A Bali, puis à Bangkok, tous l'ont applaudi
Et si Emmanuel Macron était un meilleur président loin de l'Hexagone?

Des selfies à gogo. Des discours plutôt bons. Une voix européenne écoutée. En Asie cette semaine, entre Bali et Bangkok, Emmanuel Macron a fait carton plein. Pas facile, après ça, de revenir à l'Elysée.
Publié: 21.11.2022 à 10:04 heures
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Dernière mise à jour: 21.11.2022 à 10:50 heures
A Bangkok, le président Français a choisi vendredi 18 novembre de s'arréter sans prévenir dans le quartier chinois pour y boire une bière. Pas sûr qu'il pourrait le faire en France...
Photo: Werly Richard (wri)
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Richard WerlyJournaliste Blick

Emmanuel Macron devrait croire à la réincarnation. Car pour les moines bouddhistes qui l’ont reçu vendredi 18 novembre à Bangkok dans le temple du Wat Pho, ce président-là a sans doute une très riche existence antérieure. C’est en tout cas ce que certains religieux ont laissé entendre à la presse thaïlandaise, remplie des photos plus ou moins volées de ce chef de l’État de 44 ans, visiblement ravi de ses escapades dans cette capitale surnommée «La cité des Anges». Selfies à gogo, épidémie de messages de félicitations et de remerciements sur les réseaux sociaux, remise d'une décoration à un défenseur des éléphants… Comme à Bali, en Indonésie, où il se trouvait juste avant pour le sommet du G20, le locataire de l’Elysée a fait carton plein. L’Asie orientale, que les colonisateurs français désignaient jadis comme le sanctuaire du «péril jaune», s'est révélée bien plus hospitalière que les… «gilets jaunes» hexagonaux.

Un «sans-faute» présidentiel

Plus sérieusement, ce sans-faute présidentiel en Asie Pacifique doit faire réfléchir. Voilà ce jeune chef de l’État français, si féru d’Europe, fêté dans une partie du monde qu’il ne connaît guère, lui qui fit son service civil de coopération au Nigeria. La raison de cet engouement? Son style. Son charme. Sa capacité à vanter le label «Made in France» qui, vu d’Asie, reste interprété comme un gage de qualité. A chaque fois, à Bali comme à Bangkok – où il était le premier dirigeant européen invité au Forum Economique Asie Pacifique centré autour des États-Unis et de la Chine – Emmanuel Macron a prononcé, en anglais, de bons discours sur la place de la France dans le monde, sur sa volonté d'incarner une «troisième voie» entre grandes puissances impériales, et sur les défis que les pays occidentaux doivent selon lui accepter d’affronter.

Il a aussi, en Thaïlande, tenu à rencontrer des patrons, des activistes du climat, des moines, et même un Français champion de «Muaythai», la boxe locale, véritable phénomène de société au sein de la jeunesse européenne. Détendu, trop content de se faire photographier sous tous les angles, ajustant son sourire et son fameux clin d’œil, Macron le séducteur a joué sans accrocs sa partition diplomatique. Bien plus traqué par les objectifs que Joe Biden l’octogénaire. Bien plus courtisé par les médias que Rishi Sunak, le Premier ministre britannique d’origine indienne. Bien plus au contact de la foule que Xi Jinping, le maître redouté de Pékin.

Un acteur de premier plan

Je l’avais déjà écrit dans le passé. Mais cela mérite d'être redit: dès qu’il sort de France, où ses promesses de plein-emploi et son insistance sur la responsabilité individuelle fracturent le pays en deux, Emmanuel Macron est un autre président. Il sait parler d’Europe et défendre avec talent l'idée qu'elle peut encore être un acteur de premier plan, y compris dans la lointaine Asie. Il ne rechigne pas à parler de contrats, d’innovation et de ce savoir-faire français que les Asiatiques admirent aujourd’hui bien plus que les Français eux-mêmes. Il sait tomber la cravate quand il le faut. S'il vient en Suisse en 2023, comme il s'y est dit prêt devant Ignazio Cassis à Paris, ce président «trop cool» jouera sans doute aussi un peu cette partition.

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On pense à Kennedy, ce président américain dont l’élégance fait encore oublier aujourd'hui sa très lourde responsabilité dans la guerre du Vietnam. On pense à Obama, ce président multiculturel qui passa une partie de son enfance à Jakarta, en Indonésie, aux côtés de sa mère anthropologue. On pense aussi au contraste avec ses prédécesseurs.

En 1993, François Mitterrand, tout en gravité, s’était rendu sur le site historique de la défaite de Dien Bien Phu, près de la frontière entre le Vietnam et le Laos. En 2004, Jacques Chirac avait une fois de plus fait l’éloge du «Sumo», ce sport roi au Japon qu'il adorait et que Nicolas Sarkozy détestait. Pas de souvenirs avec Emmanuel Macron, qui se déplaçait cette fois sans son épouse. Un peu de religion. Quelques pas dans un quartier. Une visite à un restaurateur d’art à Bangkok. Place à la proximité plutôt qu’à l’éloge des racines.

Un président déraciné

Emmanuel Macron plaît en Asie parce qu’il y est, justement, perçu comme un talentueux déraciné. Il n’est pas l’héritier de la France coloniale. Il est le produit de la France mondialisée, anglophone, portée par ses marques de luxe. Le reste, à savoir la capacité française à être cette «puissance de l’Indo-pacifique» annoncée dans les discours, est une légende à laquelle les Asiatiques ne croient guère, mais ne prêtent guère d’importance. Beaucoup aimeraient, simplement, avoir des dirigeants «présentables» et porteurs d’idées comme Khun Macron (en Thaïlandais) ou Pak Macron (en Indonésien).

Problème: tout ce qui se passe loin, très loin, n’est qu’un mirage politique pour le patron de la République. De retour à Paris depuis dimanche, après avoir fait escale au sommet de la francophonie à Djerba (Tunisie), le locataire de l’Elysée va se rendre direct au congrès annuel des maires de France. Avec ces élus locaux, il y a toujours eu de la friture sur la ligne. Il n’a donc plus qu’à regarder les photos de son voyage en Asie du sud-est. Pour se souvenir qu’ailleurs, loin de l’hexagone…

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