La mondialisation, c’est bien connu, a des effets pernicieux en temps de guerre (sur le gaz et les céréales, par exemple) ou d’épidémie (on pense ici aux masques ou encore aux médicaments).
Mais elle a aussi des conséquences inattendues sur ce que l’on peut légitimement considérer comme de véritables symboles de la (modeste) culture gastronomique suisse, ici le Toblerone et le gruyère. Bien sûr, les situations ne sont pas identiques pour ces deux monuments symboliques.
Adieu le Cervin
Dans le cas du Toblerone, la décision de la maison mère américaine Mondelez de désormais produire cette spécialité chocolatière également en Slovaquie, – et non plus uniquement à Berne – oblige la marque créée en 1908 par Theodor Tobler à se départir de la représentation du Cervin sur ses emballages. Le fameux mont sera remplacé par une forme triangulaire générique.
La réglementation dite Swissness, en vigueur depuis début 2017, voit la législation applicable en matière de marque prendre en compte des exigences liées à la provenance des produits.
En clair et en gros, pas question de faire croire au gentil consommateur que les produits viennent d’ici alors qu’ils sont produits ailleurs. Dans le cas du Toblerone, il ne sera plus possible de laisser entendre une production suisse, du moins pour les lots produits dans les faubourgs de Bratislava ou de Kosice.
On imagine volontiers qu’à la maison mère, qui gère par ailleurs les intérêts de quantité de marques majeures comme Lu ou Belin, la décision a été davantage empreinte de considérations financières (les esprits les plus mal tournés envisagent même des coûts de production plus bas en Slovaquie) que de romantisme du terroir.
Cela étant, cette révolution dans le chocolat triangulaire laisse certains experts pantois sur le plan commercial.
Un soi-disant gruyère made in U.S.A
Changement de décor avec l’affaire du gruyère, qui voit l’interprofession suisse et française du même nom se faire infliger un sévère camouflet lacté par une Cour d’appel américaine.
Chez l’Oncle Sam, le terme gruyère fait référence à un nom commun et ne saurait être réservé aux seuls fromages de ce genre originaires de Suisse et de France. En d’autres mots, on pourra y vendre du gruyère produit dans le Wisconsin, par exemple.
A l’appui de ce jugement, la Cour d’appel. Celle-ci ne fait que confirmer la décision de première instance qui était déjà défavorable aux fromagers suisses et français.
Les juges retiennent en effet que «du fromage, peu importe où il a été produit, est étiqueté et vendu comme du gruyère aux États-Unis depuis des décennies. Et ce, qu'il ait été produit dans l'État américain du Wisconsin ou importé depuis les Pays-Bas, l'Allemagne ou l'Autriche.»
On notera avec intérêt que les autorités américaines n’incluent aucun critère de provenance pour le gruyère, se limitant à exiger un vieillissement d’au moins 3 mois et «de petits trous». C’est dire le niveau d’exigence.
Le poids de la mondialisation
Quoiqu'il en soit, ces deux affaires, juridiques dans leur résolution, semblent avant tout sonner le tocsin des spécialités locales, exportées ensuite aux quatre coins du monde.
La mondialisation uniformise, c’était connu. La voilà qui sape les fondements mêmes d’un certain régionalisme culinaire. Vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous avait pas prévenus.