Il y a toujours des profiteurs de guerre. Sur le terrain, au milieu des ruines et des corps des victimes, les marchands d’armes et les extrémistes de tous bords savent mieux que quiconque tirer avantage d’un conflit et de ses traumatismes. Mais il existe une autre catégorie de profiteurs: les États engagés dans une lutte à mort, dont l’intérêt objectif est de déstabiliser le plus possible leurs adversaires, sur tous les fronts.
Russie-Iran: l’alliance sans failles
La Russie de Vladimir Poutine est aujourd’hui dans ce cas, alors que la guerre déclenchée par l’assaut terroriste du Hamas palestinien plonge le Proche-Orient dans un nouveau séisme dont personne ne peut encore prédire l’issue. Le Kremlin, on le sait, a noué une alliance militaire sans faille avec l’Iran des Ayatollahs.
Vladimir Poutine a aussi sauvé le régime syrien de Bachar Al Assad, toujours à l’affût d’un affaiblissement d’Israël et de ses alliés occidentaux. L’équation est simple, vue de Moscou: la bande de Gaza, étranglée par l’État hébreu, est une arme de destruction massive à force d’humiliation et de rage accumulée par ses deux millions d’habitants désormais sous les bombes.
Plus Israël cherchera à l’asphyxier et à la réduire en cendres, avec le soutien actif ou tacite des Américains et des Européens, plus le grain de la révolte sera semé dans cette région contre ce soi-disant «axe du bien» qui promet de soutenir l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra.
Les démocraties le dos au mur
Le pire est que Vladimir Poutine n’a pas besoin, à ce stade, de sortir de son silence. L’appel officiel de la Russie au «cessez-le-feu» entre le Hamas et Israël suffit. Car le temps joue pour lui sur les plans. Militairement, voilà que les États-Unis se retrouvent avec un autre front, obligé de regarder du côté de la Méditerranée.
Politiquement, voilà que les démocraties se retrouvent le dos au mur, contraintes de soutenir à juste titre Israël, où la coalition au pouvoir de Benyamin Netanyahu, avec l’extrême droite religieuse raciste, rêve de dépecer l’État de droit et l’indépendance de la justice.
Diplomatiquement enfin, voilà que le «sud global» reçoit, en direct, l’avalanche d’images tant redoutée par l’Occident: un peuple palestinien emprisonné dans une bande de Gaza assiégée. Que pèsent, dans les pays musulmans, la terreur subie par Israël, les civils massacrés par les commandos du Hamas, l’odieux chantage aux otages, et surtout la confiscation sans partage du pouvoir à Gaza par ce groupe extrémiste palestinien depuis des années? Pas grand-chose. Et plus la répression de Tsahal va s’abattre, plus cette colère va prospérer…
Rien à voir avec la guerre du Kippour
Une guerre peut en cacher une autre. Celle déclenchée par le Hamas, cinquante ans après la guerre du Kippour, n’a rien à voir avec les hostilités déclenchées par l’armée égyptienne le 6 octobre 1973, contre l’État hébreu, alors dirigé par Golda Meir. L’assaut kamikaze du groupe terroriste n’oppose pas un pays à un autre. Il est le résultat d’un chaudron de sang que l’impasse Israël-Palestine a engendré, depuis l’abandon de toute perspective sérieuse de paix à deux États, portée en 2003 par l’Initiative de Genève.
L’Iran saigne Israël. Le Qatar, cynique à souhait, attend son heure pour servir d’intermédiaire, comme la Turquie. La dictature militaire égyptienne est prise dans l’étau. Le Liban, miné par le Hezbollah pro-iranien, est en lambeaux. Les prix de l’énergie risquent à nouveau de flamber. Notre monde explose en direct. De quoi ravir celui qui rêve de prendre sa revanche, par tous les moyens, assis sur ses ressources naturelles, et persuadé que nos sociétés modernes occidentales sont dévoyées, donc condamnées: Vladimir Poutine.