Faites une recherche d’images sur Donald Trump à l’heure de sa gloire immobilière. Très vite, vous tomberez sur une photo de l’actuel Président des États-Unis, un téléphone à la main, en train de négocier un «deal», sa passion préférée. Voilà pourquoi Trump a, depuis son élection le 5 novembre, passé plusieurs coups de fils à Vladimir Poutine. Parce que pour lui, le président russe est une sorte d’homme d’affaires mafieux, capable de tenir sa parole, comme les anciens interlocuteurs que le promoteur immobilier parvenait à convaincre dans les bas-fonds de New York ou du New Jersey, là où il bâtit sa fortune.
On ne comprend pas la séquence actuelle, marquée par la confirmation d’une conversation téléphonique officielle ce mercredi 12 février au matin, entre Trump et Poutine, si l’on n’a pas cette chorégraphie en tête. On se souvient qu’au début de la guerre, Emmanuel Macron lui aussi – mais dans un tout autre genre – avait cru pouvoir arracher un compromis au téléphone au maître du Kremlin. Ce dernier avait moqué le président français.
Un «call» entre Trump et Poutine n’a rien à voir. Ces deux hommes vénèrent le rapport de force. Ils croient tous deux être de grands manipulateurs psychologiques. Ils ont la même approche virile des sujets. Le téléphone est donc le moyen idéal de se tester. Car tous deux veulent sortir gagnants de la partie qu’ils sont en train d’engager.
Besoin d’audience
Pourquoi rendre public cet appel téléphonique? Pourquoi humilier ainsi le président ukrainien Zelensky, avec lequel Donald Trump s’était toutefois entretenu plus tard? C’est là que la stratégie de Trump entre en jeu. L’ancienne vedette de télé-réalité a besoin d’une audience et de buzz. Il déteste les «deals» restés secrets, que les diplomates ficellent à leur guise. Il veut des images, des annonces, des bouts de phrases. Avec deux objectifs: démontrer au monde entier que lui, Trump, peut parler à Poutine. Et offrir à son électorat un semblant de preuve qu’il tient sa promesse de ramener la paix en Ukraine, même si l’on en est encore très loin.
Trump a surtout le calendrier en tête. Son téléphone est une arme de pression massive sur ceux qu’il veut voir se plier aux futures conditions qu’il négociera pour l’Ukraine: ses alliés de l’OTAN (L’Alliance atlantique de 32 pays, autour des États-Unis) qui se réunissent cette semaine à Bruxelles, les «experts» en relations internationales qui seront tous ce week-end à la Conférence annuelle sur la sécurité de Munich, et surtout les 27 pays de l’Union européenne à qui il veut facturer la future paix en Ukraine.
Colossal bras d’honneur
Parler à Poutine – et obtenir que celui-ci promette de négocier, dans un flou total – revient, pour Trump, à faire un colossal bras d’honneur à tous ceux qui voyaient dans son soi-disant plan de paix une démarche calculée, prévisible, moins «dingue» que sa proposition d’évacuer les Palestiniens de Gaza pour transformer l’enclave en «Riviera». Lui seul est au bout du fil avec Vladimir. Lui seul tire les manettes. Le Trump-show est, plus que jamais, un One-man-show. Ce message-là s’adresse à ses propres collaborateurs à qui il adresse un message clair: quoi que vous fassiez, c’est moi qui mènerai la danse dans ce dossier.
Trump se croit le meilleur
Le téléphone, assorti ou non d’une visioconférence, a enfin une vertu immense pour Donald Trump: il oblige son interlocuteur à sortir de ses papiers, à répondre à ses questions, donc à bouger des lignes. Or Trump se croit bien meilleur que Poutine. Il sait que le président russe ment comme il respire (ce dont témoignent tous ses interlocuteurs), et alors? Le chef de l’État américain a fait cela lui aussi toute sa vie.
Par contre, Trump est rapide. Il sait prendre des virages serrés. Ces conversations téléphoniques sont en fait celle d’un joueur de baseball face à un hockeyeur (Poutine). Trump lance la balle. Poutine glisse pour la renvoyer, mais Trump a déjà une autre balle en main. C’est cynique. C’est insupportable pour des diplomates classiques. Cela peut très mal finir pour l’Ukraine. Seulement voilà: Trump y croit.
Dernière conviction du locataire de la Maison Blanche: il pense que Poutine est la tête d’un navire naufragé. Il sait que l’industrie de défense russe n’a pas les moyens de son économie de guerre. Il a la liste des sociétés écrans, et des pays tiers qui permettent à la Russie de contourner les sanctions. Il a des leviers qu’il peut énumérer au téléphone. Qu’est-ce que Poutine a sur lui en revanche? Rien. Donald Trump se fiche de savoir s’il a été, ou non, photographié avec des prostituées à Moscou. Sa condamnation à New York a montré que ses électeurs lui pardonnent tout. Trump ne peut pas, selon la Constitution, se représenter. Difficile de le faire reculer…
Un ring téléphonique
Le téléphone est un ring pour Donald Trump. Il vient de monter dessus. Il sautille. Il se prépare. Il sait que Vladimir Poutine veut être réhabilité sur le plan international. Il lui en offre une première occasion. C’est affreux et très inquiétant pour les Ukrainiens? Possible. Mais dans ce type de duel, POTUS (L’acronyme de President of the United States) manie plutôt bien l’épée.