L’ingéniosité bricoleuse des cancres dans «Les Sous-Doués» (Claude Zidi, 1980) et les oreillettes et autres dispositifs de soutien technique à la farce qui faisaient les beaux jours des caméras cachées vont sans doute voir leurs jours comptés. Adieu, dispositifs d’un autre temps! A tout le moins est-ce la promesse faite par des étudiants chercheurs de l’Université de Stanford qui ont monté une sorte de monocle connecté sur une monture de lunettes ordinaire avec comme intention de relier l’appareil à ChatGPT (que l’on ne fait plus l’affront de vous présenter) et à Whisper (un autre service de OpenAI, quant à lui dévolu à la reconnaissance vocale).
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Les promesses de l’appareil sont multiples: soutenir le candidat fébrile durant un entretien d’embauche, rassurer le soupirant lors d’un premier rendez-vous ou encore venir au secours de toute personne prise au piège par des questions dont elle ne sait se départir. Concrètement, l’objet tient de la réalité augmentée (le texte qu’il convient de prononcer apparait sur un petit écran monté sur la lunette) et se trouve nourri par une analyse conversationnelle menée par l’agent générateur de texte ChatGPT en coordination avec Whisper.
De prototype à objet incontournable?
Certes, à ce stade, l’objet tient davantage du bricolage du dimanche (les «Sous-doués» esquisseraient sans doute un sourire) mais il y a fort à parier qu’en cas de développement commercial de ce qui apparaît pour l’heure comme un prototype prêtant presque à sourire (notamment dans l’intitulé du service offert: «Charisma as a service» ; «le charisme comme un service»), l’appareil verra son ergonomie rapidement travaillée.
Quoiqu’il en soit, et au-delà de ce développement aussi anecdotique dans la forme qu’impressionnant sur le fond, force est de constater que tous les grands acteurs du secteur de la technologie, y compris Meta (anciennement Facebook), croient dur comme fer au potentiel des lunettes connectées. Ainsi, Yann Le Cun, directeur du laboratoire d’intelligence artificielle du célèbre réseau social, déclarait-il récemment que, parmi les grosses innovations à venir, il pariait sur les lunettes de réalité augmentée qui pourront superposer des images virtuelles sur le monde réel et, par exemple, retranscrire en direct dans notre langue une conversation tenue dans une langue étrangère inconnue du porteur des lunettes.
Les plus âgés des lecteurs de Blick se souviendront, avec l’air entendu de ceux à qui on ne la fait pas, de l’échec retentissant des Google Glasses, présentées triomphalement au public en 2012 et qui avaient ensuite rapidement trouvé la paix éternelle au cimetière des pétards technologiques mouillés. Reste que, dans la dernière décennie, les progrès de l’IA ont été rien moins que fulgurants et que, cette fois-ci, ce pourrait bien être l’heure de gloire des lunettes connectées.