Des femmes face à la guerre. Des femmes au chevet des victimes. Des femmes qui souffrent, terrées avec leurs enfants et leurs familles dans des abris pour se protéger des bombes.
Mais aussi des femmes debout, manifestantes pour la liberté et contre l’obscurantisme en Iran. Et des femmes diplomates, convaincues que leur regard sur le monde peut, aujourd'hui, davantage faire la différence sur cette planète toujours dominée par les hommes et leurs folies.
Une combattante de la paix
Donia Kaouach est une combattante de la paix. Au Forum de Paris qui s’est achevé samedi 12 novembre, en présence du président de la Confédération Ignazio Cassis, cette trentenaire tunisienne a plaidé pour ce que beaucoup de ministères des Affaires étrangères refusent encore de considérer comme une évidence: l’avenir d’une diplomatie «féministe».
Et pas seulement pour promouvoir des femmes dans la carrière diplomatique. «La diplomatie féministe signifie de mettre l’égalité des droits entre les hommes et les femmes au cœur de l’agenda diplomatique et de l’action gouvernementale explique la fondatrice des «Écoles de la paix», opérées à partir de Paris et de Genève par une fondation de droit suisse. Notre objectif? Plaider pour ces droits dans toutes les instances de décisions et à tous les niveaux de la vie sociétale publique et privée. Et mettre en œuvre les moyens et les budgets gouvernementaux pour la réalisation de ces objectifs».
L’idée est simple: ne plus laisser aux seuls hommes le monopole de l’action diplomatique. De plus en plus d’Ambassadrices sont nommées à travers le monde. La féminisation du personnel est une évolution que la Suisse, par exemple, a choisi de promouvoir.
Mais attention, tout reste à faire: «Le chemin est encore long et les droits des femmes peuvent subitement remis être en cause» poursuit Donia Kaouach, qui a modéré à Paris un panel sur ce sujet. Un exemple: la Suède qui a été le pays pionnier en la matière, vient d’annoncer qu’il renonçait, suite à un changement de gouvernement (ndlr: et à la récente victoire de l’extrême-droite aux élections législatives) à la diplomatie féministe. «La situation internationale vient nous le confirmer, poursuit notre interlocutrice. L’Iran, l’Afghanistan ou encore la remise en cause du droit à l’avortement nous invite à la plus grande mobilisation.»
L’idée novatrice des «Écoles de la paix»
Directrice générale de la Fondation «Leaders pour la paix» de l’ancien premier ministre français Jean-Pierre Raffarin, Donia Kaouach a mis sur pied les «Écoles de la paix». Mode d’emploi: déplacer un groupe de personnalités de haut niveau dans des universités des pays émergents pour y enseigner les meilleures pratiques de la diplomatique et de la négociation, dans le but de promouvoir le règlement pacifique des conflits.
Une prochaine session aura lieu au Caire, en Egypte. Une autre est programmée au Vatican, à l’université du Latran. La Côte d’Ivoire fait partie des pays pionniers de ces «Écoles de la paix» dont l’idée a germé sur les bords du Léman.
C’est en effet à Genève que la fondation «Leaders pour la paix» de l’ancien chef du gouvernement de Jacques Chirac (2002-2005) prend désormais racine. Elle y réunira de nouveau son assemblée annuelle au printemps 2023. «L’école itinérante de la Paix apporte un contenu pédagogique et des clés de lectures relatifs aux enjeux et aux défis auxquels les leaders de demain seront confrontés, complète Donia Kaouach. La question de la place des femmes dans les processus de Paix et aux postes de décisions en fait complètement partie.»
Ignazio Cassis au Forum de Paris sur la paix
Diplomatie féministe? Ignazio Cassis n’a pas été confronté à ce concept et à cette question lors de la table-ronde à laquelle il a participé samedi à Paris, pour la seconde journée du Forum sur la paix, après avoir rencontré la veille Emmanuel Macron et diné au palais de l’Elysée.
«J’ai surtout voulu y souligner la nécessité et le défi de réinventer le multilatéralisme pour accompagner le changement» explique à Blick le président de la Confédération, qui avoue son espoir de voir peut-être «la porte de la diplomatie se rouvrir dans le conflit ukrainien».
Le thème de la table-ronde à laquelle participait le patron du DFAE était pourtant: «Nouveaux défis pour la paix, nouvelles réponses.» Or, pour les défenseures de la diplomatie féministe, l’équation du genre ne peut plus être ignorée: «Quand il y a davantage de femmes, il y a davantage de Paix. Ce sont les chiffres qui le disent dans les études onusiennes notamment. Aujourd’hui, moins de 10% des accords de Paix sont signés par des femmes, pourtant lorsqu’elles sont à la table des négociations, les accords de Paix durent plus longtemps» conclue Donia Kaouach.