«Israël a droit à la sécurité.» Cette vérité incontestable justifie, depuis le début des frappes de roquettes lancées par le mouvement terroriste palestinien Hamas le samedi 7 octobre à l’aube, la solidarité de tous les pays occidentaux aux côtés de l’État Hébreu.
Les États-Unis, traditionnels protecteurs de l’État d’Israël, ont sans surprise annoncé une augmentation de leur aide militaire. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a dénoncé «l’attaque insensée» du Hamas. Soit. Mais le déclenchement de cette guerre, 50 ans et un jour après celui de la guerre du Kippour, pose aussi la question de la responsabilité de l’actuel Premier ministre Benyamin Netanyahu, allié à l’extrême-droite religieuse. «Le pays court les yeux fermés vers l'abime où l'attend l'apartheid et la guerre civile», affirmait fin 2022 dans «Le Monde» l'ancien ambassadeur israélien Elie Barnavi. Voici les cinq questions auxquelles Netanyahu et ses alliés devront répondre, alors qu'un gouvernement d'union nationale est en discussion en Israël.
La colonisation israélienne à outrance est-elle tenable?
La réponse est non. Or Benyamin Netanyahu n’a eu de cesse, depuis son retour aux commandes du pays en décembre 2022 à la tête d’une coalition avec l’extrême-droite, de soutenir les colons en Cisjordanie et dans les territoires palestiniens. Il a même choisi, pour soutenir ces implantations, de déployer une majorité des troupes de Tsahal, l’armée israélienne, dans les zones contestées, exposant le flanc sud du pays, c’est-à-dire la bande de Gaza.
L’ambassadeur israélien à Washington a même été convoqué en mars 2023 par le gouvernement américain après l’abrogation, par l’Etat hébreu, de la loi sur le désengagement de 2005, qui avait encadré l’évacuation israélienne de la bande de Gaza et le démantèlement de quatre petites colonies dans le nord de la Cisjordanie occupée. Un nouveau rapport de l’ONU a dénoncé la colonisation à outrance le 24 septembre 2023. Le sentiment d’humiliation a donc encore augmenté du côté palestinien. À un moment où l’Autorité palestinienne, qui contrôle la Cisjordanie, est totalement discréditée pour sa corruption massive…
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Netanyahu a-t-il fragilisé la société israélienne?
La réponse est oui, incontestablement. Il suffit d’avoir suivi, chaque jour, les immenses manifestations de protestation dans les rues de Tel-Aviv, contre les réformes du système judiciaire menées par le gouvernement de Benyamin Netanyahu, afin d’affaiblir l’indépendance des magistrats. Le projet porté par le gouvernement israélien, dont une partie seulement a été adoptée, modifie considérablement l’équilibre des pouvoirs.
Exemple: l’abolition de la «clause de raisonnabilité», qui permettait aux juges d’annuler des décisions du gouvernement jugées «déraisonnables». Par 64 voix sur 120, ce vote a déclenché l’une des plus graves crises politiques depuis la naissance d’Israël. Il faut redire que les Israéliens ont voté cinq fois depuis trois ans et demi. Le parti de Netanyahu, le Likoud, ne compte que 32 députés sur 120. C’est son alliance avec l’extrême-droite religieuse qui lui a permis de revenir au pouvoir.
Netanyahu a-t-il fragilisé «Tsahal» et le Mossad?
C’est une question difficile, car au-delà des apparences (divergences avec les chefs militaires, positionnement de nombreuses unités le long de la Cisjordanie…), il est très difficile de comprendre pourquoi «Tsahal», l’armée israélienne n’a pas vu venir cette agression du Hamas, cet ennemi qu’elle connaît si bien.
Le Hamas a-t-il réussi à faire diversion? Les livraisons d’armes vers Gaza ont-elles augmenté sans que le commandement israélien s’en aperçoive? À coup sûr, des informations vont faire surface après coup. On sait en tout cas qu’en juillet dernier, la direction du renseignement militaire israélien aurait adressé quatre courriers au Premier ministre pour l’avertir des conséquences du projet de réforme judiciaire sur la sécurité du pays.
Ces lettres expliquaient que les ennemis d’Israël, en particulier l’Iran et le Hezbollah libanais, voient dans les profonds clivages qui déchirent Israël une occasion unique de modifier l’équilibre des forces en leur faveur. L'attaque du Hamas, son ciblage terroriste des populations civiles et ses prises d'otages, ont apporté la réponse.
Netanyahu avait-il enterré la paix avec les Palestiniens?
La réponse est oui. L’actuel Premier ministre israélien ne croit qu’aux rapports de force, mais il n’en a pas toujours été ainsi. Lorsque l’initiative de Genève, ce projet d’accord de paix entre les deux États palestinien et israélien est rendu publique en décembre 2003, le politicien de droite y était à l’époque plutôt favorable. Il ne s’y était, du moins, pas opposé frontalement, au contraire du Premier ministre de l’époque Ariel Sharon.
Sauf qu’en vingt ans, tout a changé. Pour lui, la solution à deux États signifie que des enclaves palestiniennes fermées, prisonnières de l’État d’Israël, pourront exister, à condition de n’exercer aucune souveraineté, ce qui n’existe nulle part dans le monde depuis la fin de l'apartheid et des «bantoustans» en Afrique du sud.
Il l’a réitéré en février 2023 devant CNN: «Je suis tout à fait disposé à ce qu’ils aient tous les pouvoirs dont ils ont besoin pour se gouverner eux-mêmes, mais aucun des pouvoirs qui peuvent nous menacer.» En clair: les Palestiniens ne doivent jamais, pour Netanyahu, disposer d’un État digne de ce nom. La déliquescence de l'Autorité palestinienne, corrompue, a de facto servi ce projet, en laissant le projet terroriste du Hamas sans opposition.
Netanyahu a-t-il sous estimé le Hamas?
La pluie de frappes aériennes israéliennes sur Gaza n'effacera pas la réalité: le Hamas a transformé le territoire en forteresse souterraine avec le soutien de l'Iran et du Qatar, dont l'appui financier et matériel est indispensable au groupe terroriste palestinien. Le régime de Téhéran, parrain du Hamas et du Hezbollah, attendait le moment pour frapper de nouveau Israël, et il vient de le faire pour le cinquantième anniversaire de la guerre du Kippour. N'oublions pas que l’Iran chiite, comme le Qatar sunnite, sont prêts à tout, dans cette région, pour éviter que l’Arabie saoudite et Israël se rapprochent, ce qui était le cas ces derniers mois, après les accords de paix signés en 2020 entre l'État hébreu et les Émirats arabes unis.
Le régime iranien, en proie à une violente contestation sociale menée par les femmes — que le Prix Nobel de la paix 2023 à l’activiste Narges Mohammedi vient de récompenser — a intérêt à être en «état de siège» pour museler ses opposants. La République islamique d’Iran s’est, avec les guerres en Syrie et en Ukraine encore plus rapprochée de la Russie de Vladimir Poutine. Or Téhéran, comme Moscou, ont aujourd'hui intérêt à un chaos géopolitique anti-occidental. Nous y sommes.