Thomas W.* a perdu 25’000 francs à cause d’un mauvais clic. Le rêve de ce quadragénaire qui voulait rapidement gagner de l’argent grâce aux cryptomonnaies a viré au cauchemar. En moins d’un mois, les fonds de l’homme originaire de Suisse orientale, victime d’escrocs financiers, avaient disparu.
«Je me suis fait avoir par un faux article de Blick qui faisait la promotion de l’émission 'Höhle der Löwen'», raconte Thomas. Il n’a pas pensé une seconde qu’il s’agissait d’une escroquerie, puisqu’il considère ce programme TV comme sûr. Ce dernier permet à de jeunes entrepreneurs de présenter leurs projets face à de puissants investisseurs.
«C’était naïf et stupide. Mais toute l’arnaque est parfaitement construite», concède Thomas.
Qu’il s’agisse de célébrités comme Roger Federer ou d’émissions de télévision comme «Höhle der Löwen», les escrocs utilisent régulièrement des noms connus pour arnaquer les internautes suisses en leur faisant miroiter de possibles gains rapides grâce à l'investissement dans les bitcoins.
Une machine bien rodée
Les cas d’escroquerie se ressemblent presque toujours. Via de fausses pages parfaitement imitées, les futures victimes atterrissent sur une plateforme de trading frauduleuse. Dans le cas de Thomas, cette plateforme s’appelait TD-Trade. On y suggère aux victimes qu’elles ont affaire à des prestataires de services financiers sérieux.
Seulement voilà: «Les escrocs génèrent des sites web qui ont l’air authentiques», explique la police cantonale zurichoise. Et Thomas en sait quelque chose.
Peu après son inscription, il reçoit un e-mail d’un «conseiller financier premium/courtier senior» de TD-Trade. Ce dernier lui écrit: «Je m’appelle Dominik Poirier. Nous allons commencer à travailler ensemble dès demain.»
S’ensuivent des échanges quasi quotidiens, par écrit et par téléphone, entre l’entrepreneur ambitieux et le conseiller financier mal intentionné. «Poirier parlait un bon allemand avec un accent français», se souvient Thomas.
Au fil des échanges, le «conseiller financier» de Thomas lui parle d’une campagne Bitcoin qui permettrait d’obtenir de gros rendements en seulement deux semaines. Le quadragénaire investit donc près de 10’000 francs dans cette opération. C’est là que la véritable escroquerie commence.
17'000 francs versés pour en récupérer 65'000
Les arnaqueurs demandent à Thomas de verser l’argent sur un compte auprès d’une bourse de cryptographie. Plus tard, ils lui communiquent une adresse de portefeuille concrète de la plateforme TD-Trade à laquelle il doit envoyer l’argent. L'homme agit sans sourciller.
C’est que la plateforme a l’air sérieuse. Sur TD-Trade, Thomas peut voir son argent se multiplier pratiquement en temps réel. Il réalise des gains supposés de plus de 1000 francs par jour. Lorsque l’argent qu’il a placé atteint les 65’000 francs, il annonce vouloir le récupérer. Et c’est là que les problèmes commencent.
Lorsqu’il s’agit d’effectuer le paiement, TD-Trade lui dit d’abord qu’il doit effectuer un «paiement de déclaration» de 14% de la somme en bitcoin sur son prétendu portefeuille crypto pour que l’argent puisse lui être versé. Thomas verse près de 9000 francs en plus de ses 10’000 initialement investis.
Plus tard, on lui annonce qu’il doit avoir un nombre minimum de bitcoins dans son prétendu portefeuille pour que la somme totale puisse enfin lui être versée. L’homme verse donc à nouveau près de 7000 francs.
Fonds bloqués pour suspicion de terrorisme
Immédiatement après, il reçoit un appel d’une fausse société de services financiers du nom de Blockchain, qui l’informe que son argent est bloqué par l’autorité de surveillance financière britannique FCA. La raison: la loi sur le blanchiment d’argent et une enquête sur un éventuel financement du terrorisme. «Pour libérer mon argent bloqué, j’aurais dû transférer une nouvelle fois la somme totale versée, soit 25’000 francs en tout, en tant que 'transaction fantôme'», ajoute Thomas.
Il raconte: «C’est à partir de là que la gentillesse des escrocs a cessé. Ils ont commencé à exercer une pression psychologique pour que je fasse rapidement le paiement, sinon je perdrais tout mon argent.»
C’est alors que Thomas comprend enfin l’impensable: il a été escroqué. Pris de désespoir, il écrit à Dominik Poirier via WhatsApp: «Je suis financièrement au fond du trou, psychiquement à bout et j’ai du mal à tenir sur mes jambes.» La réponse de l’escroc sera laconique: il doit tout simplement prendre un crédit.
Par chance pour lui, Thomas W. y renonce. Rétrospectivement, il reconnaît que «faire autant d’argent à court terme, c’est utopique». Il a depuis porté plainte.
*Le nom a été modifié