Le commentaire de Richard Werly
Trump et l'Europe: la guerre culturelle est déclarée

Prononcé vendredi 14 février en ouverture de la Conférence sur la sécurité de Munich, le discours du vice-président américain J.D. Vance avait quelques accents suisses. Mais c'est aussi une déclaration de guerre culturelle, estime notre journaliste Richard Werly.
Publié: 15.02.2025 à 17:11 heures
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Dernière mise à jour: 15.02.2025 à 17:48 heures
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Le vice-président américain J.D. Vance conduit la délégation de son pays à la Conférence sur la sécurité de Munich.
Photo: Getty Images
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Richard WerlyJournaliste Blick

Donald Trump est en guerre. En guerre commerciale, via l’augmentation généralisée des tarifs douaniers. En guerre pour le contrôle de ressources naturelles, comme le prouve – entre autres – sa volonté d’acheter le Groenland. En guerre pour les routes maritimes, comme le démontre sa volonté de récupérer le canal du Panama, et de dominer le passage de l’Arctique. En guerre financière contre ses alliés européens, qui doivent selon lui dépenser beaucoup plus pour leur défense au sein de l’OTAN. Mais une autre guerre bat désormais son plein: elle est culturelle. Et donc politique.

C’est cette guerre-là que J.D. Vance a confirmé dans son discours à la Conférence sur la sécurité de Munich le 14 février. Contre qui? Contre quatre caractéristiques européennes insupportables aux yeux de la nouvelle administration américaine, et souvent dénoncée dans le débat public en Suisse il est vrai.

La première est la régulation. L’économie version Elon Musk et Donald Trump ne la supporte pas. L’idée – qui existait autrefois aux Etats-Unis – d’imposer des règles aux entreprises, par exemple pour empêcher des cartels trop puissants, est jugée dépassée. Pour l'actuel pouvoir à Washington, le marché des géants de la Tech doit être mondial. Point. Les Européens ont perdu la partie numérique et ils doivent l’accepter. Fini le «modèle rhénan». Finie la social-démocratie qui prétend pondérer les excès du capitalisme. La dérégulation est l’objectif.

Donald Trump est aussi ulcéré par la confiance européenne dans le droit pour régler les problèmes. Le Trumpisme s’est bâti politiquement contre la justice américaine. Le pouvoir judiciaire doit, pour l’ancien promoteur new-yorkais, procéder en démocratie du pouvoir politique et des élections, point. Or l’on touche, là, au cœur de l’intégration européenne. L’UE, on le sait, est un mastodonte juridique qui effraie en Suisse aussi. Difficile en revanche de s'aligner, en Helvétie, sur un Trump pour qui le droit sert, sur le Vieux continent, à baillonner la volonté populaire. Vrai ou faux? Le débat est ouvert.

Troisième obsession trumpiste: le peuple. Présente à Munich vendredi, la présidente de la Confédération Karine Keller-Sutter a salué son discours «libéral, dans un sens très suisse lorsqu’il dit qu’il faut écouter la population». Soit. Mais il fallait bien écouter. Le vice-président J.D. Vance a, dans son discours de Munich, parlé à deux reprises de la Roumanie où l’élection présidentielle a été annulée le 6 décembre 2024 par la Cour constitutionnelle en raison d'un trop plein d'ingérences étrangères. Son message ? Ce qui sort des urnes est incontestable, quel que soit le degré d'interférence. Trump pense que la démocratie européenne est travestie par ses élites. Une critique que la démocratie directe, en Suisse, permet d'esquiver.

Quatrième tir de barrage enfin: contre le multiculturalisme. Le soutien sans faille apporté par Elon Musk à l’AfD Allemande ou au parti Reform UK de Nigel Farage, et bien sûr l’alliance avec Viktor Orbán (Hongrie) et Giorgia Meloni (Italie) en sont l’illustration. Donald Trump se voit comme le leader d’une révolution conservatrice mondiale. Il ne s’agit pas que d’argent. Il s’agit de valeurs. L’influence de son électorat évangéliste l’a transformé. La famille (le clan Trump), Dieu (qui lui a sauvé la vie lors de l’attentat de Butler, en Pennsylvanie), la natalité des populations blanches (que Musk vante ouvertement). Voilà ce que Donald Trump défend.

Cette guerre culturelle est déclarée. J.D. Vance en a signé, à Munich le 14 février, l’acte d’accusation inaugural. Faut-il la regretter et tout faire pour résister? Ou cette révolution trumpiste est-elle, au contraire, indispensable pour transformer l’Europe? Le débat est ouvert.

Il est certain, en revanche, que les hostilités, sur ce terrain des mœurs juridiques et politiques, s'annoncent féroces. Ce qui forcera chacun d’entre nous, dans les mois à venir, à choisir de plus en plus son camp. Même dans notre très neutre et libérale Helvétie.

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