«Une fausse incitation»
Un expert s'indigne du système des compensations climatiques

Pour se donner bonne conscience, les particuliers comme les entreprises peuvent acquérir des certificats. Les émissions nocives pour l'environnement sont ainsi censées être compensées. Mais est-ce vraiment le cas? Une étude de «Science» arrive à d'autres conclusions.
Publié: 29.08.2023 à 20:03 heures
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Dernière mise à jour: 01.09.2023 à 15:32 heures
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L'industrie, les entreprises et les particuliers pratiquent une sorte de commerce d'indulgence avec les certificats CO2.
Photo: imago/Rainer Weisflog
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Jean-Claude Raemy

La protection de l'environnement devient un business. Lorsque les entreprises ou même les particuliers ne peuvent ou ne veulent pas réduire leurs émissions de CO2 de manière significative, ils acquièrent des certificats CO2 – un moyen de se donner bonne conscience. Ceux-ci permettent de financer des projets qui réduisent les émissions, ailleurs dans le monde. En règle générale, un certificat correspond à une tonne de CO2 ou d'autres gaz à effet de serre comme l'ozone ou le méthane.

On s'attend dans ce cas à ce que les émissions de CO2 provoquées par notre action – un achat sur Internet par exemple – s'équilibrent avec l'achat d'une compensation climatique pour atteindre, ou presque, le «zéro net».

Des projets climatiques peu utiles

La réalité est toutefois bien différente. Selon une nouvelle étude publiée le 24 août dans la revue «Science», l'impact des projets de protection climatique est nettement surestimé. C'est ce qui ressort d'une évaluation de 26 projets de protection du climat, dans six pays de trois continents.

Ceux-ci devaient, par exemple, ralentir la déforestation des forêts et contribuer positivement au bilan climatique grâce au reboisement. L'étude a cependant révélé que la grande majorité des projets ne ralentissaient pas la déforestation et que les projets étaient clairement moins efficaces qu'on ne le prétendait.

Le résultat est accablant: seuls 8 des 26 projets de protection climatique – étudiés au Cambodge, en Colombie, en République démocratique du Congo, au Pérou, en Tanzanie et en Zambie – ont réduit la déforestation de manière significative. Cependant, même ces projets sont restés en deçà des objectifs qu'ils s'étaient fixés.

Pour huit projets, les informations relatives aux objectifs étaient insuffisantes. Pour les 18 autres, on s'attendait à ce que jusqu'à 89 millions de compensations d'émissions soient générées d'ici 2020. Or, l'étude estime que seuls 5,4 millions de compensations d'émissions sont liées à une réduction effective des émissions de carbone. Un ridicule 6,1% de l'objectif!

Miser uniquement sur les certificats n'apporte pas grand-chose

Selon «Science», les résultats de l'étude confirment des hypothèses courantes qui remettent en question l'utilité écologique du commerce des certificats CO2. En d'autres termes: Celui qui compte uniquement sur les certificats CO2 ne rend pas service à l'environnement.

Le coauteur de l'étude, Thales West de la Vrije Universiteit d'Amsterdam, en explique les raisons: «Si vous comptez à 100% sur les compensations, vous ne contribuerez probablement pas de manière positive à l'atténuation du changement climatique.»

«Une fausse incitation»

Silas Hobi, directeur de l'association Umverkehr et diplômé en sciences de l'environnement, abonde dans le même sens: «Ce qui est choquant dans le système des certificats, c'est la fausse incitation. Beaucoup pensent que cette forme de compensation n'implique aucun changement de leur propre comportement de consommation.»

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C'est pourquoi l'association a critiqué dès le début ce nouveau commerce, tel qu'il est pratiqué par exemple dans le système Corsia (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation) propre à l'aviation. Silas Hobi dénonce également la compagnie aérienne à bas prix Easyjet, qui se met volontiers en scène comme une compagnie aérienne respectueuse de l'environnement, parce qu'elle achète des certificats de compensation climatique. Easyjet rétorque que sa stratégie pour ses investissements en matière de durabilité ne repose pas sur la compensation des émissions.

Dans ce contexte, il est intéressant, selon Silas Hobi, de constater que lors des discussions sur l'avenir de l'aviation en Suisse, «la réduction du trafic aérien à un niveau compatible avec le climat n'a manifestement pas été discutée».

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