L’affaire a défrayé la chronique. Nos très aimés CFF (chemins de fers fédéraux suisses pour les éventuels lecteurs non informés) ambitionnent, en plus de veiller à ce que les locomotives soient ponctuelles, de dresser le portrait des hominidés qui déambulent en gare.
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A partir de là, les interprétations divergent: la régie fédérale jure sur ses grands bogies qu’elle n’entend que récolter anonymement des informations statistiques (par où passent les clients dans la gare et où ils se trouvent), optionnellement augmentées d’éléments plus précis (sexe, âge, taille, etc.). Mais tout cela sans jamais être en mesure de tirer des conclusions quant à l’identité des individus, l’objectif de ce traitement de données tenant tant à la sécurité (gérer les flux et les attroupements) qu’à l’optimisation du nettoyage et du placement aux endroits les plus choisis les restaurants et autres stands de vente. Circulez!
Prudence de mise
Du côté des opposants, la lecture diverge quelque peu et l’on s’inquiète en quelque sorte de faire entrer une technologie trop invasive dans l’espace public. Cela sans savoir si les barrières techniques et juridiques offertes, si tant est qu’elles offrent une protection effective, demeureront ou si, pris dans le grand vent du progrès, les CFF se sentiront pousser des ailes et croiseront dans le futur des données qui ouvriraient la voie à un panel d'information. Elle permettraient non seulement de connaître les flux mais également de savoir que le petit Mathieu, 7 ans, en chaise roulante, est entré à 12h13 au restaurant de hamburger avec son père Laurent et qu’ils en sont ressortis 32 minutes plus tard, le père allant ensuite acheter des cigarettes (le vilain) au kiosque, avant de s’en aller prendre un train en voie une.
Acceptation béate de la technologie contre vision ubiquitaire du mal confinant à la technophobie, comme souvent, les extrêmes se marient mal avec la raison.
Certains soutiennent que la technologie est neutre par essence, et qu’elle ne fait que refléter les risques et opportunités de l’air du temps. L’idée est séduisante mais relève d’un certain sophisme. Dès lors qu’une possibilité technique existe et qu’un dispositif concret est déployé (même si on le bride dans un premier temps), l’acceptation d’usages plus étendus s’en trouvera facilitée dans le futur. S’il ne faut pas verser dans la technophobie gratuite, on ne peut complètement s’empêcher de penser que l’on risque de faire entrer un loup (dans un premier temps muselé) dans la bergerie. Prudence, donc, dans l’utilisation de ces technologies hautement sensibles.