Sommet à Paris ce lundi
Ce que les Européens doivent faire pour s'armer face à (ou avec) Trump

Emmanuel Macron veut entamer la riposte après la conférence de Munich sur la sécurité. Il réunit ce lundi à Paris les dirigeants de plusieurs pays européens. Pour parler de commandes d'armes, de budget de la défense, et de soutien à l'Ukraine.
Publié: 17.02.2025 à 05:59 heures
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Dernière mise à jour: 17.02.2025 à 09:36 heures
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Comment se défendre mieux, et donc défendre l'Ukraine? La question est posée en urgence aux Européens.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ce n’est pas la réunion de la dernière chance. Mais pour que la volonté des Européens de renforcer considérablement leur défense soit prise au sérieux par Donald Trump et Vladimir Poutine, cette rencontre décidée dans l’urgence ne doit pas échouer. Le timing déclarations du Premier ministre Keir Starmer, qui a assuré, dans la nuit de dimanche à lundi, que le Royaume-Uni enverrait des troupes en Ukraine si nécessaire, n'a donc rien d'anodin.

L’initiative, prise en secret alors que la conférence sur la sécurité de Munich battait son plein ce week-end, revient à Emmanuel Macron. Son objectif? Faire en sorte, en quelques heures de discussion ce lundi 17 février à Paris, que les principaux pays européens actent leur volonté de s’armer, de soutenir l’Ukraine et de ne pas accepter sans réagir les menaces de la nouvelle administration américaine.

De nombreux chefs de gouvernements attendus

Les chefs de gouvernement de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de l’Italie, de la Pologne, de l’Espagne, des Pays-Bas et du Danemark, ainsi que le président du Conseil européen, la présidente de la Commission européenne et le secrétaire général de l’OTAN sont annoncés. Un sommet pourrait ensuite avoir lieu à Kiev le 24 février, pour le troisième anniversaire du déclenchement de la guerre.

Tenable, cet objectif? Oui, répondent les experts consultés par Blick à Munich et par téléphone. Mais il faut faire vite, car la perspective d’une rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine se rapproche. Dès cette semaine, les négociateurs américains et russes se retrouvent en effet en Arabie saoudite, où devrait avoir lieu leur sommet. Voici cinq décisions que les Européens doivent prendre pour s’armer face (ou avec) Trump.

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Avancer sans l’unanimité des 27

C’est le point crucial. L’Union européenne (UE) regroupe 27 pays membres qui disposent tous d’un droit de veto, ou du moins d’une forte capacité de blocage. Depuis l’agression russe contre l’Ukraine du 24 février 2022 par exemple, les 15 paquets de sanctions contre la Russie ont été adoptés à l’unanimité, mais après de longues tergiversations en raison des oppositions de la Hongrie de Viktor Orbán, et plus récemment de la Slovaquie de Robert Fico.

Or en matière de défense, il faut avancer vite. Le président du Conseil européen (l’instance qui représente les dirigeants des 27) Antonio Costa sera donc à Paris ce lundi, mais il a compris que l’heure d’une Europe à plusieurs vitesses est sans doute arrivée. «Grâce» à Donald Trump…

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S’armer vite, quitte à emprunter

Les Etats européens ont, à des degrés différents, tous le même problème: leur marge de manœuvre financière pour augmenter leurs dépenses militaires est limitée. Or, Donald Trump exige désormais 5% du Produit intérieur brut pour chaque pays membre de l’OTAN, l’Alliance atlantique. Comment résoudre cette équation?

En empruntant, malgré les contraintes imposées par la monnaie unique. Une proposition est sur la table: l’émission d’obligations européennes pour un montant de 500 milliards d’euros. Un chiffre est sur la table, et il fait peur: les pays de l’UE investissent chaque année 4,5% seulement de leur budget de la défense dans l’innovation et la recherche.

Contre 16% pour les Etats-Unis. Or la guerre du futur, entre intelligence artificielle et drones, est déjà à l’œuvre en Ukraine. A ce propos, la confiscation des 300 milliards d'euros d'avoirs de la Banque centrale russe, gelés depuis trois ans, se pose, pour financer l'équipement de Kiev. Autre débat: les investissements massifs consentis par le Royaume-Uni et la France (6,5 milliards d’euros) pour leur dissuasion nucléaire. Doivent-ils être partagés par d’autres?

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Ukraine, Arctique, Baltique: trois urgences

Les Européens doivent s’armer pour mieux se défendre. Mais ils doivent aussi être capables de montrer à leur «allié» américain – un terme qui sera compliqué à utiliser si Donald Trump fait des concessions à Poutine – leur détermination sur trois dossiers. L’Ukraine d’abord.

«Les Européens doivent, ensemble, accorder des prêts massifs à Kiev pour acheter les armes indispensables, en particulier les missiles», juge Edward Verona, expert américain de l’Atlantic Council. «Il leur faut aussi d’urgence une stratégie pour imposer leur présence et avoir un levier dans les négociations entre Washington et Moscou» juge Claudia Major, du German Marshall Fund.

Deuxième urgence: l’Arctique et le Groenland, que Donald Trump veut annexer. Le déploiement de troupes européennes rendrait crédible le soutien au Danemark, dont le Groenland est un territoire autonome. Troisième sujet: la Baltique, par laquelle transitent les tankers «fantômes» qui permettent à la Russie d’exporter son pétrole et de contourner les sanctions.

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Cibler les armes indispensables

Le débat fait rage, parmi les pays européens, sur la meilleure façon de s’armer. Les pays les plus proches de Washington, dont l’OTAN est la garantie suprême de sécurité, veulent très vite acheter américain pour satisfaire Donald Trump.

«Les Etats-Unis s’attendent à ce que les alliés dépensent beaucoup plus pour leur défense», confirme l’ancien ambassadeur suisse Bernardino Regazzoni. Un autre débat porte sur les programmes industriels lourds, donc longs, comme les chantiers de l’avion et du char du futur conduit par la France et l’Allemagne.

Le Commissaire européen à la défense, Andrius Kubilius, doit présenter à la mi-mars un «livre blanc sur la défense» qui fera l’inventaire. Mais attention: «la guerre en Ukraine démontre que l’urgence, c’est plutôt les drones», juge Edward Verona. Or dans ce domaine, Zelensky a eu raison d’affirmer à Munich que son pays est leader. L’Ukraine est donc, de facto, un acteur majeur de la future défense européenne.

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L’OTAN, toujours présent, mais plus tabou

L’Alliance atlantique demeure le pilier de la sécurité du Vieux Continent. Son article 5 qui oblige tous les alliés à répliquer si l’un d’entre eux est attaqué, n’est pour l’heure pas directement mis en cause par Donald Trump, même si celui-ci fait le lien entre protection américaine et niveau de dépense militaire.

La réalité est que, mis en cause et fragilisés par les Etats-Unis, les Européens doivent répliquer sans consulter Washington. Emmanuel Macron a donc convié le Royaume-uni, alors que celui-ci n’est plus dans l’UE. Problème: toutes les structures militaires fonctionnelles, au niveau européen, sont celles de l’OTAN dont les forces sont commandées par un chef d’Etat-Major américain, le général Christopher Cavoli depuis 2022. Un sérieux casse-tête.

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