Des menaces jamais vues
Trump a voulu tuer Zelensky (qui n'est pas encore mort)

Le président américain veut un Volodymyr Zelensky à ses ordres. Il ne supporte plus la résistance des Ukrainiens. En clair: il veut sa mort politique. Ou sa reddition.
Publié: 28.02.2025 à 21:33 heures
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Dernière mise à jour: 28.02.2025 à 22:56 heures
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La rencontre entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky a tourné au pugilat.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

«De la grande télévision!» C’est ainsi que Donald Trump s’est félicité, ce vendredi 28 février, d’avoir assailli de reproches Volodymyr Zelensky, avant de le renvoyer sans tenir la séance de travail, le déjeuner et la conférence de presse formelle prévus à la Maison Blanche. Un spectacle en mondiovision, montrant un président américain excédé par la pugnacité de son interlocuteur, qui a osé mettre en cause dans le bureau ovale la responsabilité de Vladimir Poutine dans la guerre déclenchée par la Russie le 24 février 2022.

Jamais le «Resolute Desk», le bureau présidentiel situé face aux fauteuils jaunes sur lesquels prennent rituellement place le locataire de la Maison Blanche et ses invités, n’avait vu une telle scène. Au lieu de formuler ses griefs à huis clos, une fois la presse repartie du bureau ovale, Donald Trump a humilié publiquement Volodymyr Zelensky, qu’il ne voulait d’ailleurs pas recevoir à ce stade de ses discussions avec Moscou.

Troisième guerre mondiale

Une humiliation à laquelle le vice-président J.D. Vance, présent lors de cette réunion, a prêté son concours en accusant le chef de l’Etat ukrainien ne pas avoir remercié les Américains pour leur aide. A Trump, le registre de la menace, en affirmant que Volodymyr Zelensky n’a pas de «cartes en main» et risque de provoquer «des millions de morts».

«Vous jouez avec la troisième guerre mondiale», a ajouté Trump. A Vance, le soin de présenter le résident ukrainien comme un allié mal intentionné, même pas respectueux du pays qui le soutient et qui lui a permis de résister. Zelensky a-t-il commis un impair en n'adressant pas de remerciements d'emblée aux Etats-Unis? C'est le narratif qui va, à coup sûr, être celui de l'administration Trump.

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Ce spectacle humiliant n’est malheureusement pas si étonnant que cela, même s’il dépasse l’entendement diplomatique. Donald Trump avait promis, durant sa campagne électorale, d’obtenir la paix en Ukraine en un jour. Il a échangé à plusieurs reprises avec Vladimir Poutine depuis son élection le 5 novembre 2024. Trump veut son sommet avec le président russe au plus vite. Il veut aussi que l’Ukraine accepte toutes les conditions posées par les Etats-Unis pour cesser les combats, à commencer par l’accord sur les terres rares que Volodymyr Zelensky devait signer ce vendredi.

Constatant que le président ukrainien n’avait pas l’intention de tout lui céder, l’ex-promoteur immobilier new-yorkais s’est cabré. Une volte-face largement destinée à son électorat aux yeux duquel Trump veut apparaître comme l’homme de la paix, tenu en échec par le soi-disant chef de guerre Zelensky. Une manière aussi de signifier aux dirigeants européens qui avaient poussé pour cette rencontre, comme le Français Macron et le Britannique Starmer, qu'ils ne pèsent rien dans sa prise de décision. 

Pas d’accord sur les terres rares

Cette scène est-elle irréparable? Pour Zelensky, il y a fort à parier que oui. Le numéro un ukrainien est reparti de la Maison Blanche sans avoir signé l’accord sur les terres rares, et sans avoir pu présenter sa version des faits. Son appel au vice-président Vance à visiter l’Ukraine en guerre ont été couverts par les paroles de Trump.

La gestuelle de ses interlocuteurs était celle d’accusateurs publics. Comment, dès lors, revenir et reprendre les discussions? Donald Trump a déjà annoncé qu’il ne recevrait à nouveau Zelensky que s’il est prêt à la paix. Ce n’est plus une pression, c’est une demande de capitulation publique. Car la paix en question, pour Trump, est celle que les Etats-Unis vont dicter à l’Ukraine.

Voici donc le président ukrainien viré, comme à l’issue des shows de télé-réalité que son homologue américain animait jadis. Viré, et pas seulement pour avoir tenu tête à Trump dans le bureau ovale. C’est une exécution publique qui a eu lieu, résultat d’une accumulation de griefs trumpistes contre Zelensky. Trump n’a jamais accepté l’élection en 2019 de ce président qu’il considère comme un «comédien moyen» et comme un «dictateur» parce que son mandat s’est achevé en mai 2024.

Le fantôme Hunter Biden

Trump n’a jamais pardonné à Zelensky de ne pas avoir collaboré avec sa première administration pour monter le dossier d’accusation contre Hunter Biden, le fils de Joe Biden, empêtré dans des affaires louches avec des partenaires ukrainiens. Trump ne supporte pas le look militaire de Zelensky. Trump estime qu’un seul «Tsar» est en droit de diriger cette partie de l’Europe: Vladimir Poutine. Trump voit l’Ukraine comme un réservoir de ressources exploitable à merci, et comme un immense chantier. La résistance populaire et avérée de l’Ukraine? Un obstacle, selon lui, à une paix négociée entre «grandes puissances».

Etreinte fatale

La prochaine étape, immédiate, concerne les Européens qui doivent se réunir dimanche à Londres, puis le 6 mars lors d’un sommet des 27 pays membres de l’Union à Bruxelles. Pour le dire vite: les alliés de l’Ukraine n’ont plus le temps. Il faut agir. Il est clair que les garanties de sécurité indispensables exigées à juste titre par Zelensky ne viendront pas de Washington. Alors? Une initiative doit avoir lieu. Livraisons d’armes massives. Accord de sécurité. Plan de redressement économique massif. Envoi de soldats sur le terrain en Ukraine, si besoin. Toutes ces options sont sur la table.

Donald Trump vient toutefois de casser l’horloge et le calendrier. Il veut, lui, sa paix maintenant. Quitte à abandonner l’Ukraine. L’Europe est prise au piège. Sauf si elle parvient, en urgence, à proposer une alternative sérieuse à l’étreinte fatale Trump-Poutine.

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