Gerhard Wössner est désespéré. Un divorce coûteux a englouti sa petite fortune avant de le précipiter dans le piège des dettes. En raison de problèmes de santé, il sait qu'il n'a plus aucune chance sur le marché du travail pour espérer gagner sa vie. «Je suis encore trop jeune pour prendre ma retraite. Je peux encore faire la différence, affirme-t-il toutefois avec conviction. Rester assis ici toute la journée n'est pas une option.»
Lors d'une recherche sur Internet, il voit son dernier espoir apparaître: un crédit pour se mettre à son compte. C'est là que le désastre commence. L'homme de 61 ans tombe dans une arnaque.
Une arrivée en Suisse et des problèmes en cascade
Gerhard Wössner arrive en Suisse depuis l'Allemagne en 2014. En quelques jours, il trouve un emploi chez un ancien client dans l'Oberland bernois. Auparavant, il a brillamment travaillé comme programmeur de machines pour une entreprise allemande. Avec un apprentissage d'ébéniste, il dispose d'une solide formation de base.
Mais les problèmes commencent avec son déménagement en Suisse. Sa femme ne veut pas aller avec lui à Heimberg (BE), où il vit en location dans une vieille ferme. Il envoie alors de plus en plus d'argent en Allemagne et s'endette avec de petits crédits. «Finalement, le préposé aux poursuites est venu devant ma porte parce que je ne pouvais plus payer mes factures», raconte-t-il.
Gerhard Wössner parvient quelque peu à assainir sa situation financière, mais doit pour cela puiser dans sa caisse de pension. Ensuite, il perd son emploi en 2021, car l'entreprise supprime des postes pendant la pandémie. Il parvient certes à faire un dernier retour sur le marché du travail, mais celui-ci prend fin peu de temps après pour des raisons de santé.
Désir d'indépendance
L'Allemand a en effet été un gros fumeur et souffre d'une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO). Il souffre en outre du syndrome des jambes sans repos, c'est-à-dire qu'il a les jambes agitées en permanence et qu'il ne dort souvent pas plus d'une heure d'affilée. Pour lui, l'affaire est entendue depuis longtemps: «Je ne peux plus avoir de travail régulier dans une entreprise.» Il espère donc pouvoir se mettre à son compte.
«Je veux subvenir à mes besoins comme sculpteur d'art et restaurateur de meubles ainsi qu'avec une scie mobile», assure-t-il. Dans son salon, qui a le charme d'une garçonnière très mal rangée, Gerhard Wössner montre sur son ordinateur les machines dont il a besoin mener son projet et explique ses besoins financiers: «Une scie à ruban mobile coûte environ 50'000 francs d'occasion, les machines à tourner environ 10'000 francs. Il m'en faut trois.» Le budget grimpe rapidement à plus de 100'000 francs, car il faut aussi une grosse voiture pour tracter la scie à ruban.
Un banquier central en avance
Seulement voilà, avec toutes ses poursuites en cours, l'homme n'est plus solvable. Même sur Internet, il ne trouve d'abord aucun bailleur de fonds. Jusqu'à ce qu'il tape la requête fatale: «Crédit en ligne en cas de renseignements négatifs sur les poursuites.»
Soudain, un prêteur potentiel se manifeste et promet de lui fournir l'argent sous le nom de Carstens Financial Group. Pour donner un air sérieux à leur démarche, les usurpateurs se parent de l'identité d'un ancien banquier central mexicain du nom d'Agustín Carstens, qui dirige aujourd'hui la Banque des règlements internationaux à Bâle. Ils envoient des photos et des images de cartes d'identité à l'effigie de celui-ci. Il s'agit d'un stratagème facile à mener et fréquemment utilisé.
Tous les signaux d'alarme occultés
L'Allemand croit sa chance arrivée et décide de la saisir, d'autant plus que les escrocs ont augmenté le crédit à 200'000 francs sans même qu'il l'ait demandé. «Cela aurait déjà dû me faire douter, explique Gerhard Wössner aujourd'hui. Mais c'était du pur désespoir, j'ai mis de côté tous mes doutes.» Son business plan est en plus très ambitieux: «Je voulais rembourser le crédit en 60 mensualités de 3505,50 francs, puis vendre ma scie au bout de cinq ans pour prendre ma retraite.»
Un autre signal aurait dû l'alarmer: un crédit aussi élevé sans aucune garantie, rémunéré à 2%, cela n'existe probablement nulle part.
Mais Gerhard Wössner, aveugle, se lance dans un échange d'e-mails. Ces derniers regorgent d'erreurs, de tampons grossièrement falsifiés, et les bailleurs de fonds douteux deviennent de plus en plus audacieux. Ils demandent soudainement de l'argent pour des frais de notaire, des impôts ou d'autres formalités bancaires.
Or payer une somme avant de recevoir un crédit, cela n'existe pas. Les signaux de l'arnaque se multiplient. Mais Gerhard Wössner les ignore et verse plus de 4700 francs aux faux banquiers entre janvier et août 2022.
Une prise de conscience tardive et un dernier espoir
«Avec le recul, beaucoup de choses sont claires pour moi maintenant, mais j'ai espéré jusqu'au bout que cela pourrait quand même marcher, soupire le Bernois d'adoption. J'étais incroyablement naïf.» Lorsqu'il refuse de continuer à payer, l'échange de mails ne s'interrompt pas - au contraire. Plusieurs fois par jour, il reçoit des courriels ou des messages WhatsApp. Le schéma est toujours le même: tantôt on le menace de faire capoter le deal, tantôt on lui jure que tout se passe dans les règles. «Je te jure sur ma vie que l'argent sera disponible lundi», lui répète-t-on sans cesse.
Finalement, Gerhard Wössner se retire, même si l'angoisse d'un retour des escrocs le hante encore aujourd'hui. C'est pour cela qu'il s'adresse à Blick pour raconter son histoire. «Je l'assume, j'ai été stupide. Il faut d'autres personnes soient averties de ce genre de pratiques», explique-t-il pour justifier sa décision de rendre publiques ses mésaventures.
Il espère encore trouver un investisseur pour son business. Si cela devait vraiment marcher, Gerhard Wössner aimerait bien devenir Suisse.