Rejoindre l’Inde (quasi) sans avion
Budget, les tops, les flops, couple gay en voyage: je réponds à vos questions!

Le journaliste Amit Juillard est arrivé au terme de son périple entre Lausanne et l’Inde (quasi) sans avion. Budget, sécurité, difficultés, ville préférée, bouffe, couple gay en voyage, rencontres: dans cette dernière chronique, le trentenaire répond à vos questions!
Publié: 28.03.2025 à 15:33 heures
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Dernière mise à jour: 08:37 heures
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Parlons thunes, corruption, frayeurs, couple gay en voyage, homophobie, voyage en couple, villes préférées, plats favoris, fatigue, gestion du stress, gastronomie.
Photo: Amit Juillard
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Amit Juillard

22’958 kilomètres sans avion de Lausanne à Phuket (Thaïlande). 1953 dans les airs jusqu’en Inde, destination finale atteinte le 14 décembre. 156 jours. Cinquante-six trajets. Dix-sept jours de maladie répartis sur deux corps humains. Seize pays scarifiés. Neuf chroniques (dix avec celle-ci) griffées. Deux continents caressés. Un couple gay. Dimitri, designer, mais aussi photographe, et moi, et moi, et moi, journaliste.

Un bail – trois mois – que vous attendez des réponses à vos questions, posées à ma demande sur mon compte Instagram. Vous voulez tout savoir et j’ai toujours rêvé de publier une interview de moi-même – je suis désormais Nicolas Sarkozy sur le plateau de TF1. 

Alors parlons thunes, corruption, frayeurs, couple gay en voyage, homophobie, voyage en couple, villes préférées, plats favoris, fatigue, gestion du stress, gastronomie, image de la Suisse à l’étranger, barrières de la langue, instant le plus marquant, pays le plus étonnant, sexualité, rapport personnel à la misère alentour, stéréotypes confirmés, clichés invalidés et rencontres extraordinaires. Ma 24e réponse va vous surpr… Ok, c’est trop racoleur.

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Les tops, les flops

Quel instant a été le plus marquant pour vous?
Le départ et les jours d’avant. La dernière fête et ses adieux permanents. Les derniers signes de mains sur le quai de la gare de Lausanne. Dans le train tout ce qu’on laisse derrière (se) défile. C’est déchirant. Et excitant. Le voyage, c’est dire au revoir. Tout le temps.

Quelle est la plus grosse idée reçue que vous avez déconstruite?
On avait en tête les images d’une brume putride, épaisse et irrespirable à Beijing. Mais en octobre, on y a vu le ciel bleu entre deux jours de pluie! Ce n’est pas encore Zinal, mais la pollution de l’air a chuté de 64% depuis 2013 et Pékin a connu 300 jours de «bon air» en 2023, contre 13 en 2013, selon le World Economic Forum. La recette: développement des transports publics, de la mobilité douce, le bannissement des véhicules les plus polluants et la promotion de l’électrique. Malgré les améliorations, tout n’est pas rose pour autant à l’échelle du pays, puisque la pollution de l’air y tue encore 2 millions de personnes par an, d’après l’Organisation mondiale de la santé.

Le plus gros cliché qui s’est confirmé?
En Chine, l’ampleur de la société de surveillance mise en place par le Parti unique et communiste, à travers des caméras, des applications rendues indispensables, des contrôles d’identité à l’entrée et la sortie de toutes les gares, la police et l’armée, est franchement tentaculaire. Sinon, en Turquie, les hommes fument vraiment comme des Turcs, et partout. Et par endroits, en Thaïlande, il y a un poil trop de gros porcs, bien réacs et trumpistes, qui viennent profiter du corps et de la dévotion des femmes thaïlandaises, prétendûment plus soumises que les Occidentales infectées par le virus féministe et woke. La vérité.

Quelle ville aura été la plus mémorable?
Istanbul pour sa Sainte-Sophie, ses bébés chats, son inflation galopante et son maire. Samarcande pour sa place du Régistan vide à 7h du matin. Mumbai pour sa gay pride au milieu de son trafic désorganisé.

