Il fait son show à Paris
Vous avez peur de Trump? Son vice-président J.D. Vance va encore plus loin

Le vice-président des Etats-Unis a prévenu lors de la conférence de Paris sur l'intelligence artificielle: gare aux alliés européens qui négocient avec la Chine et les régimes autoritaires. L'étau se referme sur le Vieux Continent.
Publié: 13:55 heures
|
Dernière mise à jour: 16:23 heures
1/5
Le Vice-président américain JD. Vance s'est exprimé le 11 février à Paris pour la première fois en Europe depuis son élection le 5 novembre.
Photo: IMAGO/ABACAPRESS
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Il n’a pas raté l’occasion. Invité à prendre la parole mardi 11 février lors du sommet de Paris sur l’intelligence artificielle, J.D. Vance a tout de suite désigné l’ennemi qui, selon lui, doit être commun aux États-Unis et à leurs alliés: les régimes autoritaires, sous-entendu la Chine. Un avertissement clair de la part du vice-président des Etats-Unis, pour qui le fait de conclure des accords avec des géants de la tech chinois revient donc à provoquer Washington.

De la part de ce juriste de 40 ans, sénateur sortant de l’Ohio et auteur du best-seller «Hillbilly Elegy» (L’odyssée d’un plouc) sur son enfance dans une famille miséreuse de la «Rust belt» – la ceinture de la rouille, qui désigne les régions américaines massivement désindustrialisées – cette attaque n’est pas étonnante. J.D. Vance est très lié au magnat de l’investissement dans les nouvelles technologies Peter Thiel.

Peter Thiel contre Elon Musk

Ce dernier est en quelque sorte l’alter ego de l’ombre d’Elon Musk, qui n’a pas fait le déplacement à Paris. Thiel a été l’un des fondateurs de Paypal, où Musk a investi avant de s’en faire éjecter. Thiel a aussi des racines sud-africaines, puisqu’il a grandi à Johannesburg après être né en Allemagne. Mais contrairement à Elon Musk, nouvel empereur du DOGE, le redoutable Département de l’efficacité gouvernementale déjà affairé à administrer des coupes massives dans le budget fédéral, Peter Thiel a investi en politique sur un «proxy»: l’actuel Vice-Président des Etats Unis.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

L’autre raison pour laquelle J.D. Vance a d’emblée prévenu les Européens de prendre garde est la mission qu’il doit remplir ces jours-ci. Dans la galaxie Trump, le colistier du Chef de l’Etat n’est pas une figure essentielle. L’ancien promoteur immobilier préfère, on le sait, s’entourer de conseillers spéciaux qui ont sa confiance et son oreille.

Vance et Trump

Il ne fait aucune confiance aux politiciens, même ceux qui lui ont voué allégeance comme Vance. Sauf que le calendrier est là. Trump a lancé une première bombe diplomatique avec son plan de paix et d’annexion pour Gaza, dont le but est d’expulser les deux millions de Palestiniens du territoire pour le transformer en site balnéaire. Il a donc besoin de déléguer sur l’autre dossier clé: l’Ukraine, même s’il affirme avoir déjà parlé à plusieurs reprises à Vladimir Poutine. A son Vice-Président de déminer le terrain avec les Européens…

Or sur ce dossier-là comme sur celui de l’Intelligence artificielle, J.D. Vance est venu à Paris pour défendre une ligne qu’il répétera, ce week-end, à la Conférence annuelle sur la sécurité de Munich, en Allemagne. Pour lui, «zone démilitarisée» et «neutralité» sont les deux seuls mots qui peuvent sauver l’Ukraine. Il compte bien les répéter à Volodymyr Zelensky, qu’il doit rencontrer à Munich.

Quelles garanties pour l’Ukraine?

Avec quelles garanties de sécurité? Depuis son arrivée au Number One Observatory Circle, le siège de la Vice-présidence à Washington, JD Vance n’a pas réitéré ce qu’il avait promis lors de la campagne: «une zone fortifiée pour que les Russes n’envahissent pas à nouveau le pays». Son argument, comme celui de son patron Donald Trump, est aujourd’hui de parler argent: «Tout cela a beaucoup à voir avec l’argent, soyons honnêtes» avait-il expliqué en septembre dans un entretien au podcast Shawn Ryan Show.

«L’Ukraine est un pays très riche en ressources […] et c’est la raison pour laquelle les Russes sont intéressés, les Européens sont intéressés et certainement beaucoup d’investisseurs américains». Or depuis lors, la question des terres rares ukrainiennes a été soulevée par POTUS (l’acronyme pour President of the United States)…

La tenaille J.D. Vance

L’autre pince de la tenaille Vance sur le Vieux Continent a été exposée à Paris: elle consiste, comme l’avait fait Donald Trump dans son intervention en visioconférence à Davos, à s’opposer par avance à toute nouvelle régulation européenne qui frapperait les GAFAM, les géants d’Outre Atlantique. «Nous sommes troublés par le fait que certains gouvernements envisagent de serrer la vis sur des sociétés américaines» a-t-il lâché devant le PDG de Microsoft et de nombreux autres patrons. Nous sommes leaders et entendons le rester».

Les Etats-Unis se sont d'ailleurs abstenus de signer la déclaration paraphée par 58 pays, dont la Suisse, sur une «intelligence artificielle éthique et ouverte». En réponse aux avertissements américains, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a officialisé le projet InvestAI, qui devrait mobiliser à terme 200 milliards d’euros, dont 20 milliards pour financer quatre gigafactories d’IA.

Pas de commentaires en revanche de la part du Vice-président américain sur la proposition d’Elon Musk d’acheter Open AI pour plus de 100 milliards de dollars. Laquelle a été rejetée par son fondateur Sam Altman, présent lui aussi à Paris. Dommage, car ses propos lors de la Conférence sur l’intelligence artificielle peuvent prêter à une double interprétation.

«S’associer avec eux revient à enchaîner votre nation à un maître autoritaire qui cherche à infiltrer, s’installer et s’emparer de votre infrastructure d’information» a déclaré JD. Vance. Pour les Etats-Unis, ce «eux» est bien sûr la Chine. Mais Elon Musk est-il si différent?

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la