La date limite fixée par le président américain Donald Trump avant l'entrée en vigueur de droits de douane imposés aux produits canadiens et mexicains a été atteinte mardi matin sans accord. Le Canada et le Mexique n'ont «plus de marge de manoeuvre» pour éviter l'entrée en vigueur dans la nuit de lundi à mardi des droits de douane sur l'ensemble de leurs produits aux Etats-Unis, a prévenu lundi Donald Trump. Le président américain a aussi signé lundi un décret imposant désormais 20% de droits de douane supplémentaires sur les produits chinois entrant aux Etats-Unis par rapport à la taxation en vigueur avant son retour à la Maison Blanche.
«Il n'y a plus de marge de manoeuvre pour le Mexique et le Canada. Les droits de douane sont un fait. Ils entreront en vigueur demain (mardi)», a assuré Donald Trump à des journalistes à la Maison Blanche. Washington, Ottawa et Mexico négocient toujours afin d'interrompre durablement le flux vers les Etats-Unis de fentanyl, un puissant opioïde responsable de la mort de dizaines de milliers de personnes dans ce pays. A moins d'un nouveau report accordé, des taxes de 25% vont être appliquées.
Donald Trump reproche au Canada, au Mexique et à la Chine de ne pas lutter assez efficacement contre ce trafic. Afin de les forcer à agir, il avait imposé début février 25% de droits de douane sur l'ensemble des produits canadiens et mexicains, pourtant théoriquement protégés par un accord de libre-échange signé durant son premier mandat, avant de les suspendre pour un mois, satisfait des premiers gestes consentis par Ottawa et Mexico.
Le Canada réplique, la Chine promet d'en faire autant
Dans le même temps, la Chine s'était vu imposer 10% de droits de douane supplémentaires. Une surtaxe que l'administration américaine a passé à 20% dans le décret signé lundi par Trump.
Une annonce qui n'a évidemment pas plus aux autorités chinoises qui ont fermement réagi. «La Chine est fortement mécontente de cette mesure et s'y oppose fermement. Elle prendra des contre-mesures pour protéger ses droits et intérêts», a déclaré un porte-parole du ministère chinois du Commerce dans un communiqué. En riposte, Pékin a annoncé mardi des droits de douane supplémentaires de 15% sur le poulet, blé, maïs et coton américains entrant en Chine. D'autres produits américains importés tels que le sorgho, le soja, le porc, le bœuf, les produits de la mer, les fruits, les légumes et les produits laitiers feront l'objet d'une taxe supplémentaire de 10%.
«Washington, en agissant unilatéralement, porte atteinte au système commercial multilatéral» et «fragilise les bases de la coopération économique et commerciale entre la Chine et les États-Unis», ajoute le communiqué. Les nouvelles taxes entreront en vigueur après le 10 mars 2025, précise le communiqué. Dans le même temps, Pékin a annoncé l'ajout de quinze entités américaines à la liste de contrôle des exportations. Ces entités «nuisent à la sécurité nationale et aux intérêts de la Chine».
De son côté, le Canada a fait savoir lundi, par la voix de son Premier ministre Justin Trudeau, qu'il allait mettre en place des droits de douane sur les produits américains dès mardi en représailles à ceux annoncés par Donald Trump. «Si les droits de douane des États-Unis entrent en vigueur, le Canada ripostera à compter de minuit en mettant en oeuvre des droits de douane de 25% sur 155 milliards de dollars de marchandises américaines», a indiqué le chef du gouvernement dans un communiqué.
«Des milliers d'emplois sont en jeu»
Pour Ryan Majerus, ancien responsable américain au Commerce, désormais avocat, «il ne fait aucun doute que le gouvernement tente de régler les problèmes liés au fentanyl et à l'immigration.»
L'Américain l'assure: «Ces taxes lui ont donné du poids face au Canada et au Mexique, comme l'a montré leur réaction.» Après les propos de Donald Trump, la ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly a qualifié ces tarifs douaniers de «menace existentielle» pour son pays, où «des milliers d'emplois sont en jeu».
«Si les Etats-Unis décident de lancer leur guerre commerciale, (...) nous sommes prêts à répliquer», a-t-elle prévenu. La présidente mexicaine Claudia Sheinbaum a, elle, déjà assuré que le Mexique avait «un plan A, un plan B, un plan C et un plan D» contre ces nouvelles taxes.
Trump invite les agriculteurs à «produire plus»
Donald Trump avait souligné durant sa campagne électorale que droits de douane étaient «ses mots favoris». Il avait dit souhaiter les utiliser pour rééquilibrer la balance commerciale américaine, financer en partie sa promesse de baisser les impôts et imposer «le respect» aux partenaires des Etats-Unis.
Le président américain a d'ores et déjà annoncé son intention de taxer l'acier et l'aluminium et le lancement d'une enquête en vue d'en faire autant pour les produits issus de la sylviculture. Lundi, les produits agricoles importés se sont ajoutés à la liste, Donald Trump assurant qu'ils seront aussi taxés à compter du 2 avril.
Dans un message posté sur son réseau social Truth Social, le président américain invite «les grands agriculteurs des Etats-Unis» à se préparer à «produire beaucoup plus de produits agricoles pour les vendre à l'intérieur des Etats-Unis». La perspective des droits de douane commence toutefois à inquiéter les Américains, tant les consommateurs que les entreprises.
Hausse de prix accélérées
Signe de la nervosité des marchés, la Bourse de New York a terminé en forte baisse lundi, les indices s'enfonçant dans la foulée des déclarations du président américains concernant les surtaxes sur le Canada et le Mexique. Fin février, deux indices de confiance des consommateurs ont plongé, plombés par la crainte d'un rebond de l'inflation. Celle-ci peine à revenir vers les 2% visés par la Réserve fédérale (Fed) et a même progressé légèrement fin 2024.
Une donnée essentielle, alors que le président américain doit principalement sa victoire à sa promesse de faire baisser les prix et d'améliorer le pouvoir d'achat des ménages. Lundi, la publication de l'indice ISM de la production industrielle s'est accompagnée de commentaires sur la crainte, dans un certain nombre d'industries, de voir les droits de douane devenir une nouvelle réalité.
«Les hausses de prix se sont accélérées en raison des droits de douane, ce qui a entraîné des retards pour passer de nouvelles commandes, des arrêts de livraison de la part des fournisseurs et des répercussions sur les inventaires», a souligné Timothy Fiore, un responsable de l'ISM. Des industriels de la chimie, des transports, des machines-outils, et de l'agroalimentaire évoquent ainsi de plus en plus ouvertement l'impact de ces droits de douane sur leur activité.