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J'avais fantasmé l'Ouzbékistan de manière assez coloniale: ça allait être un séjour au pays des «Mille et une Nuits», un saut dans le passé, j’allais être Jasmine et Aladin en même temps
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Le pays le plus surprenant, en bien ou en mal?
L’Ouzbékistan, en bien et en mal. Je l’avais fantasmé de manière assez coloniale: ça allait être un séjour au pays des «Mille et une Nuits», un saut dans le passé, j’allais être Jasmine et Aladin en même temps. Et en fait, les quartiers touristiques sont un Disneyland pour les groupes aux cheveux d’argent, en quête de soie et de tapis, volant de ville en ville en car. Pas de poussière, mais du goudron. Les monuments vieux de plusieurs siècles, d’abord remis entièrement à neuf par les Soviétiques, n’ont plus une ride. La capitale Tachkent est agréable et prend des airs de Dubaï. Il y a des Chevrolet blanches partout, partout, partout, propulsées au méthane local. Depuis l’ouverture du pays, toujours un régime autoritaire, aux capitaux étrangers en 2016, les inégalités se creusent et l’économie fleurit.

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Quel est le plat le plus incroyable que vous ayez mangé (bon ou mauvais, qu’importe)?
Rien ne peut battre cette première mangue – orangée, sucrée, juteuse – de la saison, dégustée ce mois de mars à Goa, dans l’appartement d’une bien-aimée tante désormais réincarnée. Même pas le caviar russe d’Astrakhan, la tortue à carapace molle de Pékin, la viande de chien de Kunming, les larbs thaïlandais ou le khinkalis du restaurant The King and the Bird à Tbilissi.

Si c’était à refaire, qu’auriez-vous fait différemment?
On ne se fixerait pas de délai pour franchir la ligne d’arrivée. À cause de cette échéance, on a dû bouger relativement rapidement et on a échoué dans notre quête d’un voilier à Phuket.

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Qu’avez-vous préféré?
Je suis un geek un brin control freak qui aime lire des cartes, poncer le «Lonely Planet», tous les blogs, et créer des itinéraires qu’on finit toujours par massacrer en chemin parce qu’on relit le «Lonely Planet», d’autres blogs, qu’on se balade sur Google Maps version satellite et qu’on rencontre des vraies gens.

En pratique

Comment avez-vous construit votre budget?
À la louche, en consultant des sites spécialisés: 3000 francs par mois pour les deux. Résultat: on a dépensé environ 3400 francs par mois pour les deux (chacun contribuant à hauteur de ses moyens) entre le 15 juillet et le 15 décembre 2024, sans pouvoir éviter quelques nuits dans des 5-étoiles. Non inclus: mes 600 balles d’assurances maladie mensuels. D’autres dépensent moins de 800 francs par mois par personne, mais le voyage – même clochardisé – reste un privilège réservé aux plus riches sur cette planète.

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ChatGPT est en train de révolutionner le voyage: toutes ces barrières tombent. Sa traduction est ultra-fiable, notamment pour les menus en mandarin
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Quid des barrières linguistiques?
Premier constat: les gestes ne signifient pas la même chose d’une région à l’autre. Quelques mots et chiffres en turc et en kurde appris en route nous ont donc bien aidés au Kurdistan turc. Idem avec le voc’russe, pratique quand on est coincés avec des bergers tadjiks à 3000 mètres loin de toute civilisation et sans internet. Mais ChatGPT est en train de révolutionner le voyage: toutes ces barrières tombent. Sa traduction est ultra-fiable, notamment pour les menus en mandarin. C’est avec son aide que j’ai pu trouver – et goûter – de la viande de chien.

En route, avez-vous manqué de quelque chose? Habits, outils, etc.
Non. Peut-être que j’allègerais mon paquetage pour une prochaine fois. Pas forcément besoin de cette chemise habillée et de mes baskets de course… En Russie, j’aurais bien voulu avoir ma mère et en Thaïlande, un bateau.

Rester en sécurité

Vous êtes-vous toujours sentis en sécurité?
Toujours. Dans tous les pays traversés, on s’est baladés à pied, de nuit, iPhone à la main, sans jamais nous sentir en danger. Même quand on a essayé de revendre un couteau suisse – la lame était trop longue aux yeux des autorités chinoises et nous allions passer la frontière le lendemain – au marché noir d’Almaty, au Kazakhstan, auprès de gars peu recommandables, qui n’en ont pas voulu. De manière générale, à part dans le Caucase russe, on n’a pas croisé de groupes de mecs bourrés à la masculinité toxiques prêts à en découdre.

Y a-t-il eu un vrai moment de frayeur à côté de tous ces moments de bonheur?
Un seul: lorsque je me suis fait cuisiner par un agent des services secrets russes dans le train qui nous emmenait au Kazakhstan et qu’il s’est emparé de mon téléphone – dont j’avais «nettoyé» le contenu. Ma peur? Qu’il découvre que j’étais journaliste et que nous étions un couple gay. Il a découvert que j’étais journaliste, sans conséquences.

Le voyage est-il plus sûr pour les hommes ou les femmes?
Le risque de violences sexistes et sexuelles présent dans nos sociétés patriarcales occidentales ne disparaît évidemment pas lorsqu’on se balade dans d’autres sociétés patriarcales, voire grandit. Ceci dit, on a rencontré beaucoup de femmes voyageant seules et sans avion, parfois en stop, en chemin. Et comme je suis un homme, je vais parler à leur place: aucune d’entre elles ne déconseillerait à aucune d’entre vous de mettre un pantalon Quechua et de partir. La clef: s’informer, tout le temps.

Welcome to gayistan

En tant que couple gay, avez-vous dû vous cacher?
Oui, mais pas partout. On a quand même séjourné en Hongrie limite fasciste, dans des villes ultraconservatrices musulmanes du Kurdistan turc, en Russie où «le mouvement LGBT (ndlr: pour lesbienne, gay, bi et trans)» est considéré comme terroriste et en Ouzbékistan, où l’homosexualité – masculine uniquement – est condamnée et passible de trois ans de prison. A l’opposé, Tbilissi (Géorgie) et ses clubs techno ont été une bulle d’oxygène. Certaines boîtes alternatives d’Istanbul et d’Almaty (Kazakhstan) aussi. Et puis, à partir de notre entrée en Chine et lors de notre périple en Asie du Sud-Est (en Thaïlande, les shows de drag queens sont de très haut vol), on a pu revivre notre amour au grand jour. La jeunesse urbaine indienne est aussi très ouverte d’esprit.

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Un seul exemple d’homophobie en cinq mois: dans le sud de la Turquie, mon boyfriend Dimitri a récolté des sales remarques à cause de ses boucles d’oreilles, de la part de vieux mâles hétéros bien endoctrinés par leur religion
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Quels conseils donneriez-vous à d’autres personnes homosexuelles?
Il faut mesurer le danger encouru. De la Hongrie à la frontière chinoise, à l’exception de la Géorgie, c’était: fini les gestes d’affection en public, au placard les crop tops laissant apparaître mon sacro-saint nombril (isme), voire les shorts à certains endroits. Autre règle: ne jamais insister pour un lit double, à part dans les 5 étoiles (donc trois fois). Dimitri a fini par se résoudre à enlever ses piercings aux oreilles avant d’entrer au Tadjikistan, très islamo-conservateur.

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Avez-vous subi de l’homophobie?
Rarement. Premièrement, on a fait gaffe. Deuxièmement, par chance, notre homosexualité n’est pas (encore) écrite sur nos gueules. Et enfin, dans beaucoup de pays ultraconservateurs, la possibilité que deux hommes voyageant ensemble soient en couple n’effleure l’esprit de personne! Un seul exemple d’homophobie – et de transphobie – en cinq mois: dans le sud de la Turquie, mon boyfriend Dimitri a récolté des sales remarques à cause de ses boucles d’oreilles, de la part de vieux mâles hétéros bien endoctrinés par leur religion. En mode, «t’es une femme», tout en mimant une ablation du pénis. Obsédés de la baguette, comme J. K. Rowling.

Voyager en couple

Étiez-vous toujours d’accord entre vous sur vos envies et décisions?
En chemin, les envies de l’un deviennent souvent celles de l’autre, parce qu’on partage le même demi-cerveau, au bout d’un moment. En Ouzbékistan, tout était un peu trop lisse et facile à mon goût, et Dimitri s’est laissé gagner par mon idée d’aller au Tadjikistan, où les blogs nous promettaient des galères pour retirer des sous (seules les cartes Visa fonctionnent hors de la capitale et ne sont pas acceptées partout pour autant), une hospitalité extraordinaire et des bactéries intestinales. Il n’a pas été déçu!

Comment votre vie sexuelle de couple a-t-elle été affectée par ce long voyage? Meilleure, pire ou la même chose qu’avant?
C’est toujours la même: contre-nature et abominable.

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C’est comment d’être 24/7 avec la même personne?
Un bon test pour la retraite! C’est être complices, penser à haute voix tout le temps, rire et faire les mêmes blagues encore et encore. C’est un soutien mutuel inconditionnel. C’est avoir un deuxième cerveau. C’est sécurisant. C’est dire «oui». On a vécu deux ou trois moments de vraie tension entre juillet et février, toujours désarçonnés par des discussions. Si Donald et Vlad ont besoin de conseils, on est là.

Vous seriez parti en solo?
Oui. Je l’ai déjà fait plusieurs fois, en Amérique du Sud ou en Inde. Parmi les avantages: plus de rencontres en chemin, plus intenses, liberté est totale. Inconvénients: voir les points positifs de la question précédente.

Les vraies gens

Si vous deviez écrire un livre sur une seule personne que vous avez rencontrée dans ce périple, ce serait sur qui?
Sur une femme rencontrée à Tbilissi, capitale de la Géorgie. Mais laquelle? Sur Mzia, qui nous a d’abord hurlés dessus au bas d’une tour soviétique traversée par un pont rouillé, à la sortie de l’ascenseur qu’elle surveille, et qu’il faut payer? Aujourd’hui, c’est une grand-mère endeuillée de 77 ans. Avant, elle était SNIPER DANS L’ARMÉE. Ou sur Ada, femme trans, lesbienne, grande, bruyante, dramatique et russe, kidnappée sur ordre de ses darons et placée dans un horrible camp de conversion sibérien destiné à la «soigner», d’où elle s’est évadée?

Des rencontres marquantes?
Beaucoup! Je retiens ce jeune couple russe, rencontré dans un bus en Tchétchénie qui a tout fait pour que nous nous sentions bien, même en terrain potentiellement hostile. Le soir, à Astrakhan, au bord de la Caspienne, Alina et Vadim nous ont invités dans un restaurant fantastique. Les fiancés ont tout payé et le lendemain, ils nous ont retrouvés à la gare, avec des cadeaux – de la confiture maison et des verres à shots.

En compagnie d'un couple qui nous a pris sous son aile (Alina et Vadim) en Russie et accompagné sur le quai le jour de notre départ. À droite, un confrère backpacker français, Rémi.
Photo: Dimitri Nassisi

Toute la misère du monde

Est-ce que quelque chose vous a choqué, genre vraiment?
Les touristes, en Asie du Sud-Est particulièrement, qui se comportent en colons, qui imposent leurs modes de vie, se comportent comme dans un zoo humain, téléphone-caméra bien en main. Les populations locales sont, elles, de facto ségréguées et exclues de certains restaurants et de leurs centres-villes, devenus trop chers – même plus besoin d’un panneau «interdit aux chiens et aux jaunes»! 

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On s’habitue à tout quand on est du bon côté de l’injustice, on apprend à garder les yeux sur son iPhone hors de prix quand ça toque à la fenêtre du taxi
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Avez-vous été affecté par la misère de certains pays, et avez-vous été gêné d’avoir bien plus?
Affecté, oui. Gêné, peut-être. On s’habitue à tout quand on est du bon côté de l’injustice, on apprend à garder les yeux sur son iPhone hors de prix quand ça toque à la fenêtre du taxi. Mais ma honte est ailleurs – je mets ma casquette «Make Jean Ziegler Great Again». Il suffirait de 320 milliards de dollars pour éradiquer la faim dans le monde (estimation du Programme alimentaire mondial en 2022). Dans le même temps, chaque année, 427 milliards de dollars échappent aux États à cause de l’évasion fiscale des entreprises et des personnes physiques. Chaque année. Vous en voulez encore? Il faudrait 420 milliards de dollars pour mettre fin à l’extrême pauvreté et 1950 milliards pour mettre fin à la pauvreté tout court, à long terme (estimation de l’Institut mondial de recherche sur l’économie du développement en 2024). Les dix plus riches au monde se répartissaient au 1er mars 2025 1880 milliards de dollars, selon Forbes.

Est-on plus ou moins touché par le climat politique quand on est en voyage?
En tout cas, le décalage horaire fait qu’on peut suivre l’élection présidentielle étasunienne en direct.

Hopp schwiitz!

Est-ce qu’être Suisse offre un capital sympathie?
Oui! Particulièrement parmi les chauffeurs de rickshaw indiens, qui y associent des scènes bollywoodiennes et des routes sans nids-de-poule. En revanche, pas du tout parmi les gendarmes turcs, qui ne reconnaissaient jamais notre passeport, ni le mot «Switzerland».

A-t-on vraiment de la chance de vivre en Suisse?
En comparaison avec tous les pays traversés, sans aucun doute. La Suisse a des infrastructures solides et efficaces, un système de santé à la pointe, une assurance maladie obligatoire ténue qui paie pour l’immense majorité des traitements, des écoles publiques de haute qualité, des réserves d’or et de grosses thunes énormes, une démocratie semi-directe unique et stable, … Ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas voir les problèmes – mal-être grandissant au travail, augmentation des inégalités sociales, dumping salarial, l’étranglement de toujours plus de ménages, le racisme ou les loyers totalement surévalués.

Qu’est-ce qui vous manque de la Suisse? Est-ce ce à quoi vous vous attendiez?
Principalement, le ski, du bon fromage, le karaogay du Saxo à Lausanne, ma famille, mes grands-parents, l’accent neuchâtelois, le bœuf piquant de Chez Xu, les matches de hockey aux Mélèzes, la langue à la sauce aux câpres et rire avec mes potes.

Santé mentale

Le voyage, c’est stressant?
Parfois. Laisser derrière soi son emploi fixe, son appartement, sa zone de confort, ses repères et ses proches, peut être déstabilisant. Autres facteurs de stress en route: protéger ses valeurs tout en dormant dans un train de nuit, chercher de nouvelles chambres tous les deux jours, déposer une demande de visa russe, traverser la Tchétchénie en tant que couple gay, apprendre qu’un backpacker allemand est mort dans un bus emporté par un éboulement, perdre (puis retrouver) la carte de crédit commune deux fois, «devoir» poster sur Instagram, le bruit permanent dans les villes indiennes, travailler tout en continuant d’avancer, … Le burn-out de voyage – qui ne nous a pas concernés – est d’ailleurs de plus en plus documenté.

Facteurs de stress en route: déposer une demande de visa russe.
Photo: Dimitri Nassisi

Comment gérer la fatigue en voyage?
S’écouter et, avant de se suicider, s’arrêter aussi longtemps que nécessaire, dormir, glander, faire du sport, la teuf et décompresser. Je connais une voyageuse quasi-permanente, qui ne fait rien les dimanches. Pour nous, les dimanches, c’était souvent passage de frontière: il y a moins de monde.

Etre loin de chez soi

Après combien de temps l’absence d’un chez-soi s’est fait sentir?
Avoir mon appartement, mes meubles, mes fourchettes et mes armoires remplies de mes habits ne me manque toujours pas – tant pis si je porte toujours la même chemise indonésienne. Mais après sept mois de voyage à travers l’Europe, l’Asie et l’Inde, j’ai eu envie de ralentir, de cuisiner, de faire la vaisselle, de me reposer, de reprendre un rythme plus naturel, de redevenir une personne normale qui mate Netflix au pieu avec son angoisse du dimanche soir.

Avez-vous gardé votre routine?
Pas du tout! Pas de place pour la routine entre les trains de nuit, le travail, la planification et les posts pour la fame sur Instagram. Même en essayant de manger sainement au restaurant, j’ai perdu cinq kilos. Il y a eu des semaines entières sans une pompe – horreur, malheur! Au début, quand je m’entraînais dans les chambres d’hôtel, je visais 45 minutes d’effort. À la fin, quand je pouvais, je faisais 10 minutes de musculation au poids du corps et 20 minutes de souplesse des hanches et du dos, qui grinçaient.

Est-ce que des habitudes vous ont manqué?
Dormir dans la nuit noire.

Madame Irma

Tout compte fait, n’est-ce pas finalement Montréal, la place la plus cool du monde?
Comment ne pas aimer une ville où il fait -35° huit mois par année et qui est en travaux le restant du temps pour enrichir la mafia?

Quand reviendras-tu?
Dis, au moins le sais-tu? Il faudra peut-être avoir la vertu des femmes de marins. En 2025, l’objectif est de s’installer en Inde et d’y taffer. Une odyssée de plusieurs mois – si possible sans avion – en Extrême-Orient est aussi au programme, à suivre.

Qui est Amit Juillard?

Journaliste à Blick durant trois ans, Amit Juillard a quitté son poste pour se lancer un nouveau défi: rejoindre l’Inde sans prendre l’avion, puis s’y installer pour — inch’allah — y écrire des histoires. De temps en temps, il vous raconte un bout de ce voyage exceptionnel sur notre site. 

Journaliste à Blick durant trois ans, Amit Juillard a quitté son poste pour se lancer un nouveau défi: rejoindre l’Inde sans prendre l’avion, puis s’y installer pour — inch’allah — y écrire des histoires. De temps en temps, il vous raconte un bout de ce voyage exceptionnel sur notre site. 

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