La Turquie en ébullition
Le maire d'Istanbul, principal rival d'Erdogan, placé en détention

Le maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, a été incarcéré pour corruption dimanche et démis de ses fonctions dans l'après-midi. Des milliers de personnes se sont rassemblées devant l'hôtel de ville pour soutenir le principal opposant au régime d'Erdogan.
Publié: 23.03.2025 à 15:10 heures
|
Dernière mise à jour: 23.03.2025 à 16:20 heures
L'arrestation d'Ekrem Imamoglu a déclenché une vague de contestation (archives).
Photo: Francisco Seco
Post carré.png
AFP Agence France-Presse

Le maire d'opposition d'Istanbul Ekrem Imamoglu, a été incarcéré dimanche à la prison de Marmara, également connue sous le nom de prison de Silivri, en lisière d'Istanbul, a annoncé son parti. «Ekrem Imamoglu, maire de la municipalité métropolitaine d'Istanbul (...) a été suspendu de ses fonctions», a annoncé le ministère de l'Intérieur dans un communiqué. Dans une déclaration transmise par ses avocats, Ekrem Imamoglu a dénoncé «une exécution sans procès». «Le processus judiciaire en cours est loin d'être équitable. C'est une exécution sans procès», a-t-il accusé.

Le principal rival du président Recep Tayyip Erdogan avait été amené samedi soir avec 90 de ses co-accusés au tribunal stambouliote de Caglayan, protégé par un très important dispositif policier, avant d'y être entendu à deux reprises dans la nuit. Le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), principale force d'opposition auquel le maire d'Istanbul appartient, a dénoncé «un coup d'Etat politique».

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Jusque tard samedi, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées devant l'hôtel de ville d'Istanbul pour le quatrième soir consécutif à l'appel de l'opposition afin d'y soutenir M. Imamoglu, qui a dénoncé des accusations «immorales et sans fondement» à son encontre. Des manifestants ont passé la nuit à l'intérieur de la mairie, certains tentant de trouver le sommeil sur des chaises disposées dans le hall du vaste bâtiment en attendant d'être fixés sur le sort du maire, a constaté un photographe de l'AFP.

Restrictions à Istanbul

Pour tenter de prévenir des troubles, le gouvernorat d'Istanbul a prolongé l'interdiction de rassemblements jusqu'à mercredi soir et annoncé des restrictions d'entrée dans la ville aux personnes susceptibles de participer à des rassemblements, sans préciser comment il les mettrait en oeuvre. L'accusation de «soutien à une organisation terroriste» contre M. Imamoglu, figure du CHP, fait redouter à ses soutiens son remplacement par un administrateur nommé par l'Etat à la tête de la plus grande ville du pays.

Depuis mercredi, la vague de protestation déclenchée par son arrestation s'est répandue à travers la Turquie, atteignant une ampleur inédite depuis le grand mouvement de contestation de Gezi, en 2013, parti de la place Taksim d'Istanbul. Des rassemblements ont eu lieu dans au moins 55 des 81 provinces turques, soit plus des deux tiers du pays, selon un décompte effectué samedi par l'AFP. Ces manifestations ont débouché sur des centaines d'arrestations dans au moins neuf villes du pays, selon les autorités.

«Tout comme les gens sont descendus dans les rues pour soutenir Erdogan lors de (la tentative) de coup d'Etat du 15 juillet (2016), nous sommes dans la rue pour soutenir Imamoglu», a déclaré samedi soir à l'AFP Aykut Cenk, 30 ans. «Nous ne sommes pas les ennemis de l'Etat mais ce qui se passe est illégal», a-t-il ajouté en brandissant un drapeau turc devant le tribunal stambouliote de Caglayan où le maire était entendu. Paris et Berlin ainsi que les maires de plusieurs grandes villes européennes avaient également condamné dès mercredi l'arrestation de M. Imamoglu.

En réponse à la contestation, le président Erdogan, qui a lui-même été maire d'Istanbul dans les années 90, a juré de ne pas céder à la «terreur de la rue». Ekrem Imamoglu, 53 ans, est devenu la bête noire d'Erdogan en ravissant en 2019 la capitale économique du pays au Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) du chef de l'Etat, qui gardait la main sur Istanbul avec son camp depuis vingt-cinq ans.

L'édile d'opposition, triomphalement réélu l'an passé, devait assister initialement dimanche à son investiture en tant que candidat de son parti pour la prochaine présidentielle, prévue en 2028. Le CHP a décidé de maintenir l'organisation de cette primaire, qui a démarré à 08H00 locales (05H00 GMT), et a appelé tous les Turcs, même non inscrits au parti, à y prendre part.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la