi les Etats-Unis. Dans certaines monarchies, ce type de comportement est qualifié de «délit de lèse-majesté».

Arrêt des combats

On termine avec l’essentiel: la guerre, la paix, et l’arrêt des combats en Ukraine. Trump veut imposer la paix. Il veut apparaitre comme un faiseur de paix aux yeux du monde et de son électorat. Mais il ne veut pas négocier cette paix avec Zelensky. Il veut aussi que cette paix soit «payante» pour les Etats-Unis, d’où son insistance sur l’accord sur les minerais et terres rares que lui et Zelensky devaient signer. La déclaration du Secrétaire général de l’OTAN Mark Rutte ce samedi est révélatrice. Celui-ci estime que Zelensky doit «réparer» sa relation avec Trump. C’est clair.

Politiquement, Zelensky est devant le choix de sa vie. Il avait refusé, en février 2022, de partir en exil comme le proposait Joe Biden. Il est évident maintenant que Trump ne lui laissera pas le choix. Il lui faudra monter dans le «taxi» américain. Et payer la note la plus salée de l’histoire pour un pays coupable d’avoir seulement résisté, et tenu debout au nom de la défense de la liberté.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la