A la table ou pas? «In» ou «Out»? A bord ou par-dessus bord? A la Conférence sur la sécurité de Munich, toutes les expressions fusent, dans les différentes langues européennes, pour s’interroger sur la future présence, ou non, des Européens dans les négociations entamées entre Donald Trump et Vladimir Poutine au sujet de l’Ukraine. Et à la fin, difficile d’y voir clair.
Ce qui est certain d’abord? Les Etats-Unis ne souhaitent pas, à ce stade, d’une discussion élargie avec la Russie. «Out» donc l’Ukraine et les Européens dans la phase actuelle d’approche entre Trump et Poutine, qui devraient se rencontrer prochainement en Arabie saoudite. La confirmation de cette position est venue à Munich de l’émissaire officiel de la Maison-Blanche chargé de la guerre en Ukraine, Keith Kellogg. Interrogé sur la question de savoir si les Européens joueront un rôle dans les pourparlers en cours, ce dernier a répondu qu’il était «de l’école du réalisme, et que cela ne se produirait pas». L’acte 1 Washington-Moscou semble parti pour se jouer à deux.
Pas de «discussion de groupe»
Ce qui est beaucoup moins sûr en revanche? La nature exacte des pourparlers que Donald Trump veut avoir avec le président russe. On connaît l’objectif: l’arrêt des combats et le retour de la paix en Ukraine, que le chef de l’Etat avait promis d’obtenir «en un jour,» durant sa campagne. Le reste est flou. Keith Kellogg, ancien général, a toutefois apporté à Munich une information de taille: les futures discussions sur l’avenir de ce pays en guerre depuis le 24 février 2022 ne donneront pas lieu maintenant à des consultations élargies. «Ce que nous ne voulons pas faire, c’est entrer dans une discussion de groupe» a-t-il déclaré. Sans autre précision. Et ce alors que le sénateur républicain de Caroline du sud Lindsay Graham, présent lui aussi à Munich, a ouvertement invité les Européens et les Ukrainiens à formaliser des «propositions convaincantes» pour que Donald Trump puisse apporter un soutien durable à Kiev.
Ce qui se prépare maintenant? Au moins trois choses, parallèles.
Pour les dirigeants Européens, sonnés par les attaques directes du vice-président JD Vance dans son discours à Munich vendredi 14 février, un premier rendez-vous doit avoir lieu lundi 17 à Paris, à l’initiative d’Emmanuel Macron. Qui participera? Ce n’est pas clair. Mais la volonté est de s’interposer vite, pour éviter de nouvelles discussions sur l’Ukraine entre Trump et Poutine. Des sujets tels que le possible déploiement de forces terrestres en Ukraine, après un cessez-le-feu, pourraient se trouver à l’agenda. Volodymyr Zelensky y assistera-t-il?
Pour les alliés européens de l’OTAN (trente pays, aux côtés des Etats-Unis et du Canada), l’urgence consiste maintenant à mettre sur la table un programme d’achat d’armes pour montrer à Donald Trump qu’ils sont prêts à répondre au défi posé par son administration. Le mot d’ordre de Washington est double: plus de «leadership américain» garanti, et un besoin criant de dépenser plus pour la défense du continent. Les calculettes budgétaires vont fonctionner à plein dans les jours qui viennent. «A mes amis européens, je dirais: participez au débat, non pas en vous plaignant d’être, oui ou non, à la table des négociations, mais en présentant des propositions concrètes, des idées, en augmentant les dépenses», a tranché Keith Kellogg à Munich.
Les Etats-Unis comme «intermédiaire»
Pour l’Ukraine, l’absolue priorité est d’être informée en amont de ce que veut Trump, et non après coup, comme le président américain l’a fait, en briefant Zelensky sur son appel avec Poutine du 12 février. C’est la clé. Or là aussi, le flou règne. Mais une date est cruciale: celle de la prochaine visite du Général Kellogg à Kiev, et sans doute sur le front, après celle d’un autre émissaire, Steve Witkoff, à Moscou pour préparer le coup de fil entre les deux chefs d’Etat. Pour que Kellogg aborde ces négociations comme un «intermédiaire» entre la Russie et l’Ukraine. Pas facile à entendre, pour un pays assiégé qui, sans le soutien militaire à long terme des Etats-Unis, ne pourra jamais tenir face à la Russie. Volodymyr Zelensky a lançé à Munich un appel pour une «armée européenne». Personne ne lui a répondu «banco !».