Lutte à mort Hamas-Israël
Mohammed Deif face à Benyamin Netanyahu: deux hommes en guerre totale

Le chef militaire du Hamas est l'ennemi numéro un d'Israël depuis des années. Pour Benyamin Netanyahu, le tuer est une priorité absolue.
Publié: 11.10.2023 à 06:12 heures
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Dernière mise à jour: 11.10.2023 à 08:00 heures
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Une photo non datée prise le 1er janvier 2000 montre le chef militaire palestinien du mouvement militant Hamas, Mohammed Deif. Il affirmait depuis des années que le Hamas ne resterait pas "inactif... et que l'occupation paierait un lourd tribut" en ce qui concerne les expulsions planifiées de familles palestiniennes.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

«Lève-toi et tue le premier.» Dans ce livre de plus de 900 pages, le journaliste israélien Ronen Bergman raconte dans le menu détail les assassinats ciblés menés par les services secrets israéliens depuis la fondation de l’État hébreu.

Pourquoi citer cet ouvrage? Parce qu’un nom n’y figure pas dans la liste des morts, tués par le Mossad, le Shin Beth, ou les commandos de Tsahal, l’armée israélienne. Ce nom est aujourd’hui le cauchemar du premier ministre Benyamin Netanyahu. Il s’agit de Mohammed Deif, le chef borgne des Brigades Ezedinne Al-Qassam, la branche armée du Hamas palestinien.

Deif est le visage de la terreur que personne n’a vu ou photographié depuis l’an 2000, date de l’un des seuls clichés connus de l’ennemi numéro un d’Israël. Deif est l’homme que Netanyahu, l'un des chefs de gouvernement le plus impopulaire depuis que son pays existe, retrouve face à lui telle une ombre. Ces deux-là le savent: ils sont engagés dans une lutte à mort.

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Un parti conservateur prêt à tout

Dans son livre truffé d’entretiens avec les responsables des services secrets israéliens, Ronen Bergman dresse le portrait de Benyamin Netanyahu, 73 ans, revenu au pouvoir depuis le 29 décembre 2022 à la tête d’une coalition avec l’extrême-droite religieuse et raciste.

Il faut lire ses premières pages, consacrées à l’éviction d’un ancien responsable légendaire du Mossad, Meir Dagan, par ce politicien conservateur dont toute une partie de la population israélienne réclamait dans la rue le départ, voici quelques jours encore. Motif de cette éviction qui fit alors scandale, en 2010: leur conception de la guerre.

Dagan, décédé en 2016, défendait les assassinats ciblés des principaux ennemis d’Israël. Il ne croyait pas supportable de s’en prendre aux masses palestiniennes, car cela les «transformerait inévitablement en terroristes par dizaines de milliers».

A l’époque déjà, Netanyahu défendait l’inverse. Seule la force brutale permettrait enfin à Israël de vivre en paix affirmait-il. Pas de ciblage qui vaille pour «Bibi», le surnom populaire de Netanyahu. Mais une politique de l’assommoir pour mettre les Palestiniens K.O.

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Enterré dans un bunker?

Le fantôme qui hante ce livre vit aujourd’hui sans doute enterré dans un bunker, dans les entrailles de la bande de Gaza saturée de frappes aériennes. Il se nomme Mohammed Deif, 58 ans, amputé d'un bras et d'une jambe depuis qu’une bombe israélienne, en 2000, fut lancée sur l’immeuble où il se trouvait.

Son surnom est «l’invité», car il ne dort, dit-on, jamais une nuit au même endroit. Deif est veuf. Sa femme et l’un de leurs enfants sont morts lors d’un autre bombardement israélien, en 2014. Cinq bombes furent alors lâchées sur son QG présumé.

Meir Dagan, l’ex-responsable du Mossad licencié par Netanyahu, avait avoué à l’auteur de «Lève-toi et tue le premier» (Ed. Grasset), que Mohammed Deif était son seul échec total. L’assaut terroriste du Hamas, samedi 8 octobre à l’aube, lui a donné raison.

C’est la voix de Deif, ce maître de la terreur, qui a justifié le lancement de l’opération «Déluge d’Al Aqsa», du nom de la plus grande mosquée de Jérusalem. «Le jour est venu» a-t-il déclaré. Puis cette guerre totale, barbare, destinée à semer le maximum d’effroi dans la population israélienne, a commencé avec plus de 5 000 roquettes tirées contre des cibles le plus souvent civiles.

Deif, le chef de guerre

Mohammed Deif est un chef de guerre insaisissable, traqué, qui a passé presque toute sa vie à faire tuer des Israéliens. Il n’a jamais occupé de responsabilités dans la branche politique du Hamas, dirigée depuis le Qatar, cet émirat qui payait jusque-là les salaires de l’administration à Gaza.

Deif est le Ben Laden du Hamas. Le chef terroriste du Hamas doit d'ailleurs sans doute savourer la comparaison faite par les médias du monde entier entre son offensive lancée samedi et les attentats du 11 septembre à New York. Il sait qu’il va mourir au front, ou bien enterré vivant dans un de ses bunkers. Toute sa vie aura été celle d’un impitoyable kamikaze.

Benyamin Netanyahu est, lui, l’archétype du politicien insubmersible. Il est le produit du système démocratique israélien. Sa vie n’a toujours eu qu’un seul but: le pouvoir. Jadis, au début des années 2000, «Bibi» donnait encore le change, en affirmant être prêt à négocier avec les Palestiniens. Il voulait se distinguer d’Ariel Sharon, le général bulldozer, premier ministre entre 2001 et 2006, à l’origine du retrait israélien de Gaza en 2005.

Son camp était, avant l'assaut du Hamas, celui de la colonisation à outrance, même s'il sait que celle-ci conduira à la révolte des Palestiniens. Aujourd'hui, l'intéressé peut espérer, avec ce conflit, sauver sa peau sur le plan politique, sortir vainqueur, voire sauveur du pays. A moins qu'il ne se retrouve demain, après la fin des hostilités, obligé de payer l’addition politique pour avoir fracturé Israël, semé le chaos au sein de l’armée et des services de renseignements, laissé le Hamas consolider son emprise avec le soutien de l’Iran. S'il veut retrouver la confiance de son peuple, Netanyahu doit lui ramener la tête de Mohammed Deif.

Deux visages d’une guerre

Mohammed Deif et Benyamin Netanyahu sont les deux visages opposés d’une guerre qui ne s’arrêtera pas tant que seules les armes parleront. L’un comme l’autre le savent.

Deif est prêt à tout. Le Hamas est un potentat qui prend la population de Gaza en otage, au nom de la lutte palestinienne éternelle. Netanyahu n’a pas (encore) tué la démocratie et l’État de droit en Israël. Il craint de devoir rendre des comptes. Il est prêt, dit-on, à raser Gaza. Il sait qu’il peut finir en accusé, devant des juges. Il sait qu'une partie de la population le rejette. Il doit tenir compte de l’avis des militaires.

Ses deux hommes ont en revanche un point commun: leur sort se joue simultanément. Maintenant. Dans la terreur et dans l’horreur.

A lire: «Lève-toi et tue le premier» (Ed. Grasset)

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