Il lui reste trois obstacles à franchir. Trois barrières qui, pour l’heure, se dressent toujours entre le Rassemblement national et l’exercice du pouvoir en France. Mais avec la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale, le sprint législatif est un atout pour le parti national-populiste. Il peut en effet surfer sur sa vague aux élections européennes du 9 juin, qu’il a remporté avec 32% des voix. Alors, va-t-il refuser l’obstacle, ou trébucher?
L’obstacle N° 1: Les clés de la maison France
La France n’est pas l’Italie. Le pays est beaucoup plus centralisé. Beaucoup plus vertical aussi. S’il obtient une majorité absolue des 577 sièges de députés, le Rassemblement national prendra le contrôle de presque tous les leviers de l’État. Bien sûr, Emmanuel Macron demeurera en fonction comme président de la République jusqu’en 2027, garant de l'unité de la nation et des institutions. C’est du moins ce qu’il a plusieurs fois répété depuis sa décision de dissoudre l’Assemblée, le 9 juin au soir.
Mais un Premier ministre issu du RN, avec une Assemblée à ses ordres, aura la main sur le budget et sur le pays au sens large, compte tenu du rôle joué en France par l’administration. Il s’agit donc, le 30 juin et le 7 juillet, de savoir si une majorité d’électeurs français est prête à donner les clefs de la maison tricolore à ce parti qui n’a jamais exercé le pouvoir. Marine Le Pen a commencé à mettre en question le rôle de chef des armées du président. On peut s'attendre à ce que le RN conteste aussi le domaine réservé du chef de l'État, à savoir les affaires étrangères et les relations avec l'Union européenne. Une chose est sûre: le tsunami électoral ne sera pas qu’une grande marée législative. Les électeurs vont-ils prendre le risque d'une telle vague ?
L’obstacle N° 2: Le système à deux tours
Les régimes parlementaires, comme la Suisse, élisent leurs députés à la proportionnelle lors d’une élection à un tour, le plus souvent sur la base de listes nationales. Viens ensuite, comme en Allemagne ou aux Pays-Bas, un temps de consultation en vue de former une coalition gouvernementale. En France, le système majoritaire à deux tours fait que les députés sont élus dans une circonscription. Avec la possibilité, pour tous les candidats qui obtiennent au moins 12,5% des électeurs inscrits, de se maintenir, aboutissant ainsi à des triangulaires.
Il y aura donc un suspense électoral très important entre le 30 juin et le 7 juillet, avec des mots d’ordre de désistement. En règle générale, les sondeurs estiment qu'avec des intentions de vote autour de 30%-35%, le RN bénéficie d'une dynamique presque irrésistible. Les appels à faire barrage au RN seront-ils néanmoins entendus? Cette fois, l’enjeu pourrait faire réfléchir les électeurs incertains à deux fois.
L’obstacle N° 3: La mobilisation des anti-RN
Plus de deux millions de procurations. Des inscriptions massives sur les listes électorales des Français de l’étranger. Un taux annoncé de participation proche des 70%, contre 50% aux récentes élections européennes. A qui va profiter cet indéniable sursaut démocratique? Il n’y a pas de raison pour que le Rassemblement national, donné vainqueur par tous les sondages (entre 33 et 36% des suffrages au premier tour), n’engrange pas de nouveaux contingents de voix.
Mais c’est du côté des anti-RN que tout le monde regarde. Est-il possible que ce réveil du «barrage républicain» se fasse sans que les enquêtes d’opinion ne le voient venir? Une des difficultés majeures de ce scénario est l’affaiblissement des deux camps qui auraient pu recueillir les voix des électeurs anti-RN: la majorité présidentielle sortante et la droite traditionnelle. Il est également possible que la gauche, unie pour ce scrutin, mobilise ses troupes. Mais en général, c’est au centre que se décide une élection. Or le centre, en France, est aujourd’hui confronté à la montée de deux forces politiques radicales: le RN à droite et la France insoumise à gauche.