«Le dialogue doit reprendre»
Russes et Américains se rencontrent après trois ans de relations brisées

Moscou et Washington se rencontrent à Riyad pour renouer le dialogue après trois ans de gel. Ces discussions surviennent une semaine avant l'anniversaire de l'invasion russe en Ukraine et pourraient préparer une rencontre Poutine-Trump.
Publié: 17.02.2025 à 14:51 heures
Le secrétaire d'État américain Marco Rubio rencontre le ministre des Affaires étrangères d'Arabie Saoudite, Faisal bin Farhan, à Riyad le lundi 17 février 2025.
Photo: IMAGO/UPI Photo
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AFP Agence France-Presse

Hauts responsables russes et américains doivent se retrouver mardi en Arabie saoudite pour des pourparlers destinés à rétablir les relations entre Moscou et Washington, en posant officiellement les prémices de négociations sur l'Ukraine et d'une rencontre entre Vladimir Poutine et Donald Trump.

La Russie veut de longue date réorganiser l'architecture de la sécurité sur le continent européen, Moscou ayant notamment réclamé par le passé le retrait des forces de l'Otan d'Europe orientale. Le Kremlin considère que son assaut contre l'Ukraine visait à repousser la menace existentielle que représente à ses yeux l'Alliance atlantique. Le conflit en Ukraine ne devrait donc constituer que l'un des points au programme de ces discussions russo-américaines à Ryad, dont sont à l'heure actuelle exclus les Ukrainiens et les Européens.

Un agenda très chargé

Cette rencontre, après trois années d'un gel quasi-total des relations, intervient une semaine avant le troisième anniversaire du début de l'invasion russe et en pleine effervescence diplomatique déclenchée par l'appel téléphonique de Donald Trump à Vladimir Poutine la semaine dernière, au moment où la nouvelle administration multiplie aussi les critiques contre les traditionnels alliés européens des Etats-Unis. 

Côté américain, le secrétaire d'Etat Marco Rubio est arrivé lundi en Arabie Saoudite. Il doit être accompagné du conseiller à la sécurité nationale, Mike Waltz, et de l'envoyé spécial pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff. Côté russe, Vladimir Poutine a dépêché deux négociateurs chevronnés: le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et le conseiller diplomatique du Kremlin Iouri Ouchakov. Ils doivent également arriver lundi à Ryad.

La rencontre «sera principalement consacrée au rétablissement de l'ensemble des relations russo-américaines», a déclaré le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov, au cours d'un briefing quotidien devant la presse auquel participait l'AFP. Selon lui, elle «sera également consacrée à la préparation d'éventuelles négociations sur le règlement (du conflit) ukrainien et à l'organisation d'une rencontre entre les deux présidents» Poutine et Trump. Le Moyen-Orient pourrait aussi être sur la table des pourparlers, a-t-il poursuivi, à un moment où Russes et Américains rivalisent dans la région et où Moscou a vu ses alliés Bachar al-Assad en Syrie et l'Iran essuyer des échecs ces derniers mois.

Le Vieux continent à l'écart

«Poutine et Trump se sont entendus sur la nécessité de laisser derrière eux les relations absolument anormales. Les présidents ont décidé que le dialogue devait reprendre», a expliqué de son côté Sergueï Lavrov. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky doit quant à lui se rendre en Arabie Saoudite mercredi, au lendemain des pourparlers russo-américains, a dit à l'AFP son porte-parole. Face au désengagement américain, Zelensky a appelé les Européens à «agir» pour éviter un accord forgé par les Américains «dans le dos» de l'Ukraine et de l'Europe, encourageant à créer des «forces armées de l'Europe».

Lundi, il a averti que l'Ukraine «ne reconnaîtrait» aucun accord entre les Etats-Unis et Russie conclu sans elle, regrettant que son pays n'ait pas été informé officiellement des pourparlers à Ryad entre Américains et Russes. La décision de Donald Trump d'appeler Vladimir Poutine la semaine dernière et de proclamer l'ouverture de négociations pour mettre fin à la guerre a provoqué un malaise en Europe et à Kiev, car elle laisse craindre un abandon de l'Ukraine, dont le rôle dans d'éventuelles négociations semble très incertain.

Les puissances européennes, de facto mises à l'écart des échanges russo-américains et qui voient se dessiner un désengagement de Washington, se réunissent lundi à Paris avec l'objectif de définir une réponse commune pour assurer la sécurité du Vieux continent. Sergueï Lavrov a pour sa part asséné le même jour que les dirigeants européens n'avaient pas leur place dans de futures négociations car ils ont «l'intention de poursuivre la guerre» en Ukraine.

Interrogé dimanche sur la nature des pourparlers russo-américains, Marco Rubio a affirmé que «rien» n'avait «encore été finalisé», notant que «le processus vers la paix n'est pas l'affaire d'une seule réunion». Il a ajouté que lorsque les «vraies négociations» commenceraient, l'Ukraine devrait «être impliquée». Le Kremlin avait de son côté auparavant déclaré que l'Ukraine participerait aux discussions sur son avenir «d'une manière ou d'une autre».

Des conditions à poser

Dans un geste à l'adresse de Washington, la Russie a annoncé lundi avoir libéré un Américain arrêté la semaine dernière pour une affaire de stupéfiants. Une mesure qui intervient après un échange de prisonniers la semaine dernière. Vladimir Poutine réclame que l'Ukraine cède quatre régions de l'est et du sud de son territoire, en plus de la Crimée annexée en 2014, et renonce à rejoindre l'Otan. Des conditions inacceptables pour Kiev, qui espère toujours récupérer les zones perdues.

Sur le volet russo-américain, Moscou veut que Washington s'engage à ce qu'aucun pays de l'ex-URSS ne puisse entrer dans l'Alliance atlantique, ainsi qu'un retrait des troupes et des armements de cette organisation des Etats l'ayant rejointe après mai 1997, ce qui inclut les Pays baltes et la Pologne, frontaliers de la Russie, ou encore la Roumanie et la Bulgarie, riveraines de la mer Noire. Ces exigences avaient été rejetées par l'Otan et les Etats-Unis en janvier 2022, Moscou déclenchant un mois plus tard son assaut contre l'Ukraine.

Loin de Ryad, les combats et les bombardements se sont poursuivis lundi. Moscou a revendiqué la prise de Sverdlikovo, un village de la région russe frontalière de Koursk, dont les forces ukrainiennes affirment contrôler 500 kilomètres carrés, et de Figolivka, un village situé dans la région ukrainienne de Kharkiv (nord-est). L'Ukraine a quant à elle attaqué avec des drones une importante station de pompage d'un oléoduc acheminant le pétrole kazakh vers la mer Noire puis en Europe en passant par le Sud de la Russie, entravant son fonctionnement, a signalé la compagnie exploitante.

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