Ça devait être une simple interview: une famille kazakhe, au bord du gouffre comme le reste de la classe moyenne locale, ouvre son livre de comptes. Mais l’entrevue – réalisée pour les magazines «Saldo» et «Mon Argent» – s’est transformée en viande de cheval servie sur un lit de très larges pâtes fraîches et en lait de chameau à l’emporter.
Il est bientôt 2h du matin à Almaty, capitale économique. Sous les yeux de leur sœur de 15 ans, deux gosses de 9 et 11 ans nous tendent deux billets de 2000 tenges – l’équivalent de 7 francs. Leurs parents nous forcent à accepter: quand l’hôte offre, on accepte pour ne pas déshonorer toute sa descendance sur 234 générations. Estimation non statistique.
Rejoindre l'Inde sans avion, d'autres épisodes
Résultat d’un passé nomade, du tracé de la route de la soie et d’une culture imprégnée des valeurs de l’islam, l’hospitalité centre asiatique est un poème très généreux en vers mais aux rimes imposées. Tout est codifié.
Règles de bienséance compliquées
En arrivant, on est invité à enlever ses chaussures et à laver ses mains. On ne vient d’ailleurs jamais les paumes vides – ici, des chocolats avec une croix suisse trouvés dans un supermarché local. La mère sert un plat traditionnel – ici, le besbarmak – entièrement fait maison.
Au terme du festin, le plus âgé des convives se doit de faire un long discours pour l’encenser. Et vu mes 35 ans… Dès que je crois avoir fini mon speech, je réalise dans leurs yeux que je n’en ai pas fait assez, alors j’en rajoute une couche. Et ainsi de suite.
Les restes du repas seront à embarquer pour nourrir voisinage et famille. Et à chaque fois qu’on pense avoir saisi toutes les subtilités des règles de bienséance, on se fait surprendre.
Battus par des gamins
Passé minuit, 1h30, peut-être. Le lundi matin s’est fait une place en noyant le dimanche soir à coup de verres de vin rouge géorgien semi-doux. «Si vous n’êtes pas pressés, les garçons aimeraient vous proposer un jeu à 1 dollar. Il s’agit de deviner les capitales de différents pays.» Dimitri, mon boyfriend, sera mon coéquipier.
Fin du game. Heureusement, j’ai un vrai dollar dans mon portemonnaie. L’engrenage est lancé, vous connaissez la suite: on reçoit sept fois plus de thune en retour – que nous sommes priés de ne pas dépenser, en souvenir de notre défaite contre deux gamins. Impossible de refuser. Nous insistons – l’interview est terminée, nous savons désormais avec certitude que le ménage dépense plus qu’il ne gagne chaque mois. Impossible de refuser.
Là, panique. Malaise. Je sors un stylo Blick, Dimitri trouve un couteau suisse publicitaire dans son sac. Tenez, des souvenirs. En plus des doggy bags, nous repartons avec des porte-clefs en sus.
Journaliste à Blick durant trois ans, Amit Juillard a quitté son poste pour se lancer un nouveau défi: rejoindre l’Inde sans prendre l’avion, puis s’y installer pour — inch’allah — y écrire des histoires. De temps en temps, il vous racontera un bout de ce voyage exceptionnel sur notre site.
Journaliste à Blick durant trois ans, Amit Juillard a quitté son poste pour se lancer un nouveau défi: rejoindre l’Inde sans prendre l’avion, puis s’y installer pour — inch’allah — y écrire des histoires. De temps en temps, il vous racontera un bout de ce voyage exceptionnel sur notre site.
Un bus public change d'itinéraire pour nous
Le magasin où nous avons loué les flashes pour la séance photo est ouvert 24/7. Nous le quittons avec du chocolat kazakh dans les poches. Les vendeurs avaient aussi envie de faire voyager une belle image de leur patrie.
Lors de ce périple vers l’Inde et la Thaïlande sans prendre l’avion, nous avons été accueillis de manière extraordinaire partout – exception faite des hooligans roumains, de quelques homophobes turcs et de l’agent du FSB (ex-KGB) russe, évidemment. Perdus au Kurdistan, un mec nous a payé le bus. En Géorgie, une barmaid nous a remonté le moral avec de l’eau-de-vie au moment où j’avais perdu notre carte de crédit. En Russie, un couple nous a pris sous son aile, invités au restaurant, accompagnés sur le quai de gare le lendemain.
En Ouzbékistan, un chauffeur de bus (public!) a changé la fin de son itinéraire pour nous amener jusque devant notre auberge de jeunesse. Au Tadjikistan, des bergers nous ont laissé leur place sous leur tente alors que nous n’avions nulle part où dormir.
Carafe d’eau à 3 francs
J’écris ces lignes dans un train à grande vitesse entre Xi’an et Pékin, ce 12 octobre – trois jours que nous sommes dans l’Empire du Milieu. La population chinoise aussi s’est montrée serviable, souvent spontanément, malgré les barrières de la langue.
Nous nous sommes arrêtés dans dix pays depuis le 15 juillet. Tout le monde aime la Suisse. Mais celles et ceux qui l’ont visitée s’accordent souvent: l’accueil est horrible.
La faute aux additions surprenantes ou aux hôtels parfois ignobles? Non. C’est bien la population qui est mise à l’index.
Problème de racisme?
Pourquoi? Le culte de la vie privée et de la tranquillité, la culture du je-ne-me-mêle-pas-de-ce-qui-ne-me-regarde-pas, l’individualisme exacerbé, l’amour de l’argent, le surtourisme par endroits et une connaissance limitée de l’anglais n’expliquent cependant pas tout.
Avez-vous déjà tendu l’oreille lorsque quelqu’un parle des touristes russes, chinois ou indiens? «Malpolis», «désagréables», «sales», «pas civilisés», … N’aurions-nous pas, finalement, quand même, aussi, en plus du reste, un petit problème de racisme?
En janvier, la plateforme de réservation de vacances Holidu publiait un sondage: la Suisse remportait le titre de pays le moins hospitalier d’Europe, relevait la RTS. Seules 40% des personnes interrogées ont été aidées par un ou une habitante.
Les expats considèrent aussi régulièrement la Suisse comme peu welcoming. Notamment pointée du doigt: la difficulté à se faire des potes. Un quart qualifie même la population locale «d‘antipathique».
En janvier, la plateforme de réservation de vacances Holidu publiait un sondage: la Suisse remportait le titre de pays le moins hospitalier d’Europe, relevait la RTS. Seules 40% des personnes interrogées ont été aidées par un ou une habitante.
Les expats considèrent aussi régulièrement la Suisse comme peu welcoming. Notamment pointée du doigt: la difficulté à se faire des potes. Un quart qualifie même la population locale «d‘antipathique».