La présentatrice Flavia Wasserfallen a demandé au socialiste Daniel Jositsch quels adjectifs ses amis utiliseraient pour le décrire. «Ai-je vraiment des amis?», a répondu le conseiller aux Etats zurichois avec autodérision, provoquant le premier rire de la soirée. L'ambiance était généralement bon enfant à Bienne pour la deuxième étape du roadshow du PS qui se termine mardi à Schaffhouse. Il avait commencé à Genève lundi dernier.
Les punchlines de Roger Nordmann étaient davantage efficaces. A cette question, le Romand a simplement répondu: «emmerdeur». Lorsque Flavia Wasserfallen a fait remarquer qu'il s'agissait d'un nom, le Vaudois s'est corrigé: «nerveux» (nervensägerisch, en allemand).
«Vos chances sont faibles»
Le socialiste Erich Fehr, maire de la ville de Bienne, souhaitait vivre une soirée animée par des débats passionnants. Il y avait du potentiel: la salle était bien remplie. Toutefois, sa tentative de réveiller les esprits combatifs des candidats est restée lettre morte: c'était une soirée entre amis, sans heurts ni éclats... dans un premier temps. Ce n'est qu'à la fin que les choses se sont gâtées.
C'est alors que s'est produit ce qu'il fallait éviter. Pour empêcher les attaques personnelles lors des questions du public, Flavia Wasserfallen a misé sur le principe du hasard. Elle a laissé les visiteurs poser des questions anodines et a ensuite tiré au sort le nom du candidat ou de la candidate qui devait y répondre: Qu'est-ce que vous faites de l'armée, de la neutralité, du climat, de la pandémie?
Cela a bien fonctionné jusqu'à ce qu'il ne reste plus que le nom de Daniel Jositsch. Une femme s'est alors empressée d'enfoncer le clou: «Vos chances d'être désigné par le groupe parlementaire pour le Conseil fédéral sont faibles. A quel moment annoncerez-vous que vous ne vous présenterez pas à l'élection?»
Il traine des casseroles
Et Daniel Jositsch le sait. Il n'arrive pas à se débarrasser de cette histoire qui le suit depuis plus d'un an. On lui en veut encore de s'être lancé dans la course en décembre dernier, lorsque l'Assemblée fédérale unifiée a réglé la succession de Simonetta Sommaruga. Le groupe parlementaire avait explicitement prévu qu'une seule femme pour ce poste, ce soir-là aussi, à Bienne.
«Nous verrons quelles sont mes chances», a déclaré Daniel Jositsch stoïquement au micro. Il acceptera bien sûr, comme à l'époque, la décision du groupe parlementaire. Heureusement, l'apéro a suivi.
«A un moment donné, ça suffit»
Priska Seiler Graf n'a suivi les événements que de loin. La conseillère nationale zurichoise soutient Daniel Jositsch. Et elle s'agace: «Le PS donne une deuxième chance à tout le monde, sauf à son propre candidat, qui ne semble pas l'avoir.»
Daniel Jositsch, qui fait un «super travail» depuis 16 ans, s'est excusé à plusieurs reprises sur tous les canaux, affirme la Zurichoise. Il se serait expliqué et aurait assuré qu'il ne commettrait pas la même erreur une nouvelle fois. «A un moment donné, ça suffit.» Elle ne se fait pas d'illusions: «Pour Jositsch, il sera très difficile d'obtenir une place sur le ticket du Conseil fédéral.» Il y a deux ou trois ans, la situation était différente: «Jositsch était alors incontesté.»
Il l'est toujours dans une grande partie du PS. Priska Seiler Graf, coprésidente du parti zurichois, rapporte de nombreux appels téléphoniques ces jours-ci, au cours desquels des membres du parti se montrent irrités par ce qui se passe au sein du groupe parlementaire du PS aux Chambres fédérales.
Lors de sa candidature à la succession d'Alain Berset, Daniel Jositsch s'est laissé attaquer sans broncher pendant plus d'une heure par les questions des Jeunes socialistes. Cela lui a valu beaucoup de respect de la part des délégués, qui lui ont accordé leur confiance à une large majorité. Fin octobre, il a été brillamment réélu comme conseiller aux Etats lors des élections à Zurich.
Que Daniel Jositsch parvienne à se hisser sur le ticket ne dépend toutefois pas des auditions publiques. Priska Seiler Graf est convaincue que le roadshow n'a guère d'influence sur ce point. La base du parti a cependant apprécié le contact direct avec les candidats.
Deuxième tour pour les Etats
La tournée a de toute façon été planifiée pour des raisons tactiques. Les arrêts dans les cantons de Genève ou de Berne sont liés aux deuxièmes tours de l'élection au Conseil des Etats. A Genève, Carlo Sommaruga se bat pour son siège. A Berne aussi, on s'attendait à une course serrée. Comme Flavia Wasserfallen a réussi à se faire élire dès le premier tour, elle a pu se concentrer entièrement sur son rôle d'animatrice à Bienne.
Au lendemain du mini-événement de Bienne, Daniel Jositsch s'est montré conciliant avec Blick. Selon lui, les médias ont une certaine responsabilité dans le blocage que font les citoyens sur sa course en solo l'année dernière: «Ce qui est écrit dans les journaux reste dans la tête des gens.» En tant que candidat au Conseil fédéral, cela ne le perturbe pas: «Celui qui s'expose doit aussi pouvoir supporter.»
Les cinq excellentes candidatures auxquelles il s'oppose sont son principal «problème». «Il y a des raisons bien plus raisonnables de ne pas me mettre sur le ticket que cette histoire d'avant», avoue le socialiste.
Daniel Jositsch ne pense pas encore à abandonner, loin de là. Cela tient de son caractère. D'ailleurs, il n'hésite pas à revenir sur la première question que la présentatrice Flavia Wasserfallen lui a posée à Bienne. Ses amis le décriraient comme «loyal, sociable et parfois un peu têtu».