Avis au Conseil fédéral: le F-35 Américain ne sera peut-être bientôt plus l’avion de chasse le plus performant du monde. Bientôt? Bon, d’accord, il faudra encore attendre 20 ou 30 ans. Mais d’ici à 2040-2050, c’est promis, un jet européen s’imposera dans les airs.
Ses parents? Les deux géants aéronautiques du continent, Airbus (constructeur de l’Eurofighter) et Dassault (constructeur du Rafale). Son nom? SCAF, soit l’acronyme anglais de Système d’avion de combat du futur. Le calendrier? L’Allemagne et la France ont promis le 18 novembre de le mettre en chantier. S’il décolle un jour, ce SCAF sera donc le partenaire aérien incontournable des F-35 «Made in USA» de Lockheed Martin dont l’armée de l’air suisse devrait recevoir les premiers exemplaires entre 2027 et 2030.
S’assurer du contrôle du ciel
Parler du SCAF au moment où les missiles russes s’abattent au quotidien sur l’Ukraine n’a rien d’une coïncidence. L’un des éléments les plus frappants de la guerre déclenchée par la Russie le 24 février est, jusque-là, l’incapacité de Moscou à s’assurer du contrôle du ciel, privant ses troupes de l’appui aérien indispensable pour sécuriser les territoires conquis.
Moralité? Sans avion de combat performant, capable d’éluder les missiles anti-aériens et de frapper les cibles au sol de très loin, gagner une guerre moderne est une illusion.
Tenir tête aux avions américains et chinois
Or ce que le SCAF prévoit, c’est justement cela: un dispositif technologique futuriste, dans son cockpit et sous son fuselage, pour permettre aux pilotes européens de rivaliser avec les futurs «Top Gun» américains ou chinois? Un avion de nouvelle génération équipé d’un ensemble d’armements et d’un essaim de drones. Un dispositif connecté, véritable cyber-armada embarquée grâce aux performances d’un «cloud tactique de combat» pour traiter les données en provenance du champ de bataille…
Le F-35, ce chasseur américain multi-missions, est souvent qualifié «d’ordinateur volant» par ses promoteurs. Le SCAF, selon ses partisans, sera un niveau dessus: un supercalculateur à réacteur.
Avion de sixième génération (le F-35 appartient à la cinquième, comme le Rafale Français, le Sukhoi-57 Russe ou le Chengdu J-20 chinois), cet avion du futur sera en plus furtif, c’est-à-dire indétectable par les radars et les satellites. Un cockpit spécial permettra d’éluder les ondes et il s’agira d’un appareil hybride, capable d’être télécommandé ou contrôlé par l’intelligence.
Montez dans le cockpit du futur avion de chasse européen
Aventure spatiale et guerre aérienne
Alors, prêts pour décoller? Un premier pas significatif vient en tout cas d’être franchi, pile au moment où l’Agence spatiale européenne (ESA) – dont fait partie la Suisse – a tenu à Paris sa conférence ministérielle.
Point d’orgue de la future aventure spatiale de l’ESA, qui compte bien participer à un vol habité sur la Lune d’ici à 2030: la liste des cinq astronautes européens «titulaires» qui se disputeront les places dans les futures stations orbitales, destinées à servir d’étape vers la conquête de Mars. Un astronaute helvétique fait partie de l’équipe: le Bernois Marco Sieber.
Mais pendant ce temps, une autre guerre entre puissances a lieu dans les airs, à 18’000 mètres, l’altitude moyenne de vol du F-35 américain: celle des avions de chasse du futur parmi lesquels le SCAF espère, demain et après-demain, jouer les premiers rôles. Avec, à la clé, une coûteuse facture que devront assumer les trois pays engagés pour l’heure dans sa construction: la France, l’Allemagne et aussi l’Espagne.
Montant envisagé d’investissement? Entre 60 et 80 milliards d’euros. Pour un coût unitaire final, par appareil, six à huit fois supérieur à celui de l’actuel Rafale Français, vendu aux environs de 60 millions d’euros l’unité par son constructeur Dassault.
Défense européenne vs. OTAN
Ce qui s’est passé le 18 novembre est en effet significatif. Sur fond de débat autour de la nécessité d’une défense européenne indépendante de l’OTAN (donc des États-Unis), la nouvelle d’un accord sur l’avion du futur européen est venue de Berlin. Le ministère allemand de la Défense y a annoncé à son Parlement la «conclusion des négociations industrielles et un accord politique au plus haut niveau du gouvernement».
Logique sur le papier: le gouvernement allemand a, dès le début de la guerre en Ukraine fin février, annoncé le déblocage de 100 milliards d’euros pour la modernisation accélérée de ses forces armées. En mars, Berlin a ensuite, comme la Suisse, passé commande de 35 chasseurs F-35 américains au grand dam de Paris. Il fallait donc ménager l’allié français. Prière aux industriels Airbus et Dassault de trouver maintenant un terrain d’entente pour, au plus vite, lancer la construction des prototypes, du moteur et des drones d’accompagnement. Coût: près de quatre milliards d’euros.
L’armée de l’air suisse – qui va dépenser à elle seule près de sept milliards de francs pour 36 F-35 - peut prévenir ses pilotes: le cockpit futuriste du SCAF n’est pas encore prêt à les accueillir pour des loopings au-dessus des Alpes.