La sécurité du continent mise à l'épreuve
L’Europe peut-elle faire face à un retrait de l’aide américaine en Ukraine?

Le président américain Trump menace de mettre fin à l'aide à l'Ukraine. Les chefs d'État et de gouvernement européens se sont réunis dimanche à Londres pour élaborer un plan de paix. La présidente de la Commission européenne met en garde et appelle à un réarmement.
Publié: 13:05 heures
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Dernière mise à jour: 13:07 heures
La «coalition des volontaires» doit défendre l'Ukraine sans l'aide des Etats-Unis. Mais l'Europe y parviendra-t-elle vraiment?
Photo: IMAGO/NTB
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Chiara Schlenz

Trois jours ont suffi pour tout bouleverser. Tout a commencé vendredi avec un coup de tonnerre diplomatique à la Maison Blanche: le président américain Donald Trump a publiquement mis son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky sous pression. Il lui a lancé un ultimatum clair: soit il signe un accord négocié avec la Russie, soit l'aide américaine prend fin. Une déclaration qui a provoqué un choc, non seulement en Ukraine, mais aussi dans toute l’Europe.

Face à cette menace, le Premier ministre britannique Keir Starmer a convoqué dimanche à Londres les principaux chefs d’État et dirigeants d’organisations internationales pour ce qu’il a appelé «la coalition des bonnes volontés». L’objectif: élaborer un plan de paix pour l’Ukraine susceptible de convaincre Trump. Car si ce dernier venait à mettre sa menace à exécution, l’Europe se retrouverait au bord du gouffre sur le plan de la défense. Pourtant, le sommet n’a pas dissipé les inquiétudes. Une question cruciale plane désormais, aussi simple qu’inquiétante: l’Europe est-elle capable de défendre l’Ukraine et de se protéger elle-même en cas d’urgence?

Sans le soutien des États-Unis, l'Ukraine et l'Europe feront face à de grandes difficultés

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré dimanche soir: «Nous devons nous préparer au pire», insistant sur l’urgence de renforcer les capacités de défense du continent. De leur côté, Keir Starmer et la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, ont affirmé après le sommet que leur objectif restait une collaboration étroite avec les États-Unis. Reste à savoir si Donald Trump partage cette vision.

Une chose est certaine: si Washington venait à se désengager du conflit en Ukraine, ce ne serait pas seulement un coup dur pour Kiev, mais aussi pour l’ensemble de l’architecture sécuritaire européenne. Sans le bouclier américain, l’Europe se retrouverait contrainte de devenir, du jour au lendemain, une puissance militaire autonome. Un défi pour lequel elle n’est, à ce jour, ni préparée ni équipée.

Depuis 2022, les États-Unis ont fourni à l’Ukraine plus de 75 milliards de dollars d’équipement militaire, incluant des lance-missiles Himars, des systèmes de défense antiaérienne Patriot et des chars de dernière génération. Sans un approvisionnement continu, ces systèmes deviendraient rapidement inutilisables, faute de munitions, de pièces détachées et de maintenance. Tout aussi préoccupant, la fin du partage des renseignements américains, cruciaux pour la stratégie défensive de Kiev, affaiblirait considérablement l’Ukraine sur le terrain. Sur le plan économique, la dépendance de Kiev à l’aide américaine est tout aussi critique. En clair, un arrêt du soutien des États-Unis pourrait plonger l’Ukraine dans une crise financière et laisser à l’Europe la lourde responsabilité de combler ce vide dans l’urgence.

L'Europe peut-elle y arriver seule?

Si en effet, cela était faisable, cela pousserait l'Europe dans ses derniers retranchements sur le plan financier, politique et militaire. Une étude du «Kiel Institut für Weltwirtschaft» affirme que l'UE devrait débourser 250 milliards d'euros par an pour compenser la contribution américaine.

La production militaire constitue un problème central. Dans des délais très brefs, l'Europe devrait mettre à disposition au moins 1400 chars, 2000 véhicules d'infanterie et 700 systèmes d'artillerie, et devrait augmenter massivement la production de drones et de munitions. Parallèlement, le nombre de soldats devrait être augmenté d'au moins 300'000. A titre de comparaison, l'Allemagne dispose actuellement de 260'000 soldats.

Le manque de coordination militaire est encore plus problématique. Alors que les Etats-Unis disposent d'une armée dirigée de manière centralisée, l'Europe est divisée en 29 forces armées nationales. Sans une coopération plus étroite, par exemple par le biais d'une armée européenne ou d'achats communs, la mise en place d'une défense, même puissante, pourrait échouer.

L'Europe mise à l'épreuve

«
Je n’accepte pas que les États-Unis soient considérés comme un allié peu fiable
Keir Starmer
»

Les récents événements ont mis en évidence une nouvelle réalité pour l’Europe en matière de sécurité: continuer à s’appuyer sur une garantie de protection américaine, qui peut être révoquée à tout moment, revient à se placer dans une position de vulnérabilité face à d’éventuelles pressions politiques.

Pourtant, Keir Starmer adopte une approche différente. Il insiste sur la fiabilité historique des États-Unis et leur engagement à long terme: «Je n’accepte pas que les États-Unis soient considérés comme un allié peu fiable.» Une déclaration qui suggère que l’Europe continue, malgré tout, de fermer les yeux sur la situation.

L’alternative? Un changement radical dans la politique de sécurité du continent, impliquant une hausse des dépenses de défense, une coopération militaire renforcée et un développement accéléré de ses capacités industrielles. «Notre propre sécurité dépend de celle de l’Europe», affirme le Premier ministre britannique. Pourtant, aucune initiative concrète n’a émergé du sommet de Londres. Seule annonce: l’engagement de Keir Starmer à fournir 1,6 milliard de livres supplémentaires (environ 1,8 milliard de CHF) à l’Ukraine, incluant 5000 missiles de défense. Reste à savoir si l’Europe saura tirer les leçons de cette crise et adopter une stratégie de défense autonome, ou si elle choisira de rester dépendante d’un allié dont la fiabilité est de plus en plus incertaine.

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