Un intéressant dossier a été consacré par France Culture à l’histoire des arnaques mettant en œuvre deux leviers immémoriaux de l’humanité: l’appât du gain et la crédulité qu’il engendre souvent.
Vous pensez immédiatement à toutes ces personnes à l’agonie et qui, par un bienheureux hasard, ont la double élégance d’être fortunée et de penser à vous, alors même que vous ne les connaissez ni d’Adam ni d’Eve. Vous avez raison, et il y a un intérêt sociologique, pour ne pas dire une fascination ethnologique à déconstruire le narratif de ces arnaques dites nigérianes.
L'arnaque n'est pas neuve
Le mécanisme est au fond assez simple: l’on vous promet monts et merveilles, des millions, des piscines de pièces d’or similaires à celle dans laquelle Oncle Picsou faisait ses ablutions mais, avant de toucher le jackpot, vous êtes prié de cracher au bassinet pour un motif en apparence légitime (un notaire, une avance de frais). Evidemment, il s’agit de la version moderne du miroir aux alouettes; il n’y a pas de fortune, pas de belles intentions, juste une escroquerie pour âmes crédules appâtées par le gain promis.
Ce qui est amusant, c’est que l’arnaque n’est pas neuve. Dans les années 1990, avant qu’Internet ne prenne contrôle de nos vies, ces fables se transmettaient par courrier postal ou par télécopie.
Et avant cela, au XIXe siècle, les bagnards passaient le temps en adressant des «lettres de Jérusalem», courriers frauduleux adressé à de riches provinciaux. Détail piquant, selon Eugène-François de Vidocq, ancien taulard devenu, rebondissement notable, chef de la sureté nationale hexagonale durant la Restauration, ces lettres, dont 20% étaient honorées d’une réponse, étaient essentiellement adressées à des nostalgiques de l’Ancien régime, réputés plus crédules.
Les ancêtre des mails de phishing
France Culture propose également un extrait, particulièrement savoureux, de l’une de ces lettres (tirée des «Mémoires de Vidocq», Nouveau Monde Éditions):
«Vous serez sans doute étonné de recevoir cette lettre d’un inconnu qui vient réclamer de vous un service: mais dans la triste position où je me trouve, je suis perdu si les honnêtes gens ne viennent pas à mon secours; c’est vous dire que je m’adresse à vous, dont on m’a dit trop de bien pour que j’hésite un instant à vous confier toute mon affaire. Valet de chambre du marquis de [...], j’émigrais avec lui. Pour ne pas éveiller les soupçons, nous voyagions à pied et je portais le bagage, y compris une cassette contenant seize mille francs en or et les diamants de feue madame la marquise. Nous étions sur le point de rejoindre l’armée de [...] lorsque nous fûmes signalés et poursuivis par un détachement de volontaires. Monsieur le marquis voyant qu’on nous serrait de près, me dit de jeter la casse dans une mare assez profonde…»
N’étaient le lexique délicieusement désuet et le contexte social lui aussi suranné, ne dirait-on pas l’un des mails que l’un des courtois successeurs de ces escrocs de l’ancien temps vous a adressé il y a dix jours?
Ce que l’histoire ne dit pas, en revanche, c’est pour quelle raison, noblesse de cœur ou meilleurs renseignements sur l’actualités des tours pendables, les parisiens semblaient ne pas faire l’objet de telles tentatives d’escroquerie.
«La prisonnière espagnole»
Vous nous croyez remontés à la source de l’attrape avec les lettres de Jérusalem?
Détrompez-vous, l’arnaque est encore bien plus ancienne et romanesque. Elle remonte au XVIème siècle et se nommait alors «la prisonnière espagnole». Il n’était alors pas question d’un valet de pied ou d’un riche héritier souhaitant vous remettre ses deniers mais d’une princesse imaginaire retenue par des turcs. Et d’une rançon qui permettrait sa libération. Et il arrivait même que la main de la belle captive soit même promise à son sauveur.
Une fois n’est pas coutume la Bible a vocation a être citée dans cette colonne: «Ce qui a été, c'est ce qui sera, et ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera, et il n'y a rien de nouveau sous le soleil» (Ecclésiaste 1:9).