Chronique de Nicolas Capt
«Soupçons», ou quand la réalité dépasse (et de loin) la fiction

Me Nicolas Capt, avocat en droit des médias, décortique deux fois par mois un sujet d’actualité ou un post juridique pour Blick. Cette semaine, il nous fait découvrir une mini-série documentaire qui l'a marqué par sa qualité.
Publié: 27.12.2022 à 11:50 heures
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Dernière mise à jour: 27.12.2022 à 13:03 heures
«Soupçons» présente une forme de téléréalité extrêmement intelligente.
Nicolas Capt

Entre deux bouchées de fondue chinoise ou de faux-gras – c’est selon, le temps est souvent, à ce moment ralenti de nos vies, au visionnage de séries. Celle dont je vais vous entretenir ici conjugue les vertus du divertissement le plus haletant et de la prise de conscience de la violence du système judiciaire américain.

«Soupçons», mini-série disponible sur Netflix, est véritablement un objet filmé non identifié. Cet incroyable documentaire narre les turpitudes judiciaires d’un Américain accusé du meurtre de sa femme Kathleen. Michael Peterson jure ses grands dieux qu’elle est décédée en tombant dans les escaliers.

Cette mini-série est notamment originale du fait de l’autorisation obtenue par le réalisateur français Jean-Xavier de Lestrade de filmer ab initio toutes les étapes du processus judiciaire, recueillant, sur près de deux décennies, en sus du théâtre de l’audience, les confidences de la défense et les fanfaronnades de l’accusation. On suit ainsi, de l’appel à l’ambulance aux procédures policières et judiciaires qui s’ensuivent, la machine infernale qui se met en route, les audiences, les espoirs, les pleurs, les secrets et les mensonges, les coups de théâtre.

Une forme de téléréalité intelligente

Une forme de téléréalité extrêmement intelligente, pimentée par la personnalité fantasque et trouble de l’accusé, et qui doit surtout son génie au panachage réussi entre ce qui fait le succès de toute fiction qui se respecte (les rebondissements, le séquençage, la scénarisation, le soin de la prise de vue) et ce qui ressortit aux qualités du documentaire de qualité (la réalité des faits narrés, l’éclairage, l’expérience du vécu). En toile de fond, sinon en personnage principal, le système judiciaire américain dont on perçoit ici les gouffres immenses. Pour ajouter au trouble du spectateur, la question de la culpabilité apparaît finalement quelque peu accessoire, la question du doute raisonnable gouvernant ici le destin judiciaire.

Une mention particulière à l’avocat de la défense, David Rudolf, dont le charisme n’a d’égal que son humour et son sens du réalisme. Un documentaire profond, intriguant et profondément humain sur la justice et la manière dont elle est rendue, une ode magnifique à la défense pénale.

A noter que le documentaire vient d’être adapté, cette fois-ci sous forme d’une fiction sérielle («The Staircase»).

